La méthode d'opposition en ontologie thomiste - article ; n°30 ; vol.33, pg 149-169

A. Marc

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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1931 - Volume 33 - Numéro 30 - Pages 149-169
21 pages

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• Publié par: REVUE_NEO-SCOLASTIQUE_DE_PHILOSOPHIE
• Publié le: 01 janvier 1931
• Nombre de lectures: 32
• Langue: Français
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Extrait

André Marc
La méthode d'opposition en ontologie thomiste
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 33° année, Deuxième série, N°30, 1931. pp. 149-169.
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Marc André. La méthode d'opposition en ontologie thomiste. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 33° année, Deuxième
série, N°30, 1931. pp. 149-169.
doi : 10.3406/phlou.1931.2611
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1931_num_33_30_2611V
La méthode d'opposition
en ontologie thomiste
Dans une note parue il y a quelques années, le R. P. Wé-
bert recherchait la genèse, non pas historique, mais logique
du Thomisme, « l'ordre intemporel des principes animateurs
de ce système ». Il suggérait comme moyen a d'une systé
matisation cohérente de nos connaissances », la méthode
d'opposition '). On voudrait ici utiliser cette suggestion,
montrer comment, dans les perspectives particulières de l'on
tologie thomiste, la méthode est un instrument de découverte
et d'organisation, d'analyse et de synthèse des idées. Elle
n'est d'ailleurs pas que cela. Expérimentale et rationnelle,
elle réalise les caractères qu'une autorité des plus compét
entes discerne dans le Thomisme. « Dans sa fidélité con-
» stante à une méthode rationnelle basée sur l'expérience,
» consiste la véritable originalité de saint Thomas en philo-
» sophie, originalité plus rare qu'on ne le pense généralement
» et qui consiste moins à inventer la vérité qu'à la découvrir;
» à construire un système, dans l'abstrait, qu'à lui trouver
» des bases solides et stables dans la réalité vivante et con-
» crête »2).
') J. WÉBERT, O. P., Le rôle de l'opposition en Métaphysique. Revue des
Sciences philosophiques et théologiques, 1925, p. 303.
J) T. R. P. GlLLET, O. P., La méthode philosophique de saint Thomas et
l'expérience. Angelicum, 1930, pp. 150, 167, 168. J50 A. Marc
Faire voir dans le Thomisme, grâce à la méthode d'op
position, cet aspect rationnel « aussi peu systématique que
possible », malgré la rigoureuse liaison des idées, cet accord
a des plus hautes spéculations de l'intelligence et des intui-
» tions primitives et sûres, quoique frustes, du sens com-
» mun »]) : tel est le but de cette tentative 2).
Le point de départ : l'idée d'être.
L'ontologie prend sa source dans la distinction que fait
notre connaissance, du sujet et de l'objet. L'esprit humain,
en effet, a pour caractéristique ceci : les idées sont en nous
comme des modifications passagères, accidentelles, contin
gentes et subjectives de notre intelligence; et cependant dès
là que par l'affirmation ou le jugement, nous les exprimons
et rapportons aux choses, nous les campons en elles-mêmes
devant nous comme des idées stables, valables pour tous,
universelles et nécessaires, indépendantes de nous. Autre
ment dit, nous en faisons des concepts objectifs qui nous
livrent à la fois les choses réelles telles qu'elles sont en soi
et la connaissance que nous en avons. La démarche essent
ielle de notre intelligence est donc de discerner dans ses
idées le mode d'être qui leur est particulier, le mode propre
de la chose extérieure, et d'affirmer celui-ci de l'objet. L'acte
de l'affirmation fait dans la pensée le triage du subjectif et de
l'objectif pour ne réaliser que ce dernier.
Or si l'on analyse d'où vient dans les choses connues
et l'affirmation qu'on en fait, ce caractère d'objectif et d'ab
solu, l'on constate qu'il tient à ce que dans le jugement, nos
idées et les choses sont rattachées à l'être, duquel elles sont
') Ibidem.
2) On se propose donc ici l'articulation logique des thèses thomistes d'ontol
ogie, non leur exposé détaillé. Leur démonstration sera ramassée en des raccourcis
denses, parfois même seulement indiquée plutôt que complètement développée. méthode d'opposition en ontologie 151 La
dites participer et selon lequel elles sont appréciées. Le réel
auquel l'esprit se réfère, n'est pas la seule existence empir
ique et sensible (la connaissance alors serait inconsistante et
contingente, comme le fait qui l'appuierait), c'est encore
l'existence absolue que l'esprit attribue diversement à tout.
Le rapport des idées et du réel à l'être rend les idées réelles
et le réel intelligible : ce qui constitue les idées et le réel
objectifs absolument. Ainsi, grâce au rapport à l'être, la con
naissance se réfère au réel absolu comme en revanche le réel
relève du tribunal de l'esprit, son juge absolu.
S'attachant à l'être, condition fondamentale d'absolu,
principe dernier de réalité, d'intelligibilité dans les choses
et la connaissance, l'esprit l'étudié en lui-même, et cette
étude constitue proprement la Métaphysique ou Ontologie.
Telle est l'amorce de celle-ci et la manière de s'en rendre
compte. Or son origine est déjà dans une opposition où son
objet propre prend du relief et qui est le point de rencontre
du réel et de l'esprit. L'idée d'être, d'ailleurs, présente des
caractères qui la distinguent. Elle est transcendante, c'est-
à-dire pénètre les autres sans être restreinte à aucune, mais
en les débordant toutes. De même, objet formel de l'esprit,
elle n'est pas parfaitement une, mais confusément imprégnée
de la diversité des essences par lesquelles elle doit être comp
létée, déterminée pour être objectivement affirmée.
Première étape : les Transcendaniaux.
D'autres oppositions vont d'ailleurs permettre d'avancer.
Le progrès de la pensée doit être tel ici qu'on acquière des
idées sans restreindre la transcendance de l'être : on verra
comment cela se peut.
UNITÉ. — L'idée d'être isolée, la tâche importante avant
toute autre est d'en éprouver la valeur. Pour en exprimer 152 A. Marc
d'autres notions, il faut être sûr de sa résistance et de
sa fermeté. A cela servira l'opposition contradictoire. On
« essaiera » l'idée d'être en la confrontant avec sa négation
radicale : l'expérience est décisive et redoutable, puisque dans
une rencontre de ce genre, l'un des adversaires abandonne
nécessairement le terrain. Or ici l'idée d'être exclut le néant
on' ne peut nier absolu. Si l'on peut nier tels ou tels êtres,
tout l'être. L'affirmation de l'être opposée à la négation radi
cale de l'être, la repousse. Qu'est-ce que nier l'être, sinon
donner cette négation comme objective, c'est-à-dire la rap
porter à un réel que l'on déclare intelligible par là même
qu'on le juge? La négation de l'être ne tient que par l'affi
rmation implicite de l'être et restaure ce qu'elle voudrait
abattre. Elle se détruit donc elle-même. L'être qui écarte de
soi et exclut le non-être, pour autant s'en distingue et reste
lui-même indivis.
Mais l'être ne nous apparaissant que dans le jugement,
n'apparaît que déterminé dans des essences multiples et dis
tinctes. L'une n'est pas l'autre, s'oppose à l'autre. Indivisées
en elles-mêmes, elles sont divisées de ce qui n'est pas elles :
à ces deux conditions elles sont. A ces deux conditions aussi
l'être est. Une idée les réunit en elle : l'unité. Ainsi, dans considéré en lui-même deux oppositions l'ont élaborée :
une opposition contradictoire (être, non-être), et l'opposition
relative des essences. Sa formule est le principe de non-cont
radiction : la tournure négative qu'elle y prend, montre
qu'elle ne limite pas l'être. Elle en éloigne seulement ce qui
pouvait le restreindre, mais en explicitant le contenu, elle fait
cependant avancer l'esprit.
On peut ici signaler au passage, mais sans y insister,
l'apparition d'oppositions nouvelles : l'opposition relative des
essences