Les sources de l idéalisme - article ; n°45 ; vol.38, pg 24-42
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1935 - Volume 38 - Numéro 45 - Pages 24-42
19 pages

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Publié le 01 janvier 1935
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Langue Français
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Extrait

Régis Jolivet
Les sources de l'idéalisme
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 38° année, Deuxième série, N°45, 1935. pp. 24-42.
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Jolivet Régis. Les sources de l'idéalisme. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 38° année, Deuxième série, N°45, 1935.
pp. 24-42.
doi : 10.3406/phlou.1935.2907
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1935_num_38_45_2907sources de l'idéalisme*) Les
INTRODUCTION
C'est une affirmation courante, chez les historiens de la philo
sophie, d'une part, que l'idéalisme date de Descartes, donné, à ce
titre, comme « le père de la philosophie moderne », — d'autre part,
que l'idéalisme résulte d'une certaine manière de comprendre et de
définir la connaissance. Or, s'il est vrai que l'idéalisme est une doc
trine philosophique qui « consiste à ramener toute existence à la
pensée » 1, on pourra déjà estimer que le système cartésien, admett
ant, sur la foi de la véracité divine, un dehors absolu de l'esprit,
ou une existence indépendante de la pensée, n'est qu'imparfaite
ment idéaliste. De fait, Kant ne considère le cartésianisme que
comme un idéalisme problématique, tandis qu'il nomme idéalisme
dogmatique le système de Berkeley 2. Il reste, en tout cas, que
Descartes pose, avec une netteté parfaite, le principe même de
l'idéalisme, selon lequel la pensée n'atteint immédiatement qu'elle-
même et son contenu immanent et en déduit aussitôt l'exclusive
validité de la méthode des mathématiques. « Cum quid dicimus in
alicujus rei natura, sive conceptu, contineri, idem est ac si dicere-
mus id de ea re verum esse, sive de ipsa posse affirmari »3.
On pourra donc admettre que Descartes a fourni à l'idéalisme
les formules qui le définissent et même, si l'on veut, qu'il a été le
premier à prendre clairement conscience de cette manière nouvelle
de philosopher. Et cela peut, en effet, justifier l'expression classique
* Conférences faites à l'Institut supérieur de philosophie.
1 LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la Philosophie, Paris, Alcan,
2e éd., au mot Idéalisme, pp. 317-318.
2 Critique de la raison pure, Analyt. transe, livre 2, ch. 2, sect. 2 : Wider-
legung des Idealismus.
3 Cf. E. BrÉHIER, Histoire de la Philosophie, t. II, p. 348 : « La philosophie
moderne ne s'était fondée, avec Descartes, qu'en faisant de l'idée l'objet imméd
iat de la connaissance ». Les sources de l'idéalisme 25
de révolution cartésienne. Mais ce qui est beaucoup moins sûr, c'est
que l'idéalisme ne soit historiquement conditionné que par une
notion de la connaissance, et même que cette notion de la connais
sance soit vraiment, chez Descartes, la source première, le primum
movens de la conception idéaliste. En effet, quand on étudie, dans
leur enchaînement concret, l'histoire des doctrines philosophiques,
on voit, semble-t-il, surgir l'idéalisme de difficultés appartenant
moins au domaine de la gnoséologie qu'à celui de l'ontologie, et
nous croyons même déceler, dans une partie de l'argumentaion car
tésienne, comme une reprise ou une réplique de ces difficultés pro
prement ontologiques, qui ramèneraient la position de Descartes à
celle des empiristes et des nominalistes, ses prédécesseurs, avec
cette différence à son bénéfice (ou à sa charge) d'avoir cru découvrir
une issue aux embarras inextricables où leurs conceptions ontolo
giques les avaient fourvoyés.
Peut-être entrevoit-on déjà l'intérêt d'une enquête sur les sources
de l'idéalisme. S'il est vrai, comme nous le pensons, que les
premières de l'idéalisme se trouvent au niveau de l'ontologie, nous
serions conduits à ramener le débat sur son véritable terrain, au lieu
de nous laisser obséder par un problème de la connaissance qui,
posé dans les termes de l'idéalisme, n'est somme toute qu'un pseudo
problème, masquant les difficultés d'ordre ontologique, dont la solu
tion avancerait plus les affaires de la philosophie qu'une polémique
essentiellement négative et souvent, d'ailleurs, inopérante, faute
d'aller aux causes. Principiis ohsta.
L'étude que nous entreprenons est une étude proprement histo
rique, ou, en tout cas, prend son point d'appui dans l'histoire des
doctrines philosophiques. On pourrait sans doute, — comme on n'a
pas manqué de le faire, — montrer, d'un point de vue abstrait, et
très rigoureusement, que l'empirisme et le nominalisme sont voués,
par leurs principes mêmes, aux conclusions idéalistes, dès là qu'ils
refusent de s'en tenir au pur et simple scepticisme, qui est un refus
de philosopher et une abdication devant les exigences rationnelles
de l'esprit. Mais, si légitime que nous estimions cette argumentation,
elle se verra parfois reprocher de n'être qu'une construction artifi
cielle, de substituer une logique intemporelle à la logique vivante et
concrète de l'histoire. Aussi croyons-nous qu'il convient, pour éviter
ces objections, de se placer résolument sur le terrain de l'histoire,
pour essayer de déterminer comment s'enchaînent concrètement des
doctrines qui paraissent, au premier abord, n'avoir rien de commun 26 Régis Jolivet
entre elles, et même, comme chez un Lachelier ou un Hamelin,
s'opposer les unes aux autres jusqu'à la contradiction.
Notre enquête aurait pu commencer par l'antiquité grecque, où
se trouvent formulés ou dessinés tous les mouvements spéculatifs
des âges postérieurs. Nous constaterions que le scepticisme ancien,
qui procède de l'empirisme et du sensualisme, comporte une sorte
de phénoménisme ou d'idéalisme latent. Il y a aussi Platon, qui
propose, dans la République (511 b), une dialectique qui «sans
utiliser rien de sensible, ne se sert que des idées pour aller, par des
idées, à d'autres idées, et se terminer à des », ce qui est l'idéa
lisme même. Hypothèse, d'abord, que le Parménide et surtout le
Sophiste s'efforcent de montrer nécessaire. Mais cette hypothèse ne
résulte, en fin de compte, que de présupposés empiristes, dont elle
se présente comme la solution de droit : parce que le réel sensible
apparaît à Platon comme une sorte de non-être, il s'applique à
orienter la pensée vers la connaissance des Idées et des Formes, qui
sont l'être même. Le vrai réel est donc extérieur au sensible ; l'intel
ligible, selon l'expression d'Aristote, est « séparé ». Le problème
sera alors d'expliquer la participation, ainsi que le « mélange des
Idées » (Phiîèbe). Ces thèmes de pensée, nous les retrouverons sous
une forme équivalente chez les idéalistes modernes, et cela peut
sans doute nous dispenser de reprendre les choses par le début. On
pourra se borner, sans grand inconvénient, semble-t-il, à partir des
doctrines empiristes médiévales, qui ne sont, d'ailleurs, pour une
bonne part, qu'une reprise des thèses empiriques et sceptiques famil
ières à l'antiquité grecque et qui conditionnent l'avènement de
l'idéalisme moderne, de la même façon que les embarras des « natur
alistes » et des sophistes grecs conditionnèrent de la
dialectique des Idées.
Il ne sera pas nécessaire non plus que nous fassions une revue
complète des diverses doctrines qui relèvent des courants empiristes.
On décèle, dans les plus importantes de ces doctrines, une forme
de pensée tellement constante qu'on peut sans risque la tenir pour
caractéristique de l'empirisme, et se permettre ainsi de limiter la
matière de l'enquête. De même, nous ne retiendrions — si nous
devions aborder ici cet examen — qu'un petit nombre de systèmes
idéalistes, mais tels qu'ils puissent nous présenter l'idéalisme sous
son aspect le plus formel. L'idéalisme peut revêtir, en fait, tels ou
tels aspects singuliers plus ou moins différents entre eux, sans renier
son essence, qui est de poser que l'idée, comme telle, est le seul Les sources de l'idéalisme 27

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