Réflexions sur les hautes vallées alpestres - article ; n°362 ; vol.67, pg 308-318
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Réflexions sur les hautes vallées alpestres - article ; n°362 ; vol.67, pg 308-318

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Description

Annales de Géographie - Année 1958 - Volume 67 - Numéro 362 - Pages 308-318
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 83
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Raoul Blanchard
Réflexions sur les hautes vallées alpestres
In: Annales de Géographie. 1958, t. 67, n°362. pp. 308-318.
Citer ce document / Cite this document :
Blanchard Raoul. Réflexions sur les hautes vallées alpestres. In: Annales de Géographie. 1958, t. 67, n°362. pp. 308-318.
doi : 10.3406/geo.1958.16950
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1958_num_67_362_16950308
RÉFLEXIONS SUR LES HAUTES VALLÉES ALPESTRES
Ayant étudié en détail et séparément les diverses régions naturelles des
Alpes françaises et en ayant ensuite présenté une synthèse, j'ai été amené à
apercevoir entre des régions différentes et fort éloignées les unes des autres
un certain nombre de traits communs qui invitent à des rapprochements.
C'est le cas pour l'ensemble des hautes vallées, qui nous paraissent présenter
un ensemble de caractères généraux particulièrement bien frappés.
Mais il s'agit d'abord de s'entendre sur le sens de « hautes vallées ». Ce
titre nous paraît convenir à celles qui se développent au-dessus de l'altitude
de 1 000 m. Il y en a un peu partout dans les Alpes, à l'état de minces cel
lules isolées dont l'existence est liée à celle de régions plus basses. Mais nous
ne faisons entrer dans notre rubrique que celles où est installé, au-dessus
de 1 000 m, tout un groupe de communes affecté d'une vraie personnalité
régionale. Du coup, les massifs préalpins sont exclus, où la plupart des chefs-
lieux de communes sont assis au-dessous de 1 000 ; seul pourrait être admis
le minuscule Dévoluy. Le long du sillon alpin, on ne peut retenir que la
petite région du haut Arly, encore que deux communes y soient au-dessous
de la limite ; dans les massifs centraux, le val de Ghamonix, qui n'est pas
complètement orthodoxe. C'est la zone intra-alpine qui est le vrai domaine
des hautes vallées : l'Oisans presque entier (moins Bourg-d'Oisans, Livet
et Allemont) ; les hautes vallées de Tarentaise et une partie du Berceau
tarin ; en Maurienne, l'Arc en amont de Modane et les thalwegs suspendus
du Bugeon, des Villards, des Arves, de Valloire et Valmeinier ; puis le Brian-
çonnais, le Queyras, l'Ubaye. Enfin dans les Alpes maritimes le haut Verdon
en amont de Saint-André, le Var à l'amont de Guillaumes, la Tinée à l'amont
ď Isola, peuvent être rangés dans la catégorie.
Or parmi ces groupes hétérogènes, nous allons observer certains carac
tères communs de géographie humaine, vraiment singuliers et qui n'ont
jamais été systématiquement rassemblés ni décrits.
I. — La précocité du peuplement
Nous pensons que les hautes vallées ont été fréquentées par les hommes
dès que ceux-ci ont pu aborder les Alpes et estimons même qu'au moins
jusqu'à l'âge du Fer ces domaines élevés étaient plus habités quelles régions
alpestres déprimées.
Nous présentons notre première proposition comme une simple hypot
hèse, mais que nous croyons plausible. Elle repose sur le fait que la con
quête de la chaîne a été effectuée par des populations préhistoriques déjà
évoluées. Les civilisations paléolithiques et mésolithiques ont été radica
lement écartées des Alpes par les invasions glaciaires ; on ne retrouve leurs
traces que dans les cellules les moins élevées des Alpes du Sud. Ainsi les pre
miers hommes à aborder la vraie montagne ont été les tribus néolithiques,
déjà habiles à domestiquer les animaux, possédant ainsi des troupeaux de SUR LES HAUTES VALLÉES ALPESTRES 309 RÉFLEXIONS
gros bétail et de moutons. Pour ces pasteurs, les hautes terres présentaient
un attrait singulier : elles leur offraient des pâturages d'été. Lorsqu'en bas la
chaleur et la sécheresse flétrissaient les rares prairies, la montagne mettait
à leur disposition le tapis revigorant de ses alpages, qui sont le lot particulier
des domaines élevés. La transhumance d'été nous semble avoir été la pre
mière forme d'occupation de la montagne ; il est même possible, comme l'a
dit quelque part M. Deffontaines, qu'elle ait été inventée par les bêtes elles-
mêmes, les hommes n'ayant guère fait que suivre, quitte à organiser plus
tard le déplacement.
Mais une fois découverts ces précieux alpages, il était fatal qu'on en
désirât l'appropriation. Et pour cela il était utile qu'une partie du groupe de
pasteurs continuât à séjourner en haut après la fin de l'été, organisant un
établissement permanent à la base des hautes prairies, c'est-à-dire à proxi
mité des forêts, mettant en terre des céréales robustes, des légumes. La mon
tagne offrait d'ailleurs d'autres attraits. Elle est riche en minerais, dont les
plaines ensevelies sous des dépôts récents sont dépourvues. Elle recèle aussi
des cachettes, d'accès difficile et aisées à défendre, vers lesquelles peuvent
se réfugier des tribus inquiètes pour leur sécurité. Ainsi les motifs sont variés,
qui nous paraissent avoir attiré des hommes vers les hautes terres dès les
débuts de l'occupation ; il est probable d'ailleurs qu'une partie des groupes
a continué longtemps à redescendre l'hiver vers les basses terres, en accord
avec le rythme de la transhumance.
Cette explication que nous présentons d'une occupation précoce des
hautes vallées, si elle nous paraît acceptable, ne s'étaie d'aucune preuve
directe ; elle reste une hypothèse. Mais nous ne manquons pas de témoi
gnages permettant de démontrer qu'aux âges préhistoriques les hautes terres
étaient, le plus souvent, plus fortement utilisées et occupées que les basses.
Les inventaires de découvertes d'objets accusent en effet
la grande supériorité des régions élevées à l'égard des zones basses. En
Chartreuse, les trouvailles sont localisées aux hauts secteurs du massif, à la
grotte des Eugles, aux cols de Porte et de Bovinant, au Saint-Eynard, à
Chamechaude. En Tarentaise, elles se répartissent sur les territoires les plus
élevés du Berceau tarin, ceux de Bourg-Saint-Maurice, Granier, Tessens,
Longefoy ; le long de la haute Isère à Tignes et Villaroger ; dans les hautes
communes du Doron de Bozel, les Belleville, les Allues, Pralognan, Cham-
pagny. La Maurienne en fourmille, non au fond des grandes vallées, qui
n'ont presque rien donné, mais en haut des versants, dans les villages de
forte altitude, sur les alpages jusqu'au-dessus de 2 000 m : dans les Vil-
lards, dans les Arves, à Montdenis, au Thyl, au Cenis, au-dessus de Bessans
et de Lanslevillard. Si le Briançonnais est resté presque vierge de découvertes
(probablement parce qu'on n'y a pas ou mal cherché), le Queyras a fourni
des trouvailles à Villevieille et Saint-Véran ; quant à l'Ubaye, c'est un musée
d'objets préhistoriques — parce qu'elle a disposé de fouilleurs résolus — ,
27 haches néolithiques déterrées sur les alpages, des objets de bronze et des
produits de l'âge du Fer reconnus dans toutes les localités de la vallée. Enfin ANNALES DE GÉOGRAPHIE 310
dans les Alpes maritimes les 30 000 figures gravées sur les roches autour du
mont Bego, entre 2 000 et 2 500 m d'altitude, témoignent de la vigueur en
pleine montagne (haute Roy a) d'une civilisation agricole qu'on peut dater
des débuts du Bronze. Cette richesse des inventaires préhistoriques de haute
altitude contraste avec la pénurie des zones basses, sauf celle des Alpes du
Sud-Ouest qui n'ont pas connu la glaciation; la Grande Vallée des Alpes
du Nord a livré très peu de vestiges, les cluses préalpines guère plus, sauf les
palafittes du lac d'Annecy et quelques trouvailles du Bronze le long de
l'Arve.
D'autres indices peuvent être évoqués de cette prédilection des anciennes
populations pour les hauts. M. Blache a glané en Vercors des traditions très
significatives : à Vassieux, des Provençaux auraient exploité les crêtes, alors
qu'il n'y avait personne au village, et à Autrans les hameaux les plus élevés
représenteraient les plus anciens habitats. La toponomastique vient à la
rescousse : dans

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