Sardes et Siciliens dans les grands ensembles des Charbonnages de Lorraine - article ; n°391 ; vol.72, pg 272-302
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Description

Annales de Géographie - Année 1963 - Volume 72 - Numéro 391 - Pages 272-302
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 75
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Renée Rochefort
Sardes et Siciliens dans les grands ensembles des
Charbonnages de Lorraine
In: Annales de Géographie. 1963, t. 72, n°391. pp. 272-302.
Citer ce document / Cite this document :
Rochefort Renée. Sardes et Siciliens dans les grands ensembles des Charbonnages de Lorraine. In: Annales de Géographie.
1963, t. 72, n°391. pp. 272-302.
doi : 10.3406/geo.1963.16412
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1963_num_72_391_16412■
Sardes et Siciliens dans les grands ensembles
des Charbonnages de Lorraine
par Renée Rochefort
Cette impression d'étrange densité des espaces vides qui donne aux
perspectives de tant de grands ensembles de l'urbanisme contemporain l'air
de sortir de la peinture d'un Ghirico, c'est en hiver surtout qu'on l'éprouve
dans les cités de Behren et de Farébersviller, lorsque les frondaisons des
jeunes arbres ne sont plus là pour adoucir les lignes architecturales et que,
d'un point quelconque, on peut contrôler du regard les moindres silhouettes
en déplacement dans un espace amplifié par la bise et le gel : groupes de gamins
qui font des glissades, mineurs déversés par l'autocar des Houillères, femmes,
généralement épaisses et sombres, qui vont chercher leur progéniture à
l'école. C'est aussi le moment où chacun se replie sur soi, sur ce qu'il est, sur
son passé et où l'hétérogénéité du peuplement des cités se fait le plus sentir,
tandis qu'elle s'atténue avec les joies et les jeux de l'été.
Dans les salles enfumées des rares cafés, les ségrégations se manifestent
davantage, mineurs lorrains et sarrois, mineurs italiens — bière contre
café — , Algériens, Polonais... A l'égard des Italiens, les patrons des bars sont
généralement sévères, leur reprochant de demeurer des heures à parler,
gesticuler, se quereller parfois, de décourager les clients autochtones et de
chercher la bagarre plus d'une fois. Il est certain que quelques soirs, les pas
sions atteignent une intensité de Far West.
C'est à ces Italiens, en particulier à ceux qui viennent de l'Italie la plus
lointaine, Sardes et Siciliens, que l'on a tenté de s'intéresser en cherchant
à savoir ce que représentaient pour eux ces cités neuves surgies sur les vieux
terroirs agricoles de l'Europe moyenne, et ce qu'ils pouvaient mettre de nos
talgie et d'espérance dans leur vie anonyme1.
I. HISTOIRE DE L'IMMIGRATION
DANS LES CHARBONNAGES DE LORRAINE
1. La première immigration véritablement importante date de l'après-
guerre et est en rapport avec l'essor des Houillères du Bassin de Lorraine
(H.B.L.). Tandis que la production passait de 6 millions de tonnes en 1938
1. Sur les aspects de l'immigration algérienne en Moselle, cf. Mme A. Michel, L'immig
ration algérienne en Moselle (Annales de Géographie, 1956, p. 341-361). SARDES ET SICILIENS EN LORRAINE 273
à 13 millions en 1954 et le pourcentage dans la production nationale de
14 p. 100 à 25 p. 100, les Houillères nationalisées, rénovées, édifiant centrales
Nombre de mineurs
Fig. I. — Provinces d'origine des Italiens
employés aux Houillères de Lorraine au Ier janvier 1962.
(D'après une statistique établie par les Houillères.)
thermiques et complexes carbo-chimiques, avaient de croissants besoins de
main-d'œuvre, à un moment où les rapports avec les pays traditionnellement
fournisseurs de mineurs, Pologne et autres pays de l'Europe orientale,
étaient coupés.
La première vague d'immigrants italiens remonte à 1947. Elle correspond
Ann. de Géog. — lxxii8 année. 18 274 ANNALES DE GÉOGRAPHIE
à une immigration spontanée en provenance de toutes les régions d'Italie.
Immigration causée par la crise de l'immédiat après-guerre. Arrivant au
hasard, munis de passeports de pèlerins ou de touristes ou venus, plus souvent
encore, en clandestins, les arrivants étaient prêts à loger n'importe où et à
faire n'importe quoi. Leur afflux se maintint durant quelques années.
2. La seconde vague ď immigration, celle de 1956, organisée méthodique
ment par les Houillères fut, quantitativement, beaucoup plus importante
et précédée d'une campagne de recrutement effectuée en Italie en 1955.
Avec l'accord du Ministère du Travail italien et des Offices régionaux et
locaux de la main-d'œuvre, des recruteurs embauchés pour le compte des
Houillères allèrent battre tambour sur les places des villages, en particulier
en Sicile et en Sardaigne, pour faire connaître les conditions de travail et
miroiter des perspectives de logements.
Les premières recrues débarquèrent en décembre 1955. Surpris par le
froid, elles n'en firent pas moins venir leur famille presque immédiatement.
Les arrivées augmentèrent en nombre pendant les premiers mois de 1956.
Au dire de l'aumônier italien de Forbach, qui allait alors les accueillir à la
gare, 30, 40, 50 immigrants pouvaient arriver à la fois par le Rome-Ostende
et parfois 150. Les conditions de recrutement facilitaient au maximum toutes
les démarches administratives de l'installation. Aux arrivées officielles s'ajou
taient les venues clandestines de ceux que d'obscures vengeances ou des
négligences méridionales avaient empêchés d'inscrire régulièrement. Le mou
vement d'immigration se poursuivit en 1957 et 1958. Puis il fut stoppé
en 1959 par le contingentement des effectifs des charbonnages. Certains
mineurs, surtout des célibataires — 300 à 600 — furent réexpédiés dans les
mines du Nord. Une bonne partie d'entre eux d'ailleurs se volatilisa en route.
D'après les statistiques de la G.E.G.A. (Luxembourg), voici quelle fut
l'évolution des effectifs italiens par rapport à celle des autres étrangers
employés dans les Houillères de Lorraine.
TABLEAU I
Immigration italienne dans les H. B. L.
Date Italiens Total des étrangers
31-XII 1955 1 211 11 618
4 019 1956 12 467
31-XII 1957 3 362 13 171 1958 3 480 12 462
2 934 31-XII 1959 11 088
2 641 1960 10 084
31-IX 1961 2 429 9 189
30-VI 1962 2 547 9 294 SARDES ET SICILIENS EN LORRAINE 275
Au 3 juin 1962, la répartition par nationalité du personnel inscrit dans
les H.B.L. était la suivante :
TABLEAU II
Répartition du personnel par nationalités
Origines Fond Jour Ensemble
Français 15 856 16 462 32 318
Union Française 3 1 4
Algériens 928 123 1 051
Marocains 99 8 107
Allemands 2 749 832 3 581
Polonais 711 200 911
Tchécoslovaques 23 13 36
Yougoslaves 368 73 441
Italiens 2 006 541 2 547
Espagnols-Portugais -, . . 300 56 356
Russes 21 65 86
Belges 5 4 9
Luxembourgeois 5 8 13
Néerlandais 6 2 8
Hongrois 45 5 50
Divers 62 32 94
Total 23 231 18 381 41 612
A ce moment, l'embauche était à nouveau ouverte et certains des Italiens
envoyés dans les mines du Nord avaient pu revenir. Mais les chiffres ne
doivent pas laisser croire à une stabilité totale des effectifs italiens. Leur
équilibre est, en fait, sans cesse remis en question par le jeu complexe d'une
part des départs, d'autre part des nouvelles arrivées.
3. Les départs. Il y en eut dès le début, pour la simple raison que le
travail à la mine jouit, sauf exception, d'un préjugé défavorable chez le
Méditerranéen et que lorsque les immigrants trouvaient à la fois, sur place,
un autre travail et un gîte, ils n'hésitaient généralement pas à s'en aller,
même si les conditions économiques étaient moins intéressantes1. Aux départs
proches, il faut ajouter les départs lointains. C'est ainsi que dans l'hiver 1961-
1962, un certain nombre de familles siciliennes de Behren sont parties rejoindre
des parents au Canada. Il y a la concurrence de l'embauche allemande dans
les mines ou les industries variées. Nous avons entendu dire — sans qu'il
nous ait été possible de vérifier l'authenticité de l'affirmation — que des
démarcheurs d'Outre-Rhin, fort discrètement mais efficacement, abordent
en gare de Metz les immigrants transalpins frais débarqués pour leur faire
d'alléchantes propositions d'emploi. En sens inverse, le Bassin Houiller
1. Enquête sur la stabilité des étrangers ayant quitté les H.B.L. en 1958-1959, effectuée par
le C.I.E.D.E.H.L. en 1961 (Centre d'Informations e

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