Recueillement métaphysique - article ; n°65 ; vol.43, pg 21-40
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1940 - Volume 43 - Numéro 65 - Pages 21-40
20 pages

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Publié le 01 janvier 1940
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Langue Français
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Extrait

Louis De Raeymaeker
Recueillement métaphysique
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 43° année, Deuxième série, N°65, 1940. pp. 21-40.
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De Raeymaeker Louis. Recueillement métaphysique. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 43° année, Deuxième série,
N°65, 1940. pp. 21-40.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1940_num_43_65_4000Recueillement métaphysique
Toute activité humaine est marquée du sceau de l'unité. Les
différentes disciplines scientifiques poursuivent systématiquement,
chacune dans son domaine et suivant ses méthodes, la connaissance
d'un ordre, d'un ensemble « unifié ». La métaphysique répond à
cette tendance fondamentale et incoercible de l'esprit, qui spon
tanément se porte au-delà des groupes et des catégories particul
ières, pour considérer le tout, sans plus. La métaphysique vise à
expliquer cet ensemble, qui embrasse toutes choses sans exception,
en dévoilant le principe de sa cohérence, la raison de son unité.
Ole est le suprême effort de l'homme pour saisir l'unité parfaite.
On voudrait savoir comment elle procède et quelle est la nature
des difficultés auxquelles elle se heurte.
Les faits, tels qu'ils apparaissent, se rattachent les uns aux
autres dans l'ordre de la simultanéité et dans celui de la succession.
Certains faits se ressemblent et l'on observe une régularité dans
la manière dont ils se présentent. Diverses sciences se sont données
comme tâche de découvrir ces récurrences, cet ordre stable, et de
les énoncer en des lois précises.
Mais le donné peut se considérer d'une autre manière : non
plus en surface, si l'on peut dire, mais en profondeur. C'est dans
le sens de cette nouvelle dimension qu'il faut s'engager pour ren
contrer la voie de la métaphysique. Le terrain propice pour cette
recherche est celui de notre propre activité, de notre vie réelle,
de notre existence personnelle. Nous voudrions tenter cette entre
prise en employant la méthode du « recueillement » : il s'agirait
de rassembler les faits et de les unifier par l'intérieur, en les recueil
lant en nous-mêmes, de manière à nous posséder dans l'activité
d'une conscience personnelle, riche d'être et de clarté.
Nous poursuivrons ce recueillement métaphysique en y disti
nguant trois phases : la première saisie de l'absolu dans le moi
qui se recueille ; la saisie de l'inévitable référence du moi, qui se 22 Louis De Raeymael^er
recueille, à l'ordre des êtres ; la saisie de la référence intégrale de
l'ordre des êtres, comme du moi qui se recueille, à l'Etre absolu.
1 . Première saisie de l'absolu dans le moi qui se recueille.
L'activité de l'homme se déroule en une suite d'actions : je
me promène, je réfléchis, je parle, je regarde, je désire, je me
préoccupe, je m'afflige, je m'amuse, etc. Il peut être intéressant
de les distinguer, de les décrire, de les comparer, de noter leur
enchaînement, leur enchevêtrement : travail d'analyse, travail de
synthèse. Mais je remarque qu'il s'agit sans cesse de ma propre
vie : ce sont mes actions, mes sensations, mes souvenirs, mes pen
sées, mes vouloirs : tout cela est « mien ». Ces données ne se ra
ttachent pas à moi par quelque rapport qui s'ajoute à ce qu'elles
sont, mais c'est cette appartenance qui les rend réelles et concrètes,
qui les constitue, les « individualise ». Ces actions et ces états sont
miens, c'est-à-dire moi-même je suis cela, j'agis et je suis affecté
de telle manière. En recueillant les phases de cette activité qui se
déroule, je ne trouve que moi-même. Je ramène la multiplicité de
ces faits à l'unité de leur source ; mais ils procèdent de cette source
sans en sortir et sans jamais pouvoir s'en détacher : ils sont « imman
ents ». Il n'est pas possible de les cueillir, comme des fleurs ou
des fruits. On ne peut les atteindre que dans le recueillement de
la conscience, lorsqu'on rentre en soi-même et qu'on y reconnaît
l'identité constante d'un moi actif, d'un moi qui est la réalité cons
titutive d'une vie qui se développe, d'une vie en devenir. Je vis :
cette vie est activité immanente, « sese movere » ; elle ne se dé
roule pas autour d'un moi inerte ; elle affecte réellement le moi.
Je suis source de vie, c'est-à-dire je suis source vivante, je suis
vivant, je m'épanouis ; et ce changement n'est pas le passage du
moi à autre chose, à un non-moi (je ne cesse pas d'être moi, pour
devenir toi ou il), c'est une évolution intérieure au moi, un déroule
ment dont la structure est commandée et animée par le moi, tou
jours un et le même. Ainsi donc, le moi, comme nature vivante,
dépasse la relativité de chaque action, puisqu'il contient mon acti
vité dans son ensemble.
Arrêtons-nous à quelques aspects de cette activité.
Ma vie est soumise à des conditions temporelles et spatiales.
Les corps m apparaissent étendus dans Y espace : ils sont juxta
posés. Chaque portion de l'espace est bornée de toute part par Recueillement métaphysique 23
d'autres portions : elle occupe un Heu, qu'on situe par référence
à endroits se trouvant en dehors du premier. L'« exté
riorité*» spatiale entraîne donc des rapports d'une nature spéciale.
Il en va de même du temps. Le cours temporel s'étend, si l'on
peut dire, dans le sens de la succession : les moments se suivent,
et chacun se trouve en un point qui se détermine par rapport aux
moments qui le précèdent et à ceux qui le suivent. Il y a une
« extériorité » des moments successifs analogue à celle des endroits
simultanés de l'espace.
Il est manifeste que mon activité se déroule dans un ordre
de succession (les actions et les états ne se présentent pas tous
à la fois, ils se suivent) et à divers endroits de l'espace (ces actions
et ces états se rattachent à des données spatiales différentes, per
çues p. ex. par les sens de la vue et du tact). Mais il n'est pas
moins certain que cette activité n'est pas caractérisée par une
extériorité spatiale et temporelle qui serait totale. Je puis toujours
rne situer moi-même dans le temps et l'espace (répondre aux ques
tions ubi et quando) ; je puis définir l'endroit occupé et le moment
vécu, en me référant à d'autres endroits et à d'autres moments.
Or, pour ce faire, je dois atteindre, de quelque manière, ces autres
points de l'espace et du temps, les ramener à une unité, à une
synthèse .
Ainsi donc, tout en étant liée au temps et à l'espace, ma vie
ne s'écoule pas totalement d'un moment à l'autre, et elle ne se
fractionne pas en parties juxtaposées dans l'espace. Ma vie dure
et elle garde son identité au cours de cette durée ; les moments
successifs viennent se fondre dans l'unité du moi : ils sont tous
miens, ils sont en moi, dans ma vie, dans mon activité. Dès lors,
je les saisis dans leur ensemble ; je dépasse chacun d'eux en par
ticulier et puis déterminer leurs rapports : je reconnais le passé,
le présent et l'avenir comme tels, dans leurs relations respectives.
Le moi n'est pas absorbé dans la relativité des moments successifs ;
il lui échappe, il la dépasse, car il dure en se maintenant dans la
succession des moments et il se reconnaît sans cesse dans sa durée.
D'une manière semblable, les points de l'espace vécu sont
ramenés à un ensemble. Ma vie, pour autant qu'elle est liée à
l'activité sensorielle, se répand dans l'espace. Mais cette activité
demeure mienne, le moi ne s'y perd et ne s'y fractionne point ;
il ramasse les éléments de cette activité et les absorbe en sa propre
unité, en sorte que la marque toujours identique du moi, l'appar- Louis De Raeymaeker 24
tenance immanente au moi, ne cesse jamais de caractériser cette
vie consciente, même dans ses conditions spatiales.
Dans les actes de connaissance proprement dits, le sujet, qui
connaît, se trouve en face d'un objet, qui est connu. La vie de

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