Le problème de la liberté chez Plotin (suite) - article ; n°30 ; vol.33, pg 180-215

Paul Henry

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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1931 - Volume 33 - Numéro 30 - Pages 180-215
36 pages

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• Publié par: REVUE_NEO-SCOLASTIQUE_DE_PHILOSOPHIE
• Publié le: 01 janvier 1931
• Nombre de lectures: 39
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Paul Henry
Le problème de la liberté chez Plotin (suite)
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 33° année, Deuxième série, N°30, 1931. pp. 180-215.
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Henry Paul. Le problème de la liberté chez Plotin (suite). In: Revue néo-scolastique de philosophie. 33° année, Deuxième série,
N°30, 1931. pp. 180-215.
doi : 10.3406/phlou.1931.2613
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1931_num_33_30_2613Vil
Le problème de la liberté
chez Plotin
(Suite)
II
Plotin, nous l'avons vu dans la première partie de notre
étude *), affirme avec constance et fermeté l'autonomie de la
volonté humaine. Mais, à son témoignage même, d'autres
philosophes résolument panthéistes, tels les stoïciens, tiennent
eux aussi la même position (III. 1. 7). Pour qu'il se sépare
du panthéisme il faut donc, mais il ne suffit pas qu'il affirme
le fait de la liberté humaine ; il doit encore reconnaître à cette
liberté une nature, une fonction, des caractères qui préservent
l'homme d'une absorption dans le grand Tout de l'Univers,
où irait se perdre son individualité personnelle. Sinon, pour
nous servir d'une de ses expressions, la liberté ne sera qu'un
vain mot (ovojia jjl<5vov, III. 1. 715-I. 22320). Ces garanties,
notre philosophe nous les offre-t-il ? La réponse à cette
question fera l'objet de cette seconde partie.
Ouvrons le huitième livre de la sixième Ennéade, le seul
qui soit consacré tout entier au problème de la liberté. Ce
magistral traité, le trente-neuvième dans l'ordre chronolo-
') Voir Revue Néo-Scolastique de Philosophie, XXXIII, février 1931. pp. 50
et suiv. ' liberté chez Plotin 181 La
gique, Plotin le composa lorsqu'il était à l'apogée de sa car
rière d'écrivain. Les critiques x) se plaisent à le signaler
comme l'un des plus profonds de toute l'œuvre du philo
sophe, et pourtant, comme l'a très justement remarqué Hei-
nemann 2), ils ne l'ont pas assez exploité, rebutés peut-être
par les difficultés qu'il présente.
Il est curieux de le constater, cette situation se prolonge
depuis l'antiquité. L'érudit Bouillet qui a pu recueillir des
citations ou adaptations de tous les autres principaux traités
théologiques de notre auteur, observe que, malgré son import
ance, ce livre n'a pas été, pour autant qu'il le sache, cité par
les successeurs de Plotin !). Du reste il se pourrait que cette
anomalie doive être portée au compte de notre insuffisante
connaissance de l'influence de Plotin sur les philosophes qui
l'ont suivi. Cette intéressante question d'influences est jus
qu'ici mal débrouillée dans son ensemble.
De nos jours aussi plusieurs travaux ont paru sur le livre
intitulé Contre les Gnostiques (II, 9); on édite, on annote, on
traduit séparément le célèbre traité Du Beau (I. 6); d'autres
parties moins importantes des Ennéades ont fait l'objet de
monographies et de dissertations, mais cette magnifique étude
sur La Liberté et la Volonté de l'Un, qui ne le cède en
rien à celles-là, ni pour le fond, ni pour la forme, attend
encore toujours son commentaire. Sans doute H. F. Mùlïer
lui a consacré la dernière partie de son bon article sur la
nécessité et la liberté chez Plotin l), mais il nous donne là un
résumé fidèle plutôt qu'une analyse philosophique. De son
côté Th. Gollwitzer ') a mis à profit ce traité et fut ainsi amené
') Ainsi E. BrÉHIER, La philosophie de Plotin (Paris, 1928), p. 175, et F. Hei-
NEvlANN, Plotin (Leipzig, 1921), p. 214.
2) Heinemann, op. cit., p. 214.
3) BoUILLET, Les Ennéades de Plotin, T. Ill, p. 605.
4) H. F. MiiLLER, Plotinos iiber Notwendig\eit und Freihcit, dans A/eue Jahr-
bticher f. d. Klassische Altertum, XVII, 1914, pp. 476-488.
6) TH. GoLLVHTZER, Plotins Lehre der W illensfreihcit (I. Kempten, 1900;
II. Kaiserslautern, 1902). 182 P. Henry
à en éclairer maint passage sans d'ailleurs l'étudier à fond
et comme un tout continu. En outre sa volonté d'ordonner
en un système parfait les matériaux épars dans l'œuvre de
Plotin, l'a porté parfois à tirer des textes plus qu'ils ne con
tiennent et à exposer trop longuement des théories qui sont
déduites par voie de conséquence de cette reconstruction fo
rcément un peu arbitraire ou qui n'ont avec la question de la
liberté qu'un rapport assez lointain.
Nous essayerons de prendre une voie intermédiaire entre
celles de ces deux critiques, en visant d'une part à être, si
possible, plus fidèle, plus court et plus complet que le
second, tout en nous efforçant d'autre part de faire saillir
mieux que le premier la portée exacte, les aspects neufs, les
traits caractéristiques de la doctrine de Plotin, et les princi
pales démarches de sa dialectique.
Dialectique pénétrante et judicieuse, nous allons le voir,
qui, avant d'aborder les problèmes, cherche s'ils peuvent
avoir un sens, se donne un point de départ ferme et série les
difficultés; dialectique et doctrine hautement intellectualistes
qui, après avoir pris appui sur les thèses aristotéliciennes, en
développent ensuite les virtualités rationnelles, pour gagner
enfin la région toute plotinienne où l'esprit s'affirme pleine
ment libre dans son élan vers le Bien.
I. — Questions préalables
L'objet seul de ce livre intitulé par Porphyre Ile pi toO
êxouafou %at frsXyjjjiaxoc xoû ivâç soulève un problème du plus
grand intérêt et dont Plotin perçoit toute la gravité. Peut-
on examiner si les dieux eux aussi sont libres ou bien con
vient-il d'aller chercher cette propriété seulement dans le
plan inférieur où entrent en jeu l'impuissance et l'activité
incertaine des hommes } Les dieux au contraire seraient en liberté chez Plotin 183 La
possession de la toute-puissance et d'une liberté non pas
restreinte mais universelle 1).
C'est sur cette question que s'ouvre le traité. Dût-elle
même ne pas recevoir de réponse précise au cours des déve
loppements ultérieurs, le seul fait de l'avoir posée révèle un
esprit critique aiguisé. Au lieu de manifester une perfection
pure, la possibilité d'être le terme-du rapport de dépendance
exprimé par le xô liz aùxolç ne serait-il que la traduction au
niveau humain, d'une toute-puissance absolue et d'une liberté
totale qui se trouveraient souverainement réalisées, par delà
même les êtres premiers et divins, dans l'Un qui les trans
cende tous? Si Dieu est libre, il ne l'est ni à notre manière, ni
à celle d'aucun autre être qui vient après lui.
Cette marche prudente fait honneur au philosophe.
Frappé de l'absolue transcendance divine, il a parfaitement
saisi de quelles précautions il convient de s'entourer lorsqu'on
prétend appliquer à Dieu des concepts primitivement élaborés
sur les données du monde fini. Il en conclut que, s'il est
permis de transporter la liberté dans les dieux et plus encore
en Dieu (%od è-izl freoùç, %at sxi {jtàXXov £~î %-eôv), il faut en outre
chercher comment doit se faire cette transposition, c'est-
à-dire avec quels correctifs.
Ces réserves sur le passage du plan fini au plan infini
impliquent de nouvelles distinctions. Aussi bien tout le début
de ce livre nous révèle une opposition, d'ailleurs difficile à
mesurer, d'une part entre les concepts de puissance absolue
(xà uàvxa ou va a 9- ai) et de liberté (xô iiz aùxio), d'autre part, dans
ce concept même de liberté, entre celui de liberté partielle (xt)
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