Michaël Youn et Jérôme Cornuau "Le film privilégie l action à la psychologie des personnages"
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Dans "La Traversée", Michaël Youn délaisse les rôles comiques pour interpréter un homme confronté à la disparition de sa fille, puis à sa réapparition inquiétante, devant la caméra de Jérôme Cornuau. Rencontre.
Contrairement à une tendance très française, le film accorde plus d'importance à l'action qu'à la psychologie des personnages. C'est un point auquel vous teniez particulièrement ?
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Michaël Youn et Jérôme Cornuau "Le Ilm privilégie l'action à la psychologie des personnages"
Dans "La Traversée", Michaël Youn délaisse les rôles comiques pour interpréter un homme confronté à la disparition de sa Ille, puis à sa réapparition inquiétante, devant la caméra de Jérôme Cornuau. Rencontre.
Contrairement à une tendance très française, le Ilm accorde plus d'importance à l'action qu'à la psychologie des personnages. C'est un point auquel vous teniez particulièrement ? Jérôme Cornuau :C'était vraiment ma préoccupation première de faire un thriller. Il fallait donc qu'il y ait un déroulement de l'action qui réponde à du suspense, à un rythme, et que, dans la lignée des îlms américains, les personnages se déînissent par rapport à l'action. On apprend donc à les connaïtre par rapport à leurs réactions, à ce qu'ils éprouvent. Et puis je voulais les prendre à un moment T de leur vie, celui où leur îlle a disparu. Le couple explose et qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ? L'homme choisit l'auto-destruction, tandis que la femme essaie de rester dans une stabilité, de croire toujours en la survie de leur îlle. Quand elle réapparaït, le père est heureux et, en même temps, il a peur d'apprendre la vérité. Il refuse tout ce qu'on lui dit. Il n'est que dans un principe de réaction et de fuite. Michaël Youn :C'est une vision plus américaine de la narration, c'est-à-dire que ça passe avant tout par "faire", plutôt que par "penser". On est un pays de grands auteurs, donc on a l'habitude de beaucoup penser, ce qui donne parfois ce que j'appelle moi des îlms bourgeois ou un peu bavards, mais qui plaisent à un certain public. Je me sens plus proche de ce qui est corporel. DansLa Traversée, je subis des agressions, des regards... Je suis plus à l'aise là-dedans que dans quelque chose de plus cérébral. Dans le îlm, on ne se pose pas la question du vécu du personnage et je ne crois pas que ça manque. Je me suis quand même demandé depuis combien de temps mon personnage était marié à celui d'Emilie
Dequenne, ce qu'il faisait dans la vie. On a besoin d'imaginer cela, ne serait-ce que pour savoir comment tu t'habilles, comment tu te coiFes, quelles chaussures choisir... Le plus important pour moi quand je campe un personnage, c'est de savoir quelles pompes il porte. D'abord parce qu'elles déînissent ta démarche, qui n'est pas la même avec des bottines qu'avec des baskets. La chaussure ne se voit pratiquement jamais à l'image, mais elle traduit aussi énormément la psychologie du personnage. Quand tu as trouvé, tu en parles au réalisateur. S'il pense que ça ne convient pas, c'est qu'il y en a un des deux qui se plante - en général c'est toi - et qu'il faut retravailler le personnage aîn de le trouver. Plutôt que de m'enquérir de son passé, j'aime bien savoir ce qu'il est aujourd'hui exactement. C'est pour cette raison que je choisis aussi avec beaucoup de soin les vêtements, les chaussures, la coupe de cheveux. Ce qu'il est à l'extérieur traduit ce qu'il est à l'intérieur.
Michaël Youn, vous interprétez le rôle diîcile d'un père confronté à la disparition de sa Ille, puis à sa réapparition inquiétante. Comment vous y êtes-vous préparé ? Michaël Youn :J'ai fait quelques recherches sur internet, j'ai vu des témoignages de parents qui avaient eu des enfants disparus. Le plus dur d'ailleurs n'étant pas les parents qui ont perdu leur enfant, mais ceux dont l'enfant a disparu et dont on n'a pas retrouvé le corps, parce qu'ils nourrissent toujours de l'espoir. C'est terrible parce que, bon, au bout de dix ans, il ne va pas venir taper à la porte en disant :"Je suis de retour". Tant que tu n'es pas dans la scène, je crois que dans ton for intérieur, surtout
si comme moi tu es jeune papa, tu te refuses à l'idée de te mettre déjà en condition avant l'heure, tellement c'est quelque chose de douloureux, de violent. Petit à petit, j'ai construit le mec en discutant avecJérôme Cornuau, en faisant ces recherches et en m'interrogeant moi-même. C'est vraiment un travail par touches, comme de l'impressionnisme. Tu înis par avoir le portrait global juste à la în. Les acteurs sont des sportifs de haut niveau de l'émotion. Comme le gars qui va courir le 100 mètres aux Jeux olympiques. Sur les 3-4 courses précédentes, il ne va pas tout livrer. Là, c'est pareil. Sur le îlm, tu sais les scènes où il va falloir que tu ailles chercher le truc que tu as caché au fond de toi. Ça prend forme au moment de tourner.
Michaël Youn et sa compagne, ïsabelle Funaro, dans "Fatal"© Universal Pictures International  rance
Le fait d'être devenu père dans la réalité a sans doute dû vous aider ? Michaël Youn :Comme de tuer quelqu'un, ça doit aider à jouer un tueur (rires). Il y a quelque chose d'à la fois universel et unique, de puissant et en même temps de tellement commun dans le lien de paternité. Tes parents te disent toujours : "Tu verras le jour où tu seras parent !", et le jour où tu tiens ton enfant dans les bras, tu te dis : "C'est bon, j'ai compris. Ça, c'est ma chair. Je préfère donner un rein, je préfère mourir plutôt qu'il lui arrive quelque chose." C'est vrai que ce sentiment-là, j'en ai véritablement pris conscience avec
la paternité. Sur le reste, il a fallu me créer cette relation avec Pauline Haugness qui joue ma îlle dans le îlm. Qu'on apprenne à s'apprécier, à se découvrir. Elle connaissaitFatal Bazooka, donc ça aide un peu. D'ailleurs quand elle m'a regardé, elle m'a dit : "Mais c'est pas toi !". Bah, si. On a essayé de devenir copains pour pouvoir jouer un père et sa îlle à l'écran. Ce qui était le plus dur, c'étaient les moments où je devais un peu la violenter, lui crier dessus. Je lui disais : "Bon là, je te crie dessus, mais on est d'accord, tu sais que c'est pour jouer.
" Je voyais que, par moments, je lui faisais peur. Je lui demandais si ça allait et elle me répondait : "Oui, mais là quand même tu m'as secouée fort." Donc j'essayais de la secouer moins fort. Il fallait souvent que je lui explique ce que j'allais faire, alors que c'est exactement le contraire que tu fais avec un acteur adulte. Tu ne vas presque jamais lui dire ce que tu vas faire pour le surprendre, pour qu'il est une super réaction, qu'il te renvoie un super truc et que toi aussi tu sois surpris. Là, moi avec mes angoisses de nouveau père, je n'avais pas envie de la bousculer la petite.
Des décors On s'identiIe d'emblée au inquiétants© Ppersonnage de Michaël Youn  atrick Mullerqui devient vite soupçonneux vis-à-vis de ceux qui l'entourent. Comment avez-vous travaillé la mise en scène et la direction d'acteurs pour que les spectateurs ressentent cela ? Jérôme Cornuau :Ma préoccupation était
eFectivement de raconter l'histoire du point de vue du personnage deMichaël Youn. J'ai donc opté dès le début pour une caméra qui se plaçait dans la nuque de mon personnage, un peu derrière, proche d'une caméra subjective. Je voulais aussi montrer la situation dans laquelle il se retrouvait, lui, à la în du îlm : une situation passive. Se trouver derrière lui dès la première séquence, qui est une séquence a priori tout à fait anecdotique et quotidienne d'un pique-nique, permettait également de mettre déjà le spectateur dans une situation pas naturelle, ambigüe. Pourquoi on ne voit pas le visage de l'homme ? De plus, comme Michaël Youn est dans un contre-emploi, bien évidemment cela va faire partie des éléments marketing du îlm. Alors je me suis dit qu'il ne fallait pas que ce soit une attente. J'ai donc reculé le plus possible le moment où on voyait Michaël Youn de face pour que le spectateur soit davantage avec le personnage qu'avec l'acteur. Pour construire cette paranoa qui s'installe envers les autres personnages, j'ai fait en sorte que certains d'entre eux parlent sur la même tonalité. On a fait des lectures ensemble où je leur ai tous demandé de parler sur le même rythme, de dire les mêmes mots. Les gens qui s'adressent à Michaël sont tous diFérents, mais parlent de la même façon. Ainsi, il y a un petit truc qui gêne, qui n'est pas perceptible, mais qui globalement participe d'un mal être un peu paranoaque. Est-ce qu'on a bien entendu ou bien vu ? Après on pousse sur certains éléments pour que les spectateurs se posent des questions. Michaël Youn :Jérôme est un réalisateur très calme, très tendre, très posé. Il campe des ambiances assez studieuses. On a tourné dans le port de Zeebruges, dans les landes écossaises, sur
un ferry qui allait entre la Hollande et Hull en Angleterre... Des endroits tellement étranges. On est passé dans des champs d'éoliennes en pleine mer du Nord ! Grâce à cet aspect-là, mélangé à son côté studieux et calme, il sut qu'il te dise : "Et là, on te regarde", pour que tu les vois les regards. Il a tout fait pour me mettre dans des ambiances super angoissantes. Dans le bateau, il faisait clignoter les lumières. C'était pareil dans l'hôtel. Celui dans lequel on a tourné la în du îlm ressemble en plus petit à l'hôtel deShining. Il est tellement angoissant que, lorsque tu rentres dedans, tu as l'impression que les gens vont te manger. Il n'y avait donc pas besoin de beaucoup en faire pour se sentir paranoaque dans ces endroits-là. Concernant le travail avec les autres acteurs,anny Valette, je suis censé ne jamais la comprendre, donc on communiquait peu, histoire de préserver nos bulles. On ne s'est pas trop mélangé.
L'esthétisme du Ilm contribue eîcacement à cette ambiance angoissante et n'est pas sans rappelerThe Ghost Writerde Polanski avec sa brume persistante. Quelles ont été vos principales sources d'inspiration ? Jérôme Cornuau :Je cherchais à créer un univers à la fois réaliste et stylisé, plutôt froid et sauvage, donc j'ai fait de longs repérages. EFectivement,The Ghost Writerétait un des îlms où je trouve que Polanski avait créé un univers très spéciîque et qui contribuait à nous mettre dans une ambiance très forte. Il y avait aussiLe Guerrier silencieuxde
Nicolas Winding Refn, qui a une façon de îlmer les extérieurs très particulière, et certains îlms de Tarkovski, commeStalker, qui me plaisait beaucoup dans son côté graphique, visuel. Ces îlms m'ont servi de références. Après on les oublie, ça devient une partie de nous et on part vers autre chose. J'ai également fait un très long travail de repérage. C'est une co-production rance-Belgique-Luxembourg, ce qui implique des nécessités de tourner en Belgique et au Luxembourg, mais l'histoire est écrite sur une ïle écossaise. On avait peu d'argent, donc je suis parti en équipe réduite en Ecosse et j'ai fait une semaine entière ainsi avec 8-10 personnes. Cela nous a permis à la fois de créer une ambiance entre les comédiens, notamment pour que la petite îlle s'habitue à une structure légère, et de sillonner l'Ecosse, donc de rendre l'ïle crédible. Après on est reparti en Belgique, au Luxembourg, en Hollande... Un peu partout pour înir le îlm.
Le choix des décors participe également à cette atmosphère particulière. Quels ont été vos critères de sélection ? Jérôme Cornuau :J'ai sillonné tout le Luxembourg pour trouver un hôtel avec une touche de suranné et en même temps d'étrangeté. Je l'ai trouvé au în fond d'une forêt. Après, on a cherché un ferry allant dans une ïle écossaise qui ne soit pas trop gros. J'ai înalement tourné dans trois ferries diFérents, mais je ne pense pas que ça se sente. Comme j'ai eu du temps entre le moment où le îlm a été înancé et le moment où on a tourné - pour des raisons de liberté de comédiens -, j'ai pu faire une longue préparation seul. Tous les décors sont choisis très précisément. Je me suis dit qu'un bon moyen de créer l'eFet que
je voulais d'intériorité des personnages, de subjectivité, était de îlmer les décors d'abord vides, puis ensuite avec des gens. J'ai aussi systématiquement fait des travellings avant. Le personnage de Michaël Youn est toujours dans un mouvement d'avancée et de travail sur lui-même, donc j'ai visuellement exprimé cela à travers ces décors vides. Au début, cela donne une impression bizarre, on ne comprend pas bien ce que c'est, mais c'est expliqué à la în. En fait, c'est lui qui rentre à chaque fois dans un nouvel univers, puis il y a uncutet on découvre les décors habités par des personnages, sans expliquer quoi que ce soit.
Michaël Youn est davantage connu pour ses rôles comiques. Comment est-il arrivé sur le Ilm ? Jérôme Cornuau :Il est arrivé par le biais de la productrice du îlm, Brigitte Maccioni, d'UGC. Moi, j'étais parti sur un casting plus traditionnel. J'imaginais, sans forcément les avoir contactés, des acteurs qu'on voit plus dans des drames psychologiques classiques. Elle a pensé àMichaël Younqu'elle connaissait. Elle lui a fait lire le scénario et quand elle me l'a dit, j'étais un peu surpris. Puis, je l'ai rencontré. Il m'a parlé du îlm, de la façon dont il l'avait lu, comment il l'imaginait, et on n'était en totale concordance. J'ai aussi vu ses îlms, ce que je n'avais pas fait auparavant et ce qui m'a permis de voir que c'était un comédien à part entière. Il composait des personnages avec une obsession du détail qui me convenait complètement.
Lorsqu'on s'est rencontré, il m'a convaincu quasiment dans l'instant. Michaël Youn :Ce n'est pas un virage, ce n'est pas un tournant, ce n'est même pas pour essayer de démontrer quelque chose. C'est juste qu'on m'a envoyé un scénario formidable, que je suis un garçon curieux et j'espère un artiste libre. J'ai eu envie de faire partie de cette histoire et de camper ce personnage. Si demain, Ben Aeck m'appelle pour faireThe Town2, je le ferai. Si le producteur Broccoli m'appelle pour faire un méchant dansJames Bond, je le ferai. Ces gens-là ne vont pas m'appeler, mais je tournerai avec plaisir pourChéreau,AudiardouDavid incher. Sans aucun problème ! Mon îlm suivant est une comédie et peut-être que celui d'après sera une comédie romantique. Jusqu'à présent, ce métier m'a réservé des surprises assez incroyables. J'ai commencé en 1997 en faisant de la radio. J'étais journaliste sportif et j'ai fait un tel tour de manège que, pour l'instant, je ne présage de rien. En 2000, j'étais l'animateur téle qui courrait en string en criant dans un mégaphone. Aujourd'hui je parle deLa Traversée, d'un père qui a perdu sa îlle. A ta grande surprise, ce métier te fait faire des grands écarts et je préfère attendre que ça se présente plutôt que d'anticiper. Demain, peut-être que je vais faire un îlm en Espagne, qu'on va me trouver formidable, et après ne plus tourner que là-bas. Et puis peut-être que ça va s'arrêter demain et que je deviendrai réalisateur de publicités. Je n'ai pas de plan de carrière.
Comment s'est passée la rencontre avec vos deux autres partenaires féminines, Fanny Valette et Emilie Dequenne ? Michaël Youn :Je connaissais évidemment Emilie, mais pas anny. J'étais très content d'avoir des partenaires féminines. Je n'ai Emilied'ailleurs quasiment que cela sur Dequenne© P le îlm. Elles m'ont accepté tout  atrick Muller de suite, sans rapport de séduction homme-femme ce qui est rare. On n'en avait pas dans le îlm, donc ça aide aussi à ne pas en avoir sur le plateau. Et puis, ce sont deux femmes, deux façons de jouer, deux univers complètement diFérents. L'une très douce, très maternelle, l'autre très électrique, hystérique, très femme fatale. Vous avez deviné laquelle est laquelle ! (Rires) On a passé de très bons moments, très studieux, très calmes, très posés. C'était un tournage très adulte, très mûr déjà. J'en garde un très bon souvenir. Jérôme Cornuau :anny Valette, la première fois que je l'ai vue, c'était dans une pièce,Le Vieux Juif blonde, où elle avait repris le rôle de Mélanie Thierry. Je lui avais proposé un îlm à un moment et puis j'étais parti sur quelqu'un d'autre, mais j'avais aimé la rencontre. Là, elle présentait la fragilité qu'avait le personnage et, en même temps, on apercevait chez elle une sorte de force intérieure assez impressionnante. Donc je l'ai recontactée et elle a fait des essais superbes. Une fois Michaël Youn choisi, je cherchais l'actrice pour interpréter sa femme et des familles diFérentes de cinéma.
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