Le Dieu de Platon - article ; n°85 ; vol.65, pg 5-35
32 pages
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1967 - Volume 65 - Numéro 85 - Pages 5-35
31 pages

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Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maurice Corvez
Le Dieu de Platon
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 65, N°85, 1967. pp. 5-35.
Citer ce document / Cite this document :
Corvez Maurice. Le Dieu de Platon. In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 65, N°85, 1967. pp. 5-35.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1967_num_65_85_5375Le Dieu de Platon
Platon a-t-il connu le vrai Dieu ? Non pas le Dieu de la Révél
ation, mais le Dieu des philosophes, celui que la raison naturelle
est capable d'atteindre par ses propres forces à partir du monde
qui s'offre à son regard. Ce Dieu que la raison découvre, et même,
par grâce et de manière implicite, le Dieu d'Abraham et de Jésus-
Christ, nul ne saurait dire que Platon, dans l'intime de son cœur,
ne l'a pas connu. Sa recherche passionnée de l'idéal, l'élévation
de son esprit, son amour de la vérité et de la justice, le prix dont
il a payé sa merveilleuse liberté à l'égard des biens sensibles et
terrestres, tout cela, qui l'a fait appeler autrefois le « divin Platon »,
nous incline à penser que l'âme de cet homme n'était pas étran
gère au monde des valeurs suprêmes du salut. Mais ce n'est pas
de ce mystère, qui défie toute curiosité humaine, ce n'est pas du
rapport singulier de l'âme de Platon avec Dieu que nous voulons
parler. Ce qui nous intéresse, et dont nous abordons l'étude dans
ces pages, c'est la vraie signification de la théologie de Platon,
le sens du contenu élaboré de sa démarche intellectuelle à l'égard
du divin. Dans cette immense et géniale construction, dans la série
des dialogues qui vont du Timée à la République et aux Lois,
pouvons-nous discerner quelque enseignement, ou quelque simple
donnée, qui exprime, sans doute possible, un aspect authentique
du divin, un trait distinctif qui ne puisse être attribué qu'à Dieu,
et permette, en conséquence, de dire que le vrai Dieu a été atteint
selon l'un ou l'autre caractère de sa nature propre ?
Pour savoir si la doctrine platonienne débouche véritablement
sur Dieu, trois voies se présentent à nous, que nous allons explorer
successivement.
La première consiste dans l'examen critique de ce que Platon
professe au sujet de la divinité considérée en elle-même. Ce qui
est, pour lui, la Réalité suprême, l'Absolu et le Transcendant, l'Un Maurice Corvez 6
et le Bien subsistants, le Beau par essence, nous est-il présenté
sous des traits qui n'appartiennent qu'à Dieu, ou bien le « Dieu
de Platon » ne serait-il qu'une image lointaine, un substitut du vrai
Dieu, infiniment distant de lui ?
La deuxième voie nous conduit à l'analyse du rôle de l'Absolu
platonicien par rapport au monde. Comment se comporte cet Abs
olu à l'égard de ce que nous connaissons ? Ce comportement est-il
proprement divin ? Est-ce ainsi que le vrai Dieu agit dans le monde ?
Lorsque nous lisons que le Principe transcendant du Philèbe donne
l'être et le mouvement aux existants, les fait participer à son intelli
gibilité, à sa bonté, à sa beauté, n'est-ce pas une juste description
de la causalité divine que nous avons sous les yeux, et ne sommes-
nous pas amenés à reconnaître le vrai Dieu dans l'exercice d'un
tel rôle, qu'il est seul, semble-t-il, à pouvoir remplir ?
Enfin, une dernière voie se rapporte à certaines dispositions
subjectives de Platon. Son attitude, ses sentiments exprimés à l'égard
de la divinité sont-ils tels que l'on doive les considérer comme ne
pouvant s'adresser qu'à Dieu, ne s'expliquer que si Dieu lui-même,
en ses manifestations intelligibles, s'est rendu présent à son esprit ?
L'esquisse d'une réponse à ces questions nous oblige à exposer
brièvement l'ensemble du système platonicien, à essayer de voir ce
que Platon a vu, de comprendre tout au moins ce qu'il a écrit,
mais seulement dans une perspective déterminée, en fonction de
notre problème : la connaissance de Dieu selon la « théorie » de
Platon.
I
Le Principe en lui-même
La pensée personnelle de Platon prend son essor dans un milieu
où s'affrontent de multiples problèmes d'ordre moral et philoso
phique, politique et religieux, intimement imbriqués les uns dans
les autres. Mais c'est surtout le point de vue politique, le souci
de la cité, qui semble avoir dominé dans l'âme du jeune Platon.
A vingt-quatre ans, il se trouve en situation de prendre une part
effective au gouvernement d'Athènes ; il est parent de chefs ; son
oncle Charmide, son cousin Critias l'invitent à s'engager dans la
vie publique. Sa naissance, sa richesse, son éducation, tout le porte
à s'intéresser aux affaires de l'Etat. Dieu de Platon 7 Le
Or l'Athènes de cette époque traverse une période de grande
détresse morale. La guerre du Péloponnèse a pris fin sous le coup
d'événements terribles dont Platon a été le témoin bouleversé. 11 a
vu la famine et les maladies, les pillages et les assassinats. La cité
a perdu tous ses vaisseaux, la ville est prise, et dans le désastre
de l'anarchie s'est instaurée la tyrannie des Trente. Puis, c'est le
procès et la mort de Socrate. Platon a été marqué trop profondé
ment par la doctrine de son maître pour se désintéresser des exac
tions des tyrans. Il ne rêve que du salut de la cité, convaincu qu'elle
ne parviendra au bonheur que si elle est gouvernée selon la vérité
et la justice. C'est le désir ardent de réformer l'Etat, d'organiser
la communauté civile selon des lois justes, qui conduit Platon de
la politique à la sagesse. Car s'il n'est de bonheur pour la multi
tude assemblée que par et dans la justice, il importe souveraine
ment à qui se sent responsable de ce bonheur, d'apprendre, dans
l'amour de la sagesse, par la philosophie, en quoi consiste exactecette précieuse et bienfaisante justice.
La religion posait à l'esprit de Platon des problèmes liés essen
tiellement à ceux de la vie politique, et qui exigeaient le même
dépassement idéologique. Inséparable du dévouement total que la
cité exigeait de ses membres, elle s'insérait dans une organisation
civile dont la réforme impliquait nécessairement sa propre réforme.
Les dieux de la cité étaient des dieux beaux, heureux et bons,
mais la religion ne savait pas justifier et coordonner les trois aspects
de leur culte. Le lien n'apparaissait pas entre la splendeur de la
beauté visible, la grandeur morale qu'elle entendait signifier, et
le bonheur qui devait l'accompagner, faute de la réduction de ces
valeurs à l'unité supérieure d'une réalité transcendante qui fût
l'objet propre de la religion, le divin par excellence. L'entreprise
intellectuelle à laquelle Platon va consacrer ses ambitions consis
tera à rattacher les malheurs d'Athènes à leur cause première ; à
la servir, elle et ses dieux, par le règne de la justice, contemplée
en sa vraie nature, obéie selon toutes ses exigences.
Mais voici que, venus à Athènes, des Sophistes mettent en
question la possibilité de savoir vraiment ce qu'est la justice, dont
ils prétendent qu'elle n'a de valeur que relative et subjective. Et
non seulement la justice, mais la vérité elle-même. Les notions de
base de la philosophie sont par eux renversées de fond en comble.
Xéniade déclare que tout est faux. Gorgias proclame que rien
n'existe et que, s'il existe quelque chose, l'homme ne peut le sa- 8 Maurice Corvez
voir ; même si l'homme peut le savoir, il est incapable de s'en
expliquer avec son voisin, car les mots n'ont rien de stable. On
devine les effets pernicieux que de pareils discours pouvaient en
traîner pour le sens moral des Athéniens. Si les principes n'ont rien
d'assuré, si tout s'effondre et que rien n'existe à quoi se raccrocher,
c'est le nihilisme qui engloutit toute chose dans son absurdité et
dans son malheur.
A l 'encontre de ce relativisme intolérable, de ce nihilisme dés*
espérant, Platon éprouve le violent besoin de connaître avec certi
tude, le besoin de savoir d'une manière inébranlable. Or la

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