L abstraction (suite et fin) - article ; n°59 ; vol.41, pg 339-373
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L'abstraction (suite et fin) - article ; n°59 ; vol.41, pg 339-373

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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1938 - Volume 41 - Numéro 59 - Pages 339-373
35 pages

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Publié le 01 janvier 1938
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Albert Dondeyne
L'abstraction (suite et fin)
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 41° année, Deuxième série, N°59, 1938. pp. 339-373.
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Dondeyne Albert. L'abstraction (suite et fin). In: Revue néo-scolastique de philosophie. 41° année, Deuxième série, N°59, 1938.
pp. 339-373.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1938_num_41_59_3906L'abstraction
(suite et fin) (*'
II
Si, dans la première partie de cette étude, nous nous sommes
attardés assez longuement à des considérations historiques, c'était
afin de mieux dégager le nœud même du problème que nous avons
entrepris d'examiner. En effet, l'évolution de la réflexion critique,
avec son va-et-vient du réalisme à l'idéalisme, de l'empirisme au
transcendentalisme, est singulièrement instructive. Elle nous montre
la pensée philosophique aux prises avec le problème de l'abstrac
tion, lequel lui apparaît sous la forme d'une antinomie sans cesse
renaissante. L'esprit humain se trouve comme tiraillé en des sens
opposés par deux tendances également naturelles et inéluctables.
Il y a, d'une part, Y exigence réaliste et intuitionniste. Connaître
ne consiste pas à inventer, à combiner ou à dépecer des concepts,
mais à savoir comment le réel est. Toute connaissance, même celle
des possibilités contenues dans l'être, implique une synthèse avec
l'être et suppose une présence réelle de l'être à la pensée, une union
immédiate de la pensée avec l'être. Cette exigence réaliste est si
fondamentale qu'elle est l'âme même de tous les systèmes philo
sophiques : l'empiriste et l'idéaliste, quelque divergeante que soit
la conception qu'ils se font de l'univers, se rencontrent en ceci qu'ils
prétendent traduire chacun la nature réelle de l'être. Mais en réalité,
comme l'intelligence humaine n'est pas créatrice, pour se faire une
idée exacte du réel, elle doit se soumettre au réel, le subir d'une
certaine façon. D'où on est tenté de conclure, que le donné expéri
mental est seul à garantir la portée réaliste de notre savoir.
Il y a, d'autre part, l'appétit métempirique et métaphysique :
appétit de l'universel et du nécessaire, de l'en soi le plus profond,
(*) Voir le début de cette étude dans notre numéro de février, pp. 5-20, A. Dondeyne 340
du trancendental et du transcendant. Toutefois, ce nouvel instinct
ne vient pas se juxtaposer au précédent : l'un et l'autre se com-
pénètrent mutuellement et c'est de cette compénétration même que
jaillit l'antinomie. Dans l'affirmation métaphysique, plus encore que
dans n'importe quelle autre activité intellectuelle, la pensée éprouve
le besoin de rester fidèle au réel, vu qu'elle veut étreindre la nature
la plus intime de l'être. Aussi, au moment même où l'esprit se croit
en possession du réel le plus ample et le plus riche, l'instinct réaliste
se montre le plus exigeant et vient jeter le trouble dans la conscience
du métaphysicien, car il se fait que les valeurs métaphysiques ne»
se révèlent clairement à la conscience qu'au sein de la pensée
abstraite, à travers le concept et l'affirmation. Quel est donc le
donné immédiat, capable de fonder des conceptions et des affi
rmations qui, par définition, dépassent tout donné ? Voilà bien,
nous semble-t-il, le point crucial du problème de l'abstraction intel
lectuelle.
Ambiguïté du vocabulaire épistémologique.
La complexité du problème se trouve encore augmentée du
fait de l'ambiguïté indéniable du vocabulaire épistémologique et
critique. Les termes « expérience », « intuition », « conception »,
« affirmation », « donnés », « chose en soi », « chose phénoménale »,
« réalisme », « idéalisme » — pour ne citer que les principaux —
sont susceptibles de significations fort variées. Il surfit de consulter
les dictionnaires de philosophie pour -s'en convaincre. On peut
signaler deux raisons principales à ce manque de fixité et de pré
cision.
En voici une première. La vie cognitive humaine, si elle
présente une diversité très réelle de moments, d'aspects et d'élé
ments, forme cependant une unité non moins réelle, une totalité
vivante dans laquelle le tout lui-même informe en quelque sorte
de l'intérieur la multiplicité des parties. A l'intérieur de la pensée
vivante, intuition et affirmation, concept et expérience ne forment
pas des régions aux contours nettement définis, qu'on peut isoler
comme des portions qu'on découpe dans l'espace. Chaque concept
se présente comme une affirmation en germe, une possibilité de
jugement et tout jugement est un mode de concevoir le ré,el, une
manière humaine de se dire à soi comment les choses sont. Concept 341 L'abstraction
et jugement sont comme l' exploitation claire d'une saisie intuitive
qui leur sert de point d'appui, mais qui, à son tour, se maintient
et s'achève, à l'intérieur de l'épanouissement conceptuel. Comme
nous aurons l'occasion de le montrer plus en détail, ces différents
moments ou aspects de la pensée humaine sortent d'une racine
commune et participent d'une même vie ; ils ne se juxtaposent pas,
mais ils s'impliquent mutuellement et il est bien difficile, dès lors,
d'assigner à chacun d'eux la place exacte qu'ils occupent dans le
tout de la vie cognitive. Cependant, rien de plus nécessaire, si nous
voulons tirer au clair la signification et la portée de la pensée
humaine, laquelle est une pensée conceptuelle, c'est-à-dire une
pensée une et multiple à la fois. Sans doute, une réflexion critique
qui entreprend l'étude détaillée des différentes fonctions cogni-
tives, court le danger bien grave de transformer en des entités
statiques ce qui est essentiellement vie et action. Cependant la peur
de « réifier » n'est pas une raison pour se contenter d'une analyse -
vaguement descriptive et d'une terminologie imprécise. Au cont
raire, il importe beaucoup de serrer d'aussi près que possible, grâce
à une analyse minutieuse, la complexité infinie de la vie. L'analyse
critique n'est rien autre chose que le retour de la pensée sur elle-
même, afin de prendre conscience de sa nature, de sa signification
et de son inépuisable richesse. Elle est une intuition qui se tire
au clair. Aussi, ~ elle n'est pas de soi déformatrice, mais révélatrice
du réel. -
II est une seconde raison à l'imprécision du vocabulaire critique,
raison plus importante encore que la précédente. C'est que la pensée
humaine est une pensée participée. Nous entendons par là qu'elle
est une pensée limitée et déficiente, mais qui, néanmoins, ne cesse
pas d'être une pensée véritable et qui contient, par conséquent,
au plus profond d'elle-même, ce qui constitue l'essence de toute
pensée. En d'autres mots, outre la diversité fonctionnelle que nous
avons signalée tantôt et que nous pourrions nommer une diversité
sur le plan horizontal — ce n'est là évidemment qu'une image —
elle présente encore une multiplicité en profondeur, selon le plan
vertical. Il sera, dès. lors, très important de discerner, à l'intérieur
de notre pensée, ce qui provient en elle de ce qu'elle est humaine
et limitée et ce qui lui appartient en tant qu'elle est pensée tout
court. Or, rien de plus délicat : car,, moins encore que tout à l'heure,
s'agit-il ici d'une simple juxtaposition d'aspects. Au contraire, il est 342 A. Dondeyne
de la nature de l'acte participé de renfermer en son être le plus
profond — selon un mode actif évidemment — l'empreinte de l'acte
auquel il participe et qui lui reste, par conséquent, immanent et
transcendant à la fois.
Cette seconde raison est si importante pour la suite de cette
étude, qu'elle mérite que nous nous y arrêtions plus longtemps.
Mais demandons-nous d'a

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