Vers une phénoménologie première: de Husserl à Maine de Biran et retour - article ; n°4 ; vol.96, pg 598-623
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Vers une phénoménologie première: de Husserl à Maine de Biran et retour - article ; n°4 ; vol.96, pg 598-623

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Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1998 - Volume 96 - Numéro 4 - Pages 598-623
Cet article tente de montrer que la «crise des sciences» décrite par Husserl ne peut pas s'interpréter à partir de la notion kuhnienne de révolution scientifique. L'A. essaie, pour sa part, de l'aborder à partir de la notion de «philosophie première» en revendiquant la possibilité d'un «changement de philosophie première». La pensée de Maine de Biran offre un exemple d'une «autre philosophie première». En conclusion, l'A. revient à Husserl en essayant d'offrir une réponse à la crise des sciences à travers l'ébauche d'une «phénoménologie première».
This paper is an attempt to show that the «crisis of sciences» described by Husserl cannot be interpreted on the basis of the Kuhnian notion of scientific revolution. For his part the A. has tried to set out from the notion of «first philosophy», arguing for the possibility of a «changing first philosophy». He finds an example of such «another first philosophy» in the thinking of Maine de Biran. In conclusion he returns to Husserl and attempt to provide an answer to the crisis in the sciences by sketching out a «first phenomenology».
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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 62
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Bertrand Bouckaert
Vers une phénoménologie première: de Husserl à Maine de
Biran et retour
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 96, N°4, 1998. pp. 598-623.
Résumé
Cet article tente de montrer que la «crise des sciences» décrite par Husserl ne peut pas s'interpréter à partir de la notion
kuhnienne de révolution scientifique. L'A. essaie, pour sa part, de l'aborder à partir de la notion de «philosophie première» en
revendiquant la possibilité d'un «changement de philosophie première». La pensée de Maine de Biran offre un exemple d'une
«autre philosophie première». En conclusion, l'A. revient à Husserl en essayant d'offrir une réponse à la crise des sciences à
travers l'ébauche d'une «phénoménologie première».
Abstract
This paper is an attempt to show that the «crisis of sciences» described by Husserl cannot be interpreted on the basis of the
Kuhnian notion of scientific revolution. For his part the A. has tried to set out from the notion of «first philosophy», arguing for the
possibility of a «changing first philosophy». He finds an example of such «another first philosophy» in the thinking of Maine de
Biran. In conclusion he returns to Husserl and attempt to provide an answer to the crisis in the sciences by sketching out a «first
phenomenology».
Citer ce document / Cite this document :
Bouckaert Bertrand. Vers une phénoménologie première: de Husserl à Maine de Biran et retour. In: Revue Philosophique de
Louvain. Quatrième série, Tome 96, N°4, 1998. pp. 598-623.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1998_num_96_4_7115Vers une phénoménologie première:
retour*
de Husserl à Maine de Biran et
Introduction
Cet article prend pour argument la question, régulièrement soulevée
depuis Husserl, de la «crise de la science»1; il ne vise pas à résoudre
cette crise mais l'utilise comme point de départ pour essayer, première
ment, de définir l'idée de changement de philosophie première, deuxiè
mement, pour fournir un exemple d'une autre philosophie première et
enfin pour ébaucher une voie vers une phénoménologie première. Cela
étant posé, il se peut que nos résultats contribuent à fournir quelque apai
sement à cette crise. Nous procéderons en cinq étapes. Premièrement
nous chercherons à préciser la notion de «crise de la science» en distin
guant de la définition kuhnienne de «changement de paradigme» une
notion plus large et plus profonde qui sera celle de «changement de phi
losophie première». Nous essayerons de montrer que ce qu'on appelle
généralement la «crise de la science» serait mieux défini comme une
«crise de la philosophie première», qu'elle ne concerne pas une inadap
tation de paradigme mais quelque chose de plus profond. Deuxièmem
ent, nous montrerons que si une série de révolutions ponctuelles dans
* Nous présentons ici une version remaniée d'une communication faite à l'Univers
ité Catholique de Louvain-la-Neuve en 1997 dans le cadre du séminaire d'épistémologie
de monsieur C. Troisfontaines, séminaire consacré cette année là à la «crise de la
science». Nous tenons également à remercier messieurs Michel Ghins et Jean Ladrière
dont les conseils techniques et les suggestions nous ont énormément apporté dans la
rédaction de cet article.
1 Husserl, E, Die Krisis der europâischen Wissenschaften und die transzendentale
Philosophie Ein Einleitung in die phànomenologische Phànomenologie, Martinus Nij-
hoff, (Coll. Husserliana VI), Den Haag, 1950. Tr. fr, Granel, G, La crise des sciences
européennes et la phénoménologie transcendantale, Gallimard, (Coll. Tel 151), Paris,
1976. Soulignons que cette analyse de Husserl, à savoir qu'il y ait une «crise des
science» n'est pas, loin s'en faut, partagée par l'ensemble de la communauté scientifique.
Il est incontestable que les progrès «cumulatifs» de la science ont été importants au cours
des deux derniers siècles. Néanmoins, il est également incontestable que le projet
moderne d'une mathesis universalis a été largement abandonné. Husserl argumenterait en
disant que la vitalité des sciences comme techniques (Kunstlehre) ne contredit en rien leur
malaise théorique. De Husserl à Maine de Biran et retour 599
des sciences particulières ont effectivement pu se résoudre par un chan
gement de paradigme à l'intérieur d'une même philosophie première
centrée sur l'expérience, la science formelle est, pour sa part, restée
réfractaire à une telle évolution. Troisièmement nous verrons qu'on doit
à E. Husserl d'avoir vu dans la crise des sciences formelles le cœur de la
faillite de la science. Sa tentative propre a consisté à essayer de résoudre
cette crise en restant à l'intérieur de la même philosophie première, ce
qui ne lui permettra pas de résoudre les difficultés nées des sciences for
melles. Quatrièmement, en étudiant Maine de Biran nous verrons que ce
penseur propose, avant Husserl et sans avoir eu conscience de la crise
des sciences formelles, une autre philosophie première qui suggère une
voie pour sortir de l'impasse. En dernier lieu, nous reviendrons à Husserl
et nous essayerons de déceler chez lui les amorces d'une phénoménolog
ie première.
I. Définitions: Changement de paradigme, changement de philoso
phie première, révolution scientifique et crise de la science
On doit à Thomas S. Kuhn d'avoir analysé avec minutie la structure
des révolutions scientifiques2. Son ouvrage, aujourd'hui classique de
part et d'autre de l'Atlantique, constitue un prérequis indispensable à la
question de la «crise de la science». Selon Kuhn le progrès scientifique
habituel (usual)3 passe par une série de révolutions au cours desquelles
s'effectue un changement de paradigme. Cette description de l'évolution
scientifique devra nous permettre de mieux comprendre sur quoi porte
aujourd'hui notre interrogation lorsque l'on parle de «crise de la
science».
Kuhn appelle paradigmes «les résultats scientifiques universelle
ment reconnus qui, pour un temps, fournissent à une communauté de
chercheurs des problèmes types et des solutions types»4. Un paradigme
est donc un modèle ou un schéma accepté5 dont les chercheurs se ser
vent pour déterminer leur objet de recherche, mais aussi pour donner un
sens à leurs recherches selon qu'elles infirment ou confirment le para-
2 Kuhn, T, The Structure of Scientific Revolutions, The University of Chicago
Press, Chicago, 1963. Tr. fr, Meyer, L, La structure des révolutions scientifiques, Flam
marion, Paris, 1983.
3 Tr. fr, p. 32.
4 Tr. fr (légèrement modifiée) , p. 11.
5 Tr. fr, p. 45. 600 Bertrand Bouckaert
digme. La Physique d' Aristote ou les Principia de Newton ont tous deux
été longtemps des paradigmes, le passage de l'un à l'autre a constitué
une révolution scientifique.
Pour qu'un résultat scientifique puisse assumer le rôle de para
digme, il faut qu'il souscrive à deux caractéristiques essentielles: 1°)
Vintérêt, c'est-à-dire fournir un résultat suffisamment remarquable pour
soustraire un groupe stable (enduring) d'adeptes à d'autres formes
d'activité scientifique concurrentes;6 2°) la promesse de succès, c'est-à-
dire ouvrir des perspectives suffisamment vastes pour fournir à ce nou
veau groupe de chercheurs toutes sortes de problèmes à résoudre7.
On appelle révolution scientifique le passage d'un paradigme à un
autre. Dans le fonctionnement scientifique normal comme dans son
fonctionnement extraordinaire, la communauté des chercheurs oriente
ses recherches en fonction d'intérêts internes à la science. La révolution
a pour condition nécessaire mais non suffisante l'apparition d'une ano
malie ou d'un problème non-résolu dans la théorie.
La notion de paradigme, si elle constitue un apport conceptuel
important à toute étude de la structure du progrès scientifique, reste rel
ativement floue. Les deux caractéristiques que Kuhn attribue à cette
notion, caractéristiques qui lui sont essentielles, sont malheureusement
peu pré

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