Expérience et raison dans la psychologie de Christian Wolff - article ; n°11 ; vol.71, pg 488-511

Anna Mariavittadello

Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1973 - Volume 71 - Numéro 11 - Pages 488-511
This historical exposé of the psychology of Chr. Wolff adopts a descriptive and epistemological point of view. The aim of the author has been to grasp Wolff's psychology in the intentio nality of his language which, while remaining philosophical and even substantialistic, allows one to perceive a relatively clear orientation overall. This orientation presages in a distant yet significant way laboratory-psychology ; that is, a science which treats of psychological experience empirically by means of introspection, and which uses as model the sciences of nature, based on a radical dualism. While suggesting the aporias which a science of introspection leads to, our analysis has been limited, nevertheless, to a merely introductory purpose.
Cet exposé de la psychologie de Chr. Wolff adopte un point de vue descriptif et épistémologique. Le but de l'auteur fut de saisir la psychologie wolffienne dans l'intention alité de son langage, qui, tout en restant philosophique et même substantialiste, laisse entrevoir une direction assez nette dans l'ensemble. Celle-ci préfigure, d'une façon lointaine mais significative, la psychologie de laboratoire ; c'est-à-dire une science qui traite empiriquement de l'expérience psychologique au moyen de l'introspection et sur le modèle des sciences de la nature, en s'appuyant sur un dualisme tranché. Tout en suggérant les apories où s'engage une méthode introspective en psychologie, cette analyse s'est tenue cependant à un propos introductif.
24 pages

Sujets

• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: REVUE_PHILOSOPHIQUE_DE_LOUVAIN
• Publié le: 01 janvier 1973
• Nombre de lectures: 21
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Anna Maria Vittadello
Expérience et raison dans la psychologie de Christian Wolff
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 71, N°11, 1973. pp. 488-511.
Abstract
This historical exposé of the psychology of Chr. Wolff adopts a descriptive and epistemological point of view. The aim of the
author has been to grasp Wolff's in the intentio nality of his language which, while remaining philosophical and even
substantialistic, allows one to perceive a relatively clear orientation overall. This orientation presages in a distant yet significant
way laboratory-psychology ; that is, a science which treats of psychological experience empirically by means of introspection, and
which uses as model the sciences of nature, based on a radical dualism. While suggesting the aporias which a science of
introspection leads to, our analysis has been limited, nevertheless, to a merely introductory purpose.
Résumé
Cet exposé de la psychologie de Chr. Wolff adopte un point de vue descriptif et épistémologique. Le but de l'auteur fut de saisir
la psychologie wolffienne dans l'intention alité de son langage, qui, tout en restant philosophique et même substantialiste, laisse
entrevoir une direction assez nette dans l'ensemble. Celle-ci préfigure, d'une façon lointaine mais significative, la psychologie de
laboratoire ; c'est-à-dire une science qui traite empiriquement de l'expérience psychologique au moyen de l'introspection et sur le
modèle des sciences de la nature, en s'appuyant sur un dualisme tranché. Tout en suggérant les apories où s'engage une
méthode introspective en psychologie, cette analyse s'est tenue cependant à un propos introductif.
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Vittadello Anna Maria. Expérience et raison dans la psychologie de Christian Wolff. In: Revue Philosophique de Louvain.
Quatrième série, Tome 71, N°11, 1973. pp. 488-511.
doi : 10.3406/phlou.1973.5749
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1973_num_71_11_5749Expérience et raison
dans la psychologie de Christian Wolff <*>
Christian Wolff et l'héritage cartésien en psychologie
La philosophie de Descartes peut être considérée à partir de
deux points de vue. Sous un premier aspect elle est une technique
de la raison qui procède de façon autonome et géométrique, c'est-à-dire,
en faisant usage uniquement des idées claiies et distinctes, dans un
ordre rigoureux. En ce sens elle représente un engagement à réaliser
l'autonomie de la raison, du fait que sa technique est employée dans
tous les domaines où son application est possible ; et aussi un engage
ment à respecter les exigences internes d'une telle technique, en rejetant
tout ce qui ne peut pas être réduit à cet ordre fondamental. — Sous
l'autre aspect, elle est un ensemble de doctrines métaphysiques et
physiques qui ont trait surtout à la dualité des substances, aux preuves
de l'existence de Dieu, à la spiritualité et à la liberté de l'âme, au
mécanicisme de la res extensa et donc du monde de la corporéité en
général.
Ce qui fonde la paternité de Descartes vis-à-vis de la Psychologie
c'est plus spécialement ce deuxième aspect. Mais son influence est
demeurée presque inaperçue jusqu'au moment où la philosophie de
Husserl a fait éclater l'équivoque méthodologique du dualisme qui
était bien plus radical que la distinction en tant que telle entre la
pensée et l'étendue, et dont la source s'originait dans le Cogito lui-même.
Jusqu'à l'époque contemporaine, on s'est donc montré plus
soucieux du premier aspect de l'héritage cartésien que du deuxième,
et c'est précisément cet intérêt pour la raison et son primat qui a assuré
la continuité immédiate avec la pensée de Descartes.
(*) Nous remercions vivement le professeur J. École, qui a lu très attentivement
ces pages, pour les encouragements et l'intérêt qu'il nous a témoignés. Son dévouement
n'eut d'égale que sa compétence. La 'psychologie de Christian Wolff 489
L'illuminisme va dans cette ligne, et sa décision fondamentale
semble êtie justement celle de se servir librement de la raison, sans
qu'elle soit guidée par rien d'autre qu'elle-même (1).
En Allemagne ce mouvement de pensée a revêtu un aspect tout
à fait particulier, caractérisé par la méthode de la fondation. Christian
Wolff en est le fondateur et le tenant principal (2), inaugurant ainsi
cette ligne caractéristique de la pensée allemande dont le succès
vint à l'apogée avec la philosophie de Kant. Il s'agit d'une méthode
d'analyse rationnelle, prudente et rigoureuse à la fois, qui poursuit
la recherche en démontrant la légitimité de chaque pas, c'est-à-dire
la possibilité intrinsèque des concepts dont elle se seit, ainsi que de
leur fondement. Voici comment elle est présentée par Kant lorsqu'il
se réfère à Wolff :
« Dans l'exécution du plan que la critique exige, c'est-à-dire dans le futur
système de la métaphysique, nous aurons un jour à nous servir de la méthode
rigoureuse du fameux Wolff, le plus grand parmi tous les philosophes dogmatiques,
qui, le premier (et c'est par cet exemple qu'il a créé en Allemagne cet esprit de
la fondation — der Geist der Grùndlichkeit — qui n'est pas encore éteint) montre
comment, en établissant régulièrement les principes, en déterminant clairement
les concepts, en cherchant l'absolue rigueur des démonstrations, en évitant les
sauts téméraires dans les conséquences, on entre dans les voies sûres de la science»(3).
(!) Cf. Kant, I., Beantwortung der F rage : Was ist Aufklârung?, éd. Cassieee,
IV, 1922; pp. 167-176.
(2) Christan Wolff est né à Breslau, en 1669, et est mort à Halle en 1754, au moment
où Kant publiait ses premiers essais philosophiques. Durant ses années d'étude à Leipzig,
et puis à lena et à Halle, il subit l'influence de la philosophie scolastique de Suarez, il
connut Descartes à travers Tschirnhaus, l'auteur de la Medicina mentis, et Leibniz
directement. De Tschirnhaus il retint le goût de la mathématisation de la science et
de YArs inveniendi ; de Leibniz, celui de YArs combinatoria, de la revalorisation du syllo
gisme, et, en général, de l'effort pour réduire toute la science au formalisme déductif
et géométrique de la raison. L'ambition « mathématique » était partagée par beaucoup de
savants de son temps, et notamment par les membres du Cercle de théologie, car ils
espéraient rendre leurs propres positions inattaquables par leurs adversaires grâce à
cette nouvelle Logique mathématique. Des buts pratiques et moraux amenèrent donc
Wolff à réduire la science à la clarté de la raison. Il enseigna d'abord la mathématique,
puis à l'Académie des Sciences de Berlin il continua l'enseignement officiel de la philo
sophie. Au contact de l'empirisme anglais et de la Physique newtonienne, il fut poussé
à donner plus de place aux données de l'expérience. Il écrivit ses oeuvres systématiques
latines pendant la dernière période de sa vie, très précisément entre 1727 et 1739.
(3) Avant-propos de la deuxième édition de La Critique de la raison pure, éd.
Cassiber, III, pp. 28-29. (Traduit par nous). 490 Anna Maria Viltadello
Ce « dogmatisme » wolffien dont parle Kant, demande pourtant
à être éclairé. En effet, s'il tient du scolasticisme aristotélicien et
théologique, du rationalisme cartésien et du problématicisme géomét
rique de Leibniz, s'il fait donc usage de la méthode deductive, il tient
également des physiques galiléennes et newtoniennes. Or, cette double
instance ne peut se concrétiser que dans une perspective à la fois
rationaliste et empiriste. En d'autres termes, Wolff présente d'une
part l'exigence de fixer le champ d'investigation de la raison, et, d'autre
part, celle d'appuyer les données a priori sur une base empirique.
Cela explique, à l'intérieur de l'oeuvre de Wolff, la place occupée par
les sciences empiriques (4), quoique leur statut soit loin d'être valable
ment constitué. Au contraire, il fera l'objet des critiques kantiennes
les plus dures.
A partir d'une telle problématique empirico-rationnelle, envisagée