Heidegger et la théologie - article ; n°2 ; vol.92, pg 226-245
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1994 - Volume 92 - Numéro 2 - Pages 226-245
If Heidegger himself declared that his theological studies were at the origin of his philosophical questioning, it is nevertheless impossible to conclude from there that his philosophy proceeds from theology and that he has himself stayed a «cryptotheologian». The question was for Heidegger, during the period immediately preceeding and following the publication of Being and Time, to differenciate in a radical manner thought from faith, by affirming the principial atheism of philosophy and by emphasizing the positivity of the theological science. If after the Kehre and the strong antichristianism of this period, the dimension of the sacred reappears in Heidegger's thought, his purpose is then, after having shown the fundamental ontotheological structure of metaphysics, to decisively differenciate a theology of faith from a theiology of thought.
Si Heidegger a lui-même déclaré que ses études de théologie ont été à l'origine de son questionnement philosophique, on ne peut cependant en tirer la conclusion que sa philosophie est issue de la théologie et que lui- même est demeuré un «cryptothéologien». Il s'est agi pour Heidegger, dans la période qui précède et suit immédiatement la publication A' Être et temps, de distinguer radicalement la pensée de la foi, en affirmant l'athéisme de principe de la philosophie, et en soulignant la positivité de la science théologique. Si après la Kehre et l' antichristianisme aigu qui caractérise cette période, on voit réapparaître la dimension du sacré dans la pensée de Heidegger, c'est alors pour distinguer décisivement, après avoir montré la structure ontothéologique fondamentale de la métaphysique, la théologie de la foi d'une théiologie de la pensée.
20 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 66
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Dastur
Heidegger et la théologie
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 92, N°2-3, 1994. pp. 226-245.
Abstract
If Heidegger himself declared that his theological studies were at the origin of his philosophical questioning, it is nevertheless
impossible to conclude from there that his philosophy proceeds from theology and that he has himself stayed a
«cryptotheologian». The question was for Heidegger, during the period immediately preceeding and following the publication of
Being and Time, to differenciate in a radical manner thought from faith, by affirming the principial atheism of philosophy and by
emphasizing the positivity of the theological science. If after the Kehre and the strong antichristianism of this period, the
dimension of the sacred reappears in Heidegger's thought, his purpose is then, after having shown the fundamental
ontotheological structure of metaphysics, to decisively differenciate a theology of faith from a theiology of thought.
Résumé
Si Heidegger a lui-même déclaré que ses études de théologie ont été à l'origine de son questionnement philosophique, on ne
peut cependant en tirer la conclusion que sa philosophie est issue de la théologie et que lui- même est demeuré un
«cryptothéologien». Il s'est agi pour Heidegger, dans la période qui précède et suit immédiatement la publication A' Être et
temps, de distinguer radicalement la pensée de la foi, en affirmant l'athéisme de principe de la philosophie, et en soulignant la
positivité de la science théologique. Si après la Kehre et l' antichristianisme aigu qui caractérise cette période, on voit
réapparaître la dimension du sacré dans la pensée de Heidegger, c'est alors pour distinguer décisivement, après avoir montré la
structure ontothéologique fondamentale de la métaphysique, la théologie de la foi d'une théiologie de la pensée.
Citer ce document / Cite this document :
Dastur Françoise. Heidegger et la théologie. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 92, N°2-3, 1994. pp.
226-245.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1994_num_92_2_6853Heidegger et la théologie
«Hier sehen wir nun die Philosophie in der Tat auf einen miss-
lichen Standpunkt gestellet, der fest sein soil, unerachtet er
weder im Himmel, noch auf der Erde, an etwas gehàngt, oder
woran gestûtzt wird. Hier soil sie ihre Lauterkeit beweisen, als
Selbsthalterin ihrer Gesetze, nicht als Herold derjenigen,
welche ihr ein eingepflanzter Sinn, oder wer weiss welche vor-
mundschaftliche Natur einflustert...»
Kant, Grundlegung zur Metaphysik der Sitten
Sous ce titre, très vaste, et qui renvoie à une déjà immense littéra
ture, il ne s'agit, dans le cadre restreint d'un exposé1, ni de proposer une
synthèse des rapports de Heidegger et de la théologie tout au long de son
«chemin de pensée», ni même de privilégier telle ou telle période, par
exemple celle du dialogue avec une théologie chrétienne renouvelée
pendant les années de Marburg, dont on sait qu'elles furent marquées
par un travail en commun avec Bultmann, ou encore celle de la Kehre,
qui voit la réintroduction de la dimension du divin dans une pensée
jusqu'alors définie comme rigoureusement philosophique, c'est-à-dire
fondée sur un athéisme de principe. Il s'agira plutôt de tenter de dégager
quelques jalons, en s'en tenant strictement aux énoncés relatifs à la théo
logie de Heidegger lui-même, lesquels sont suffisamment nombreux et
suffisamment précis pour nous permettre d'éclaircir quelque peu la
nature de son rapport à une théologie dont il faut tout de suite souligner
qu'elle est essentiellement double, théologie chrétienne et théologie phi
losophique, et qu'elle renvoie aux deux dimensions antagonistes de la
foi et de la métaphysique.
Je partirai d'un énoncé très souvent cité dans les travaux traitant du
rapport de Heidegger à la théologie et qui semble en effet incontour
nable: c'est, dans Acheminement vers la parole, sa fameuse déclaration
au cours d'un entretien datant de 1953 avec le professeur Tezuka qui
1 Est reproduit ici sans changements notables, à l'exception de la dernière partie qui
fut ajoutée après coup, le texte d'une conférence prononcée le 21 mars 1992 dans le cadre
du Séminaire de Phénoménologie et d'Herméneutique de l'E.N.S. de la rue d'Ulm (Paris)
dirigé par Jean-François Courtine. Heidegger et la théologie 227
l'interroge sur la genèse de sa pensée et auquel il rappelle qu'il a com
mencé par l'étude de la théologie: «Sans cette provenance théologique,
je ne serais jamais arrivé sur le chemin de la pensée. Provenance est tou
jours avenir»2. C'est aussi dans le même entretien que Heidegger cite, à
propos de la permanence d'un bout à l'autre de son chemin de pensée de
l'unique question de l'être, ce vers de Hôlderlin, tiré de l'hymne Le
Rhin, qui dit: «Denn I wie du anfiengst wirst du bleiben» — «Car / tout
comme tu commenças, tu vas rester». On pourrait certes s'autoriser de
ces textes pour régler d'emblée la question et, en se souvenant de ce que
Nietzsche dit de la philosophie allemande dans L'Antéchrist, à savoir
qu'elle n'est qu'une «théologie insidieuse», eine hinterlistige Théolog
ie3, considérer, comme le fait un élève de Heidegger, Karl Lôwith, que
celui-ci est un «théologien sans dieu, dont l'ontologie fondamentale est
issue de la théologie»4, en bref un «cryptothéologien». S'il me semble
essentiel de commencer par préciser la provenance théologique du pen
seur Heidegger et les liens que le jeune Heidegger a entretenus avec le
christianisme, ce que nous pouvons d'autant mieux faire aujourd'hui, à
la suite de travaux récents, en particulier ceux de Hugo Ott5, il me paraît
également nécessaire, avant toute tentative d'interprétation globale, de
laisser la parole à Heidegger lui-même et de faire effort pour com
prendre son propre point de vue quant aux rapports qu'entretient et que
peut entretenir selon lui la pensée, et singulièrement la sienne, avec la
double figure de la théologie.
Sans doute est-il indispensable de rappeler d'abord quelques don
nées de la biographie de Heidegger. Nous savons que Heidegger est né à
Messkirch dans une région profondément catholique et marquée par la
lutte entre catholiques et vieux-catholiques6, que son père est artisan et
2 Acheminement vers la parole, Gallimard, Paris, 1976, p. 95.
3 L'Antéchrist, trad, par D. Tassel, 10/18, 1967, § 10, p. 18: «Entre Allemands, on
saisit sur le champ quand je dis que la philosophie est corrompue par le sang théologien.
Le pasteur protestant est le grand-père de la philosophie allemande et le protestantisme
son peccatum originale. Définition du protestantisme: hémiplégie du christianisme — et
de la raison... Il ne faut que prononcer le mot «Tùbinger Stift» pour saisir, au fond, ce
qu'est la philosophie allemande: une théologie captieuse...».
4 Voir, entre autres, Ma vie en Allemagne avant et après 1933, Hachette, Paris,
1988, p. 47.
5 Dans son essai de biographie récemment traduit en français (Martin Heidegger,
Unterwegs zur seiner Biographie, Campus, Frankfurt, 1988), Hugo Ott a mis l'accent sur
les rapports de Heidegger et du catholicisme.
6 Les vieux-catholiques, issus de la Bavière, refusent le dogme de l'infaillibilité
pontificale du Concile de 1870. 228 Françoise Dastur
sacristain, et qu'après être passé de la Realschule de Messkirch au lycée
de Constance, grâce à la protection de Konrad Grôber, supérieur du
foyer catholique St Conrad où Heidegger est pensionnaire, il termine ses
études secondaires à Fribourg en tant que boursier. La bourse Eliner qu'il
a obtenue (du nom d'un professeur de théologie et recteur de l'univers
ité de Fribourg du xvie siècle) permet à des jeunes gens de Messkirch
d'étudier la théologie à Fribourg et c'est ainsi que Heidegger se destine
à cette époque à la prêtrise: après son Abitur, entre au novi
ciat de la société de Jésus à Tisis le 30 septembre 1909 (il a tout juste
vingt ans), pour en ressortir il est vrai treize jours plus tard, à cause
apparemment d'une constitution physique in

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