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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 165 |
EAN13 | 9782824709796 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LA F EMME
ABAN D ON N ÉE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA F EMME
ABAN D ON N ÉE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0979-6
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LA F EMME ABAN D ON N ÉE
A MAD AME LA DUCH ESSE D’ ABRAN T ÈS,
Son affe ctionné ser viteur ,
HONORÉ DE BALZA C.
Paris, août 1835.
1822, commencement du printemps, les mé de cins de
Paris env o yèr ent en Basse-Nor mandie un jeune homme qui r ele-E vait alor s d’une maladie inflammatoir e causé e p ar quelque e
xcès d’étude , ou de vie p eut-êtr e . Sa convalescence e xig e ait un r ep os
complet, une nour ritur e douce , un air fr oid et l’absence totale de sensations
e xtrêmes. Les grasses camp agnes du Bessin et l’ e xistence pâle de la pr
ovince p ar ur ent donc pr opices à son rétablissement.
Il vint à Bay eux, jolie ville situé e à deux lieues de la mer , chez une
de ses cousines, qui l’accueillit av e c cee cordialité p articulièr e aux g ens
habitués à viv r e dans la r etraite , et p our lesquels l’ar rivé e d’un p ar ent ou
d’un ami de vient un b onheur .
A quelques usag es près, toutes les p etites villes se r essemblent. Or ,
après plusieur s soiré es p assé es chez sa cousine madame de Sainte-Se vèr e ,
ou chez les p er sonnes qui comp osaient sa comp agnie , ce jeune Parisien,
1La femme abandonné e Chapitr e
nommé monsieur le bar on Gaston de Nueil, eut bientôt connu les g ens que
cee so ciété e x clusiv e r eg ardaient comme étant toute la ville . Gaston de
Nueil vit en eux le p er sonnel immuable que les obser vateur s r etr ouv ent
dans les nombr euses capitales de ces anciens États qui for maient la France
d’autr efois.
C’était d’ab ord la famille dont la noblesse , inconnue à cinquante
lieues plus loin, p asse , dans le dép artement, p our incontestable et de
la plus haute antiquité . Cee espè ce de famille royale au p etit pie d
effleur e p ar ses alliances, sans que p er sonne s’ en doute , les Cré qui, les
Montmor enci, touche aux Lusignan, et s’accr o che aux Soubise . Le chef
de cee race illustr e est toujour s un chasseur déter miné . Homme sans
manièr es, il accable tout le monde de sa sup ériorité nominale ; tolèr e le
sous-préfet, comme il souffr e l’impôt ; n’admet aucune des puissances
nouv elles cré é es p ar le dix-neuvième siè cle , et fait obser v er , comme une
monstr uosité p olitique , que le pr emier ministr e n’ est p as g entilhomme .
Sa femme a le ton tranchant, p arle haut, a eu des adorateur s, mais fait
régulièr ement ses pâques ; elle élè v e mal ses filles, et p ense qu’ elles ser ont
toujour s assez riches de leur nom. La femme et le mari n’ ont d’ailleur s
aucune idé e du lux e actuel : ils g ardent les liv ré es de théâtr e , tiennent
aux anciennes for mes p our l’ar g enterie , les meubles, les v oitur es, comme
p our les mœur s et le lang ag e . Ce vieux faste s’allie d’ailleur s assez bien
av e c l’é conomie des pr o vinces. Enfin c’ est les g entilshommes d’autr efois,
moins les lo ds et v entes, moins la meute et les habits g alonnés ; tous pleins
d’honneur entr e eux, tous dé v oués à des princes qu’ils ne v oient qu’à
distance . Cee maison historique incognito conser v e l’ originalité d’une
antique tapisserie de haute-lice . D ans la famille végète infailliblement un
oncle ou un frèr e , lieutenant-g énéral, cordon r oug e , homme de cour , qui
est allé en Hano v r e av e c le maré chal de Richelieu, et que v ous r etr ouv ez
là comme le feuillet ég aré d’un vieux p amphlet du temps de Louis X V .
A cee famille fossile s’ opp ose une famille plus riche , mais de
noblesse moins ancienne . Le mari et la femme v ont p asser deux mois d’hiv er
à Paris, ils en rapp ortent le ton fugitif et les p assions éphémèr es. Madame
est élég ante , mais un p eu guindé e et toujour s en r etard av e c les mo des.
Cep endant elle se mo que de l’ignorance affe cté e p ar ses v oisins ; son
arg enterie est mo der ne ; elle a des gr o oms, des nègr es, un valet de chambr e .
2La femme abandonné e Chapitr e
Son fils aîné a tilbur y , ne fait rien, il a un majorat ; le cadet est auditeur au
conseil d’état. Le pèr e , très au fait des intrigues du ministèr e , raconte des
ane cdotes sur Louis X V I I I et sur madame du Cayla ; il place dans le cinq
pour cent , é vite la conv ersation sur les cidr es, mais tomb e encor e p arfois
dans la manie de r e ctifier le chiffr e des fortunes dép artementales ; il est
membr e du conseil g énéral, se fait habiller à Paris, et p orte la cr oix de
la Légion-d’Honneur . Enfin ce g entilhomme a compris la r estauration, et
bat monnaie à la Chambr e ; mais son r o yalisme est moins pur que celui de
la famille av e c laquelle il rivalise . Il r e çoit la Gazee et les Débats . L’autr e
famille ne lit que la otidienne .
Monseigneur l’é vê que , ancien vicair e-g énéral, floe entr e ces deux
puissances qui lui r endent les honneur s dus à la r eligion, mais en lui
faisant sentir p arfois la morale que le b on La Fontaine a mise à la fin de l’ Âne
chargé de reliques . Le b onhomme est r oturier .
Puis viennent les astr es se condair es, les g entilshommes qui jouissent
de dix ou douze mille liv r es de r ente , et qui ont été capitaines de vaisse au,
ou capitaines de cavalerie , ou rien du tout. A che val p ar les chemins, ils
tiennent le milieu entr e le curé p ortant les sacr ements et le contrôleur
des contributions en tour né e . Pr esque tous ont été dans les p ag es ou dans
les mousquetair es, et achè v ent p aisiblement leur s jour s dans une
faisancevaloir , plus o ccup és d’une coup e de b ois ou de leur cidr e que de la
monarchie . Cep endant ils p arlent de la charte et des libéraux entr e deux rubbers
de wisth ou p endant une p artie de trictrac, après av oir calculé des dots
et ar rang é des mariag es en rapp ort av e c les g éné alogies qu’ils sav ent p ar
cœur . Leur s femmes font les fièr es et pr ennent les air s de la cour dans
leur s cabriolets d’ osier , elles cr oient êtr e p aré es quand elles sont affublé es
d’un châle et d’un b onnet ; elles achètent annuellement deux chap e aux,
mais après de mûr es délibérations, et se les font app orter de Paris p ar
o ccasion, elles sont g énéralement v ertueuses et bavardes.
A utour de ces éléments princip aux de la g ent aristo cratique se gr oup ent
deux ou tr ois vieilles filles de qualité qui ont résolu le pr oblème de
l’immobilisation de la cré atur e humaine . Elles semblent êtr e scellé es dans les
maisons où v ous les v o y ez : leur s figur es, leur s toilees font p artie de
l’immeuble , de la ville , de la pr o vince ; elles en sont la tradition, la
mémoir e , l’ esprit. T outes ont quelque chose de raide et de monumental, elles
3La femme abandonné e Chapitr e
sav ent sourir e ou ho cher la tête à pr op os, et, de temps en temps, disent
des mots qui p assent p our spirituels.
elques riches b our g e ois se sont glissés dans ce p etit faub our g
SaintGer main, grâce à leur s opinions aristo cratiques ou à leur s fortunes. Mais,
en dépit de leur s quarante ans, là chacun dit d’ eux : ― Ce p etit un tel
p ense bien ! Et l’ on en fait des députés. Généralement ils sont pr otég és
p ar les vieilles filles, mais l’ on en cause .
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