Patatra

Guillaume Cochin

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Extrait de la publication Guillaume Cochin Patatra Roman Balland PPatatraTC.indd 1atatraTC.indd 1 118/12/12 15:498/12/12 15:49 ISBN : 978-2-35315-188-2 © Éditions Balland 130 rue de Rivoli 75001 Paris Extrait de la publication PatatraTC.indd 2PatatraTC.indd 2 18/12/12 15:4918/12/12 15:49 « La tragédie de la mort est en ceci qu’elle transforme la vie en destin » André Malraux. PPatatraTC.indd 3atatraTC.indd 3 118/12/12 15:498/12/12 15:49 Extrait de la publication PPatatraTC.indd 4atatraTC.indd 4 18/12/12 15:4918/12/12 15:49 Chapitre I – Merci, c’était formidable ! Et délicieux de surcroît… comme toujours. – De rien ! Rentrez bien ! Soyez prudents ! – Merci encore. – On s’appelle, on dîne… La porte de l’appartement se referme douce- ment, laissant à l’intérieur les derniers convives qui s’attardent. J’appelle l’ascenseur avant que la minuterie de la cage d’escalier ne replonge dans le noir le velours rouge du tapis, typique de ces immeubles cossus edu XVI  arrondissement. Et pendant que la cabine monte nous chercher, je repense à cette série de phrases stériles que ma femme, Delphine, vient d’échanger avec nos hôtes. Inepties et mièvreries f euries. 5 Extrait de la publication PatatraTC.indd 5PatatraTC.indd 5 118/12/12 15:498/12/12 15:49 Patatra Ah, si on pouvait parler vrai ! Cette scène, je la referais volontiers. – Merci, c’était nul ! Et très mauvais de sur- croît… comme toujours. – De rien !

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Guillaume Cochin

Patatra

Roman

Balland

ISBN : ----

© Éditions Balland  rue de Rivoli  Paris

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« La tragédie de la mort est en ceci qu’elle transforme la vie en destin » André Malraux.

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Chapitre I

– Merci, c’était formidable ! Et délicieux de surcroît… comme toujours. – De rien ! Rentrez bien ! Soyez prudents ! – Merci encore. – On s’appelle, on dîne…

La porte de l’appartement se referme douce- ment, laissant à l’intérieur les derniers convives qui s’attardent. J’appelle l’ascenseur avant que la minuterie de la cage d’escalier ne replonge dans le noir le velours rouge du tapis, typique de ces immeubles cossus e du XVI arrondissement. Et pendant que la cabine monte nous chercher, je repense à cette série de phrases stériles que ma femme, Delphine, vient d’échanger avec nos hôtes.

Inepties et mièvreries fleuries.

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Ah, si on pouvait parler vrai ! Cette scène, je la referais volontiers.

– Merci, c’était nul ! Et très mauvais de sur- croît… comme toujours. – De rien ! J’espère que vous aurez un accident en rentrant ! – Merci, pauvres cons. – Pas la peine de s’appeler, vous ne serez plus jamais invités à dîner…

Plus jamais invités à dîner… le rêve !

Delphine me précédant, je la regarde traverser le hall de l’immeuble au son sec et retentissant de ses talons sur le marbre. De dos, perchée sur ses escarpins, elle a fi ère allure, et si ce n’était pas ma femme, que je connais trop bien pour ne pas savoir que derrière ses petites fesses dodelinantes se cache la sœur aînée des Gor- gones, je n’hésiterais pas à accélérer le pas.

Malheureusement elle se retourne et en tirant la porte me dit, guillerette : – C’était sympa ce dîner ?! – Soirée de merde ! – Ça m’aurait étonnée que tu ne fasses pas une réflexion désobligeante… comme d’habitude !

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Installé à la place du mort, les yeux dans le vague, je regarde la pluie s’abattre sur le pare- brise. Delphine chausse ses lunettes et consciencieuse- ment met son clignotant pour déboîter, bien qu’il n’y ait personne à avertir à cette heure tardive de la nuit. Dans l’habitacle des voitures, on règle ses comptes. C’est là que se jouent, à huis clos, nos meilleures scènes de ménage. Passage à tabac en bonne et due forme pour une réflexion inappropriée, un col de chemise mal mis, une façon grossière de se servir avant la maîtresse de maison ou un aparté déplacé avec sa voisine de table… qui en plus d’être vulgaire est sotte et vénale ! Comme je ne pipe mot, Delphine me demande sur un ton légèrement inquisiteur : – À quoi tu penses ? – À rien.

Réponse bateau qu’on donne, en général, pour éviter de dire ce à quoi on pense réellement. En l’occurrence, à cet instant, je ne pense à rien et désamorce ainsi toute tentative de débat sur ce dîner épouvantable…

Nous rentrons en silence, Delphine concentrée au volant.

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Son profil se détache clairement, du front au menton, une ligne parfaite. Ses cheveux lisses et lourds encadrent ses épaules, quelques mèches se croisent au creux de sa poitrine de jeune fi lle. Tandis qu’elle passe les vitesses, son coude dégage un pan de son imperméable Burberry et laisse entrevoir ses cuisses involontairement entrouvertes. Lorsqu’elle appuie sur le champignon, le galbe fuselé et gainé de soie de sa jambe ressort de façon très érotique sur les sièges indigo de la Twingo ! Petit moment de bonheur après la torture du dîner. Et pendant que je me rince l’œil, ma femme scrute l’horizon, mâchoires serrées et mains cris- pées sur le volant. C’est comme ça qu’elle pilote. Mais comme je déteste conduire, je me garde bien d’émettre la moindre réfl exion quant à sa pos- ture un peu grotesque car elle serait capable de me débarquerillico. Nulle envie de rentrer à pied. Je n’ai jamais été très intéressé par les voitures, encore moins par les marques. Cette charrette est l’ancienne voiture de ma mère. Je l’ai reçue en héritage… ma sœur a eu le châ- teau ! Épilogue de mes relations avec feu ma mère qui de toute évidence préférait sa fi lle.

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Ma maman, Sidonie, était une femme de carac- tère ; exigeante envers les autres, mais très indul- gente pour elle-même… Dépensière et joueuse, elle a claqué le magot de notre grand-père au casino et surtout aux courses, laissant à ma pauvre sœur un château en ruine et vide de tout meuble. Sur son lit de mort, elle m’a demandé de m’ap- procher d’elle et j’ai pensé, un instant, qu’elle souhaitait me donner un baiser d’adieu. J’ai donc tendu la joue, et dans un dernier soupir, elle m’a demandé de lui apporter leParis-Turf… Ultime hommage à son extrême générosité, j’ai gardé la bagnole. Vieille chose cabossée, indigne de notre rang, dixitDelphine qui préfère se garer à des kilomètres plutôt que de tendre les clés à un voiturier à huit euros, honte comprise…

Nous roulons, bringuebalés, sur les pavés mouillés. J’ai très envie de glisser ma main gauche entre les cuisses de la conductrice.

Delphine rompt le silence : – Qu’est-ce que tu lui reproches à cette soi- rée ? – Dans ces dîners mondains, je me fais roya- lement chier ! On voit les mêmes personnes, les

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conversations tournent autour des mêmes thèmes, sujets bateau et consensuels ; du politiquement correct à tout bout de champ, sourires convenus et pensée unique de circonstance… on bouff e de la merde sophistiquée et fi nalement on se tape une indigestion de rien ! – Tu ne sais plus dire une phrase sans glisser un terme scatologique. –Tu appelles ça comment ce qu’ils nous ont servi ? – Tu aurais sans doute préféré une chou- croute !

Je ravale ma salive tout en me disantin petto  que, pourquoi pas une choucroute. C’est sympathique, convivial, une choucroute ! Une chope de bière à la main, on se prend par le bras… et en avant Maître Kanter. Les saucisses valsent, la moutarde monte au nez et les langues se délient. Un peu plus marrant que le fameux et fumant feuilleté en papillote qu’on chipote la bouche en cul-de-poule…

Sans parler du ridicule maître d’hôtel, loué pour la circonstance, qui passe entre les convives avec son plat en argent plaqué datant de l’incon- tournable liste de mariage déposée avec frénésie aux Galeries Lafayette. D’ailleurs, on ne sait plus

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