Processus de grammaticalisation dans la langue égyptienne - article ; n°1 ; vol.142, pg 191-210
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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1998 - Volume 142 - Numéro 1 - Pages 191-210
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 81
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Pascal Vernus
Processus de grammaticalisation dans la langue égyptienne
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 1, 1998. pp. 191-
210.
Citer ce document / Cite this document :
Vernus Pascal. Processus de grammaticalisation dans la langue égyptienne. In: Comptes-rendus des séances de l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 1, 1998. pp. 191-210.
doi : 10.3406/crai.1998.15848
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1998_num_142_1_15848COMMUNICATION
PROCESSUS DE GRAMMATIGALISATION DANS LA LANGUE ÉGYPTIENNE,
PAR M. PASCAL VERNUS
Plus que la Lettre à Monsieur Dacier, la Grammaire égyptienne
de J.-F. Ghampollion, est la première somme des connaissances
scientifiques sur l'écriture et la langue égyptienne. Elle fut publiée
à titre posthume en 1836 par son frère Champollion-Figeac. Plus
d'un siècle et demi après, à l'aube d'un nouveau millénaire, la dis
cipline que son génie avait fait germer a crû vigoureusement et,
avec elle, les connaissances sur la langue et l'écriture des pha
raons. Mais parfois, comme fascinée par les splendeurs monum
entales qu'elle a pour lot quotidien, l'égyptologie tend à se déve
lopper quelque peu en vase clos, à n'ombrager qu'elle-même
sous ses luxuriantes frondaisons. Cette communication vise, au
contraire, à porter un regard en quelque sorte altruiste en tentant
de mettre en valeur certains passage de la partition qu'elle peut
tenir dans le concert des recherches linguistiques.
Au minimum, l'égyptien est voué à entrer dans les études com-
paratistes, parce que loin d'être isolé, il appartient à un ensemble
ou phylum de langues, — je préfère m'abstenir du mot « famille »
— appelé chamito-sémitique ou afro-asiatique1 et qui comprend
les langues sémitiques, le berbère, les langues couchitiques et les
langues tchadiques2. Récemment, les énormes progrès accomplis
1. Le travail fondateur est celui de M. Cohen, Essai comparatif sur le vocabulaire et la
phonétique du Chamito-sémitique (Bibliothèque des Hautes Études. Sciences historiques et
philologiques, 291), Paris, 1947. Exposés d'ensemble plus récents : I. M. Diakonoff, Semito-
Hamitic Languages. An Essay of Classification (Language ofAsia andAfrica), Moscou, 1965 ;
C. Hodge éd., Afroasiatic. A Survey (Janau Linguarum Studiae Memoriae Nicolai an Wijk
dedicata Série Practica, 163), La Hague-Paris, 1971 ; J. Perrot éd., Les langues dans le monde
ancien et moderne. Troisième partie. Les langues chamito- sémitiques. Textes réunis par D. Cohen,
Paris, 1988 ; K. Petracek, Altàgyptisch, Hamitosemitisch und ihre Beziehungen zu einigen Spra-
chfamilien in Afrika und Asien. Vergleichende Studien fActa Universitatis Carolinae Philo-
logica. Monographia 90), Prague, 1988. Qu'un dictionnaire étymologique du chamito-
sémitique vienne d'être publié — V E. Orel, O. V. Stolboda, Hamito-Semitic Etymological
Dictionary. Materials for a Reconstruction (Handbuch der Orientalistik, 1/18), Leyde, 1995 —
témoigne de la renaissance vigoureuse des études comparatistes en ce domaine.
2. L'appartenance du tchadique au phylum, parfois mise en doute, semble s'imposer à
l'heure actuelle. On a aussi présenté la candidature d'autres groupes, comme le groupe
omotique. 192 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
dans la connaissance de ces deux derniers groupes ont eu pour
conséquence de réévaluer le rôle de l'égyptien dans la mesure où
il fait le pont entre la partie africaine du chamito- sémitique et le
sémitique avec lequel ses étroites affinités avaient été depuis long
temps reconnues3. Mais l'intérêt de l'égyptien ne se borne pas aux
études comparatistes. Je voudrais illustrer ici comment, dans une
certaine mesure, il a quelque chose à offrir à la linguistique génér
ale. Certes, a priori, la langue égyptienne cumule tous les défauts
bien connus des langues mortes sur lesquels il est inutile d'épilo-
guer. Mais elle présente un avantage non négligeable : on peut la
suivre sur une très longue période. En terme absolu, les plus
anciennes attestations sont à placer vers 3200 av. J.-C, tandis que
son dernier aboutissement, le copte (dialecte bohaïriqiie) est
encore utilisé comme langue liturgique des chrétiens d'Egypte4.
Dans la pratique, les premiers textes étendus remontent à 2700 av.
J.-C. et les documents significatifs les plus récents illustrent des
états de langue qui ne sont pas postérieurs au Xe siècle de notre
ère5, ce qui nous laisse une période « utile » de plus de trois millé
naires et demi. Ce n'est pas rien, et à si large échelle apparaissent
des phénomènes imperceptibles à l'intérieur de synchronies res
treintes. En particulier, l'étude de l'égyptien peut nourrir l'un des
3. La comparaison entre égyptien et sémitique est en passe d'être renouvelée depuis
que les thèses de O. Rôssler, développées entre autres dans « Das altagyptische als semi-
tische Sprache », dans Christentum am Roten Meer, F. Altheïm et R. Stiehl éd., Berlin-New
York, 1971, p. 263-326, et longtemps marginalisées, tendent à être de plus en plus larg
ement reçues ; voir en dernier lieu T. Schneider, « Beitràge zur sogenannte " neueren Kom-
paratistik "», Lingua Aegyptia 5, 1997, 189-209, malgré la réaction de J. Osing, « Zum Laut-
wert von \ und — » », SAK 24, p. 223-229.
4. Comme on l'attend d'une langue liturgique, le prononciation est restée longtemps
figée et, autant qu'on en puisse juger, proche de la au Moyen Âge. Ce n'est
que récemment que de nouveaux principes ont été formulés ; ils manifestent évidemment
une certaine « arabisation » ; voir H. Satzinger, article « Bohairic, Pronunciation of Late »,
dans The Coptic Encyclopedia Volume 8, A. S. Atiya éd., New York-Toronto, 1991. La docu
mentation disparaît après le Xe siècle — compte non tenu des manuscrits comportant des
textes plus anciens ; voir M. Krause, dans W. Helck, W Westendorf, Lexicon der Agyptologie
3, Wiesbaden, 1979, s. v. « Koptische Literatur ». Certains témoignages suggèrent que c'est
au XVir siècle que s'éteignirent les derniers locuteurs ; voir J. Vergote, Grammaire Copte,
Tome la Partie Synchronique et Tome Ib Partie diachronique, Louvain, 1992, p. 1.
5. Parmi les documents coptes récents, le linguiste doit faire une place à part aux
lexiques thématiques copto-gréco-arabes, connus par des manuscrits du Moyen Age, mais
dont les compilations ont été opérées du VIe au Vlir siècle de notre ère ; voir A. Sidarus,
« Les lexiques thématiques gréco-copto-arabes au moyen âge et leurs origines anciennes »,
dans Feschriftfur Prof. Dr. Julius Assfalg (Agypten und Altes Testament, 20), Wiesbaden,
1990, p. 348-359 ; Id., « Onomastica aegyptiaca : la tradition des lexiques thématiques en
Egypte à travers les âges et les langues », dans Histoire, Épistémologie, Langage 12, 1990, p.
8-19. Par ailleurs, on peut encore mettre en lumière des traits évolutifs dans l'ultime fl
oraison du copte, au X' siècle, ainsi l'emploi comme futur de la forme verbale à préfixe sa
(sare), dont il sera question par ailleurs dans cette communication ; voir M. Green, The copt
ic share Pattern and its ancient egyptian Ancestors. A Reassessment ofthe Aorist Pattern in the
EgyptianLanguage, Warminster, 1987. ÉGYPTIEN ANCIEN ET GRAMMATICALISATION 193
débats majeurs de la linguistique la plus récente, je veux parler de
la « grammaticalisation »6. On entend par « grammaticalisation »
des processus constants par lesquels une langue se remanie elle-
même :
- soit en réaffectant des éléments lexicaux à des rôles grammat
icaux ;
- soit à l'intérieur même de la grammaire, en réaffectant cer
tains éléments à des rôles grammaticaux structurellement dif
férents de leurs rôles originels.
Les phénomènes de grammaticalisation sont de première
importance pour la linguistique parce qu'ils illustrent en quel
que sorte l'inscription de l'histoire dans la langue, et parce qu'ils
éclairent les processus cognitifs que l'activité humaine met à
l'œuvre dans le constant travail de façonnage de son outil de
communication,

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