Kant sur la musique - article ; n°1 ; vol.95, pg 24-43
22 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Kant sur la musique - article ; n°1 ; vol.95, pg 24-43

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1997 - Volume 95 - Numéro 1 - Pages 24-43
La musique, selon Kant dans la Critique de la faculté déjuger, a un statut ambigu dans l'hiérarchie des beaux-arts: elle est hautement évaluée en tant que langage des affects mais elle se trouve au bas du classement par manque de durabilité et d' «urbanité». La musicologie bien intuitive de Kant repose sur des options de base: la musique est avant tout une affaire de sonorité, et c'est la tonalité des sons qui fait leur qualité; le son pur est un son naturel, celui de la voix. Ni la temporalité essentielle à la musique ni les composantes de l'harmonie, du rythme et du tempo ne sont discutées par Kant. Le musicologue Christian Friedrich Michaelis applique la conception kantienne de la musique déjà en 1795: il se révèle plus kantien que Kant lui-même. Cette conception kantienne peut être mise en relation avec d'autres positions philosophiques de Kant, notamment concernant le Génie et la culture. Finalement, la «musique du texte kantien» lui-même est d'une spécificité bien intéressante, et l'hypothèse est formulée que les composantes essentielles de l'artefact et de l'instrument, du corps, du pathémique, du rythme et du temps, toutes «refoulées», réapparaissent au niveau de l'écriture kantienne elle-même (dans l'isotopie dominante et dans les métaphores de son texte).
Music according to Kant in the Critique of Judgement has an ambiguous status in the hierarchy of the fine arts: it is valued highly as a language of the affects, but finds itself at the bottom of the classification due to its lack of durability and of urbanity. The certainly intuitive musicology of Kant is based on fundamental options: music is above all a matter of sonority, and it is the tonality of sounds that accounts for their quality; pure sound is natural sound, that of the voice. Kant does not discuss the temporality essential to music nor the components of harmony, rhythm or tempo. The musicologist Christian Friedrich Michaelis made use of Kant's conception of music as early as 1795: he showed himself to be more Kantian than Kant himself. This Kantian view can be related to other Kantian philosophical standpoints, in particular in regard to Genius and culture. Finally, the music of the Kantian text itself has a very interesting character, and the hypothesis is put forward that the essential components of artefacts and of instruments, of bodies, of the pathemic, of rhythm and of time, all repressed, reappear in Kant's writing itself (in the dominant isotopy and in the metaphors in his text). (Transl. by J. Dudley).
20 pages

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Herman Parret
Kant sur la musique
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 95, N°1, 1997. pp. 24-43.
Citer ce document / Cite this document :
Parret Herman. Kant sur la musique. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 95, N°1, 1997. pp. 24-43.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1997_num_95_1_7015Résumé
La musique, selon Kant dans la Critique de la faculté déjuger, a un statut ambigu dans l'hiérarchie des
beaux-arts: elle est hautement évaluée en tant que langage des affects mais elle se trouve au bas du
classement par manque de durabilité et d' «urbanité». La musicologie bien intuitive de Kant repose sur
des options de base: la musique est avant tout une affaire de sonorité, et c'est la tonalité des sons qui
fait leur qualité; le son pur est un son naturel, celui de la voix. Ni la temporalité essentielle à la musique
ni les composantes de l'harmonie, du rythme et du tempo ne sont discutées par Kant. Le musicologue
Christian Friedrich Michaelis applique la conception kantienne de la musique déjà en 1795: il se révèle
plus kantien que Kant lui-même. Cette peut être mise en relation avec d'autres
positions philosophiques de Kant, notamment concernant le Génie et la culture. Finalement, la
«musique du texte kantien» lui-même est d'une spécificité bien intéressante, et l'hypothèse est formulée
que les composantes essentielles de l'artefact et de l'instrument, du corps, du pathémique, du rythme et
du temps, toutes «refoulées», réapparaissent au niveau de l'écriture kantienne elle-même (dans
l'isotopie dominante et dans les métaphores de son texte).
Abstract
Music according to Kant in the Critique of Judgement has an ambiguous status in the hierarchy of the
fine arts: it is valued highly as a language of the affects, but finds itself at the bottom of the classification
due to its lack of durability and of "urbanity". The certainly intuitive musicology of Kant is based on
fundamental options: music is above all a matter of sonority, and it is the tonality of sounds that
accounts for their quality; pure sound is natural sound, that of the voice. Kant does not discuss the
temporality essential to music nor the components of harmony, rhythm or tempo. The musicologist
Christian Friedrich Michaelis made use of Kant's conception of music as early as 1795: he showed
himself to be more Kantian than Kant himself. This Kantian view can be related to other Kantian
philosophical standpoints, in particular in regard to Genius and culture. Finally, the "music of the
text" itself has a very interesting character, and the hypothesis is put forward that the essential
components of artefacts and of instruments, of bodies, of the pathemic, of rhythm and of time, all
"repressed", reappear in Kant's writing itself (in the dominant isotopy and in the metaphors in his text).
(Transl. by J. Dudley).Kant sur la musique
Comment perturber les classements
Entrons dans une toute petite chapelle de l'immense cathédrale
kantienne. La musique évidemment n'est pas l'intérêt principal du phi
losophe de Kônigsberg. Tout ce qu'il en dit est bien marginal aux
intuitions centrales de son œuvre et se cantonne dans la périphérie de ses
préoccupations. Kant parle de la musique dans sa Critique de la faculté
de juger: les Paragraphes 51, sur la classification des beaux-arts, et 53,
sur leur évaluation, proposent la doctrine «officielle» en ce qui concerne
la détermination de la musique, tandis que les Paragraphes 52, sur les
arts syncrétiques, et surtout 54 qui porte le titre modeste de Remarque
(Anmerkung), ajouté tardivement, paraît-il, rassemblent les «restes
refoulés» qui vont se révéler d'une ultime importance.
L'expérience de la musique oscille constamment entre l'agréable et
le beau au cours des réflexions sur la musique dans la Critique de la
faculté de juger, et c'est bien cette indécidabilité qui motive la dépré
ciation de Kant. Sa détermination de la valeur (Wert) de la musique est
mobile, fragmentée et discordante: il distribue des points et donne des
notes hautes et basses. Kant fait l'éloge de la musique en tant qu'art
formel, il la condamme en tant que seul jeu des sensations. Il l'apprécie
beaucoup du point de vue du «charme» (Reiz) et du «mouvement de
l'âme» (Bewegung des Gemùths), il la déprécie du point de vue de la
culture et de la raison. De ce point de vue, elle n'est «vraiment pas
sérieuse», elle a même moins de valeur que n'importe quel autre art
puisqu'elle n'incite pas du tout à la réflexion (Nachdenkeri). Bien
entendu, le premier rang revient en tout cas à la poésie qui élargit l'âme
en libérant l'imagination d'une part et en incitant à la réflexion. Notons
que cette hypostase de la poésie correspond chez Kant à la condamnat
ion la plus catégorique de l'éloquence: il dit n'avoir aucun respect pour
Vars oratoria, et a fortiori pour la rhétorique, qui exploite les faiblesses
des hommes dans une ambiance de persuasion et de séduction1.
1 Voir mon article «La rhétorique: heuristique et méthode chez Kant» dans
A. Lempereur (dir.), Rhétorique et argumentation, Bruxelles, Presses de l'Univerité Libre
de Bruxelles, 1990, 103-114. Kant et la musique 25
Toutefois, la poésie mise à part, la musique est hautement éva
luée sur le diapason du «charme» et du «mouvement de l'âme». La
musique est le langage des affects (Sprache der Affekte) et elle com
munique universellement les Idées esthétiques, plus que n'importe
quel autre art. Cette communicabilité spontanée des affects à travers la
musique est appréciable pour Kant. La musique est ainsi l'expression
d'une indicible plénitude de pensées {unnennbaren Gedankenfûlle) et
communique ainsi Yindicible. La musique, pour Kant, n'est donc pas
seulement le langage des affects mais également le langage de l'indi
cible. C'est même l'ensemble «structuré» de cette «indicible plénitude
de pensées» qui fait le thème (Thema) constituant 1' affect dominant
dans un morceau de musique. L'autre versant de la médaille est év
idemment que, puisque le «contenu» de la musique est l'indicible des
affects, elle n'aura aucune valeur sur l'échelle culturelle. La «plénitude
des pensées» n'est pas propositionalisable: cette «indicible plénitude»
est en fait l'Idée esthétique, qui, en principe, n'est pas conceptualisable.
La musique, par conséquent, provoque un mouvement continu et une
animation (Belebung) du Gemùth grâce à des affects qui font écho
(damit consonierende Affekte) aux sensations chez celui qui écoute la
musique. Il faut ajouter à cette appréciation un détail qui aura son
importance pour une lecture quelque peu plus approfondie du texte
kantien: l'attrait (Reiz) de la musique qui peut être si universellement
communiqué, semble reposer sur la tonalité (Ton): c'est la tonalité,
dit Kant, qui témoigne de la présence d'un affect dans la musique et le
provoque chez l'auditeur. Cette importance de la tonalité sera constam
ment réaffirmée (la musique pour Kant est Tonkunst), et on verra même
que l'hypostase de la tonalité donne un privilège certain à la musique
vocale au détriment de la musique instrumentale (dont l'importance
est refoulée par Kant, on le verra): la voix dans le chant, plus que
l'instrument, est porteuse de tonalité, donc le chant semble le langage
priviligié des affects.
En fait, après tant d'éloges, pourquoi la musique n'est-elle pas pre
mière parmi les arts? C'est que la musique «joue avec les sensations»
(bloss mit Empfindungen spieli). Cet aspect «ludique» ôte tout sérieux à
la musique. Ce «jeu» se manifeste, selon Kant, dans une double volatil
ité. La culture est évidemment trop sérieuse pour qu'elle s'accommode
de cette volatilité dans ses deux aspects: manque de durabilité, et manque
d' «urbanité» (Urbanitât). La musique s'évanouit de deux façons diffé
rentes: elle est passagère, et elle s'étend sans contrôle. A rencontre des
«arts de l'image et de la forme» (les arts plastiques, la peinture comme
U.C.L.
INSTITUT SUPERIEUR DE PHILOSOPH1
Bibliothèque
Collège D. Mercier
Place du Cardinal Mer

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents