Structures de l imaginaire chez Senghor et Césaire - article ; n°1 ; vol.30, pg 209-224
17 pages
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1978 - Volume 30 - Numéro 1 - Pages 209-224
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

Jacqueline Leiner
Structures de l'imaginaire chez Senghor et Césaire
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1978, N°30. pp. 209-224.
Citer ce document / Cite this document :
Leiner Jacqueline. Structures de l'imaginaire chez Senghor et Césaire. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1978, N°30. pp. 209-224.
doi : 10.3406/caief.1978.1173
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1978_num_30_1_1173ÉTUDE COMPARATIVE
DES STRUCTURES DE L'IMAGINAIRE
D'AIMÉ CÉSAIRE ET DE
LEOPOLD SÉDAR SENGHOR
Communication de Mme Jacqueline LEINER
(Seattle)
au XXIXe Congrès de V Association, le 27 juillet 1977.
Aimé Césaire
POUR SALUER LE TIERS MONDE
à Leopold Sédar Senghor.
Ah!
mon demi-sommeil d'île si trouble
sur la mer!
Et voici de tous les points du péril
l'histoire qui me fait le signe que j'attendais.
Je vois pousser des nations.
Vertes et rouges, je vous-salue,
bannières, gorges du vent ancien,
Mali, Guinée, Ghana
et je vous vois, hommes
point maladroits sous ce soleil nouveau !
Écoutez :
de mon île lointaine
de île veilleuse
je vous dis Hoo!
Et vos voix me répondent
et ce qu'elles disent signifie :
« II y fait clair. » Et c'est vrai :
même à travers orage et nuit
14 JACQUELINE LEINER 210
pour nous il y fait clair.
D'ici je vois Kiwu vers Tanganika descendre
par l'escalier d'argent de la Ruzizi
(c'est la grande fille à chaque pas
baignant la nuit d'un frisson de cheveux)
d'ici, je vois noués
Bénoué, Logone et Tchad;
liés, Sénégal et Niger.
Rugir, silence et nuit rugir, d'ici j'entends
rugir le Nyaragongo.
De la haine, oui, ou le ban ou la barre
et l'arroi qui grunnit, mais
d'un roide vent, nous contus, j'ai vu
décroître la gueule négrière !
Je vois l'Afrique multiple et une
verticale dans la tumultueuse péripétie
avec ses bourrelets, ses nodules,
un peu à part, mais à portée
du siècle, comme un cœur de réserve.
Et je redis : Hoo mère !
et je lève ma force
inclinant ma face.
Oh ma terre!
que je me l'émiette doucement entre pouce et index
que je m'en frotte la poitrine, le bras,
le bras gauche,
que je m'en caresse le bras droit.
Hoo ma terre est bonne,
ta voix aussi est bonne
avec cet apaisement que donne
un lever de soleil
Terre, forge et silo. Terre enseignant nos routes.
C'est ici, qu'une vérité s'avise,
taisant l'oripeau du vieil éclat cruel.
Vois :
l'Afrique n'est plus
au diamant du malheur
un noir cœur qui se strie; COMPARATIVE DES STRUCTURES DE L 'IMAGINAIRE 2 1 1 ÉTUDE
notre Afrique est une main hors du ceste,
c'est une main droite, la paume devant
et les doigts bien serrés;
c'est une main tuméfiée,
une-blessée-main-ouverte,
tendue,
brunes, jaunes, blanches,
à toutes mains, à toutes les mains blessées
du monde.
Leopold Sédar Senghor
A NEW YORK
(pour un orchestre de jazz : solo de trompette)
New York! D'abord j'ai été confondu par ta beauté, ces
grandes filles d'or aux jambes longues.
Si timide d'abord devant tes yeux de métal bleu, ton sourire
de givre
Si timide. Et l'angoisse au fond des rues à gratte-ciel
Levant des yeux de chouette parmi l'éclipsé du soleil.
Sulfureuse ta lumière et les fûts livides, dont les têtes
foudroient le ciel
Les gratte-ciel qui défient les cyclones sur leurs muscles
d'acier et leur peau patinée de pierres.
Mais quinze jours sur les trottoirs chauves de Manhattan
— C'est au bout de la troisième semaine que vous saisit la
fièvre en un bond de jaguar
Quinze jours sans un puits ni pâturage, tous les oiseaux de l'air
Tombant soudain et morts sous les hautes cendres des
terrasses.
Pas un rire d'enfant en fleur, sa main dans ma main fraîche
Pas un sein maternel, des jambes de nylon. Des jambes et
des seins sans sueur ni odeur.
Pas un mot tendre en l'absence de lèvres, rien que des
cœurs artificiels payés en monnaie forte
Et pas un livre où lire la sagesse. La palette du peintre
fleurit des cristaux de corail.
Nuits d'insomnie ô nuits de Manhattan! si agitées de feux
follets, tandis que les klaxons hurlent des heures vides
Et que les eaux obscures charrient des amours hygiéniques,
tels des fleuves en crue des cadavres d'enfants. 212 JACQUELINE LEINER
II
Voici le temps des signes et des comptes
New York! or voici le temps de la manne et de l'hysope.
Il n'est que d'écouter les trombones de Dieu, ton cœur
battre au rythme du sang ton sang.
J'ai vu dans Harlem bourdonnant de bruits de couleurs
solennelles et d'odeurs flamboyantes
— C'est l'heure du thé chez le livreur-en-produits-pharma-
ceutiques
J'ai vu se préparer la fête de la Nuit à la fuite du joure. Je
proclame la Nuit plus véridique que le jour.
C'est l'heure pure où dans les rues, Dieu fait germer la vie
d'avant mémoire
Tous les éléments amphibies rayonnants comme des soleils.
Harlem Harlem! voici ce que j'ai vu Harlem Harlem!
Une brise verte de blés sourde des pavés labourés par
les pieds nus de danseurs Dans
Croupes ondes de soie et seins de fers de lance, ballets de
nénuphars et de masques fabuleux
Aux pieds des chevaux de police, les mangues de l'amour
rouler des maisons basses.
Et j'ai vu le long des trottoirs, des ruisseaux de rhum blanc
des ruisseaux de lait noir dans le brouillard bleu des cigares.
J'ai vu le ciel neiger au soir des fleurs de coton et des ailes
de séraphins et des panaches de sorciers.
Écoute New York ! ô écoute ta voix mâle de cuivre ta
voix vibrante de hautbois, l'angoisse bouchée de tes
larmes tomber en gros caillots de sang,
Écoute au loin battre ton cœur nocturne, rythme et sang
du tam-tam, tam-tam, sang et tam-tam. .
III
New York ! je dis New York, laisse affluer le sang noir
dans ton sang
Qu'il dérouille tes articulations d'acier, comme une huile de vie donne à tes ponts la courbe des croupes et la souplesse
des lianes.
Voici revenir les temps très anciens, l'unité retrouvée la
réconciliation du Lion du Taureau et de l'Arbre
L'idée liée à l'acte l'oreille au cœur le signe au sens.
Voilà tes fleuves bruissants de caïmans musqués et de lamant
ins aux yeux de mirages. Et nul besoin d'inventer les
Sirènes. ÉTUDE COMPARATIVE DES STRUCTURES DE L 'IMAGINAIRE 2 1 3
Mais il suffit d'ouvrir les yeux à Гагс-en-ciel d'Avril
Et les oreilles, surtout les oreilles à Dieu qui d'un rire de
saxophone créa le ciel et la terre en six jours.
Et le septième jour, il dormit du grand sommeil nègre.
« On n'a plus besoin, écrivait P. Guberina, d'avancer des
arguments pour trouver que les poètes noirs d'expression
anglaise, française et espagnole représentent parmi les plus
grandes valeurs poétiques réalisées dans les langues respectives.
A. Césaire, L. S. Senghor, L. Hughes et N. Guillen sont
les compagnons assidus des grands poètes blancs dans toutes les
anthologies nationales et mondiales » (1).
Je vais essayer d'analyser l'esthétique de deux des plus grands :
Aimé Césaire et Leopold Sédar Senghor. Afin de donner à mon
étude un caractère plus précis, je m'appuyerai sur deux œuvres :
Pour Saluer le Tiers Monde d'Aimé Césaire et A New York de
L. S. Senghor, microcosmes du macrocosme qu'est l'œuvre tout
entière. A travers les formes, j'essayerai de saisir des significa
tions, de voir comment la mise en œuvre révèle, en profondeur,
Г être césairien, l'être senghor ien. Désirant être ce lecteur complet
qu'imagine Jean Rousset, « tout en antennes et en regard, qui lit
l'œuvre en tous sens », je mettrai, au service de ma lecture,
les Archives culturelles du Sénégal, le Centre d'études des civi
lisations de Dakar, les travaux du sociologue A. Memmi, du
psychiatre F. Fanon, des ethnologues Marcel Griaule, Jacques
Maquet, Michel Leiris ou Georges Balandier, de l'anthropo
logue Gilbert Durand pour n'en citer que quelques-uns, qui
tous ont contribué à accroître notre connaissance de l'imagi
naire de l'homme en général, de l'Africain et de l&

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