Worringer ou Fiedler? Prolégomènes au problème Worringer-Kandinsky - article ; n°34 ; vol.77, pg 160-195
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1979 - Volume 77 - Numéro 34 - Pages 160-195
On the occasion of the simultaneous publication of a vigourous and learned plea by Philippe Junod « for a new reading of Konrad Fiedler » and of his own French translation of Wilhelm Worringer's Abstraktion und Einfühlung, the A. is led to compare and contrast two types of « psychological » aesthetics, both of which came from Germany at the turn of the 19th and 20th centuries : the one of « gnoseological » and « poietic » inspiration evoking the notions of vision and of « making », the other more « abstract » and « affective », articulating the Kunstwollen of Riegl towards a Weltgefuhl probably originating with Schopenhauer. But beyond this polarity within the history of a discipline with its as yet poorly determined identity Philippe Junod's anti-Aristotelian problematic and polemic, on the one hand, the fame of Worringer's treatise, on the other, require that one asks, even beyond these pages, turning towards the past, then towards the future : 1) What is the « situation » of Aristotle in regard to these opposed tendencies of modern aesthetics? 2) Does not the problem of the (almost certain) « influence » of Worringer on Kandinsky go beyond literary history and come out at a question historially more décisive: that of the succession of an abstract « aesthetics » to the « epoch » of the Aristotelian of Aristotelianising aesthetics?
À l'occasion de la publication simultanée d'un vigoureux et savant plaidoyer de Philippe Junod « pour une nouvelle lecture de Konrad Fiedler » et de sa propre traduction française d'Abstraction und Einfühlung de Wilhelm Worringer, l'auteur est amené à comparer et à opposer deux types d'esthétique « psychologique » toutes deux venues d'Allemagne au virage du XIXe et XXe siècle : l'une, d'inspiration « gnoséologique » et « poïétique », sollicitant les notions de vision et de « faire », l'autre, plus « abstraite » et « affective », articulant le Kunstwollen de Riegl à un Weltgefühl d'origine probablement schopenhauerienne. Mais par-delà cette polarité intérieure à l'histoire d'une discipline à l'identité encore mal déterminée, la problématique et la polémique anti-aristotéliciennes de Ph. Junod, d'une part, la célébrité de l'opuscule de Worringer, d'autre part, réclament qu'on se demande, au-delà même de ces pages, en se tournant vers le passé, puis vers l'avenir : 1) quelle est la « situation » d'Aristote par rapport à ces tendances opposées de l'esthétique moderne?; 2) le problème de l'« influence » (à peu près certaine) de Worringer sur Kandinsky ne déborde-t-il pas l'histoire littéraire pour déboucher sur une question historialement plus décisive: celle de la succession d'une « esthétique » abstraite à l'« époque » des esthétiques aristotéliciennes ou aristotélisantes?
36 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Emmanuel Martineau
Worringer ou Fiedler? Prolégomènes au problème Worringer-
Kandinsky
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 77, N°34, 1979. pp. 160-195.
Citer ce document / Cite this document :
Martineau Emmanuel. Worringer ou Fiedler? Prolégomènes au problème Worringer-Kandinsky. In: Revue Philosophique de
Louvain. Quatrième série, Tome 77, N°34, 1979. pp. 160-195.
doi : 10.3406/phlou.1979.6044
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1979_num_77_34_6044Abstract
On the occasion of the simultaneous publication of a vigourous and learned plea by Philippe Junod « for
a new reading of Konrad Fiedler » and of his own French translation of Wilhelm Worringer's Abstraktion
und Einfühlung, the A. is led to compare and contrast two types of « psychological » aesthetics, both of
which came from Germany at the turn of the 19th and 20th centuries : the one of « gnoseological » and
« poietic » inspiration evoking the notions of vision and of « making », the other more « abstract » and «
affective », articulating the Kunstwollen of Riegl towards a Weltgefuhl probably originating with
Schopenhauer. But beyond this polarity within the history of a discipline with its as yet poorly
determined identity Philippe Junod's anti-Aristotelian problematic and polemic, on the one hand, the
fame of Worringer's treatise, on the other, require that one asks, even beyond these pages, turning
towards the past, then towards the future : 1) What is the « situation » of Aristotle in regard to these
opposed tendencies of modern aesthetics? 2) Does not the problem of the (almost certain) « influence »
of Worringer on Kandinsky go beyond literary history and come out at a question historially more
décisive: that of the succession of an abstract « aesthetics » to the « epoch » of the Aristotelian of
Aristotelianising aesthetics?
Résumé
À l'occasion de la publication simultanée d'un vigoureux et savant plaidoyer de Philippe Junod « pour
une nouvelle lecture de Konrad Fiedler » et de sa propre traduction française d'Abstraction und
Einfühlung de Wilhelm Worringer, l'auteur est amené à comparer et à opposer deux types d'esthétique
« psychologique » toutes deux venues d'Allemagne au virage du XIXe et XXe siècle : l'une, d'inspiration
« gnoséologique » et « poïétique », sollicitant les notions de vision et de « faire », l'autre, plus «
abstraite » et « affective », articulant le Kunstwollen de Riegl à un Weltgefühl d'origine probablement
schopenhauerienne. Mais par-delà cette polarité intérieure à l'histoire d'une discipline à l'identité encore
mal déterminée, la problématique et la polémique anti-aristotéliciennes de Ph. Junod, d'une part, la
célébrité de l'opuscule de Worringer, d'autre part, réclament qu'on se demande, au-delà même de ces
pages, en se tournant vers le passé, puis vers l'avenir : 1) quelle est la « situation » d'Aristote par
rapport à ces tendances opposées de l'esthétique moderne?; 2) le problème de l'« influence » (à peu
près certaine) de Worringer sur Kandinsky ne déborde-t-il pas l'histoire littéraire pour déboucher sur une
question historialement plus décisive: celle de la succession d'une « esthétique » abstraite à l'« époque
» des esthétiques aristotéliciennes ou aristotélisantes?Worringer ou Fiedler?
Prolégomènes au problème Worringer-Kandinsky
Worringer ou Fiedler? Nous ne pensions pas, ne connaissant ce
dernier qu'à travers Croce et Otto Stelzer, qu'il pût s'agir, en un sens,
d'une alternative. Non sans doute, on va le voir, d'une alternative
irréconciliable, non plus que de celle de l'abstraction et de la
figuration, car, si le récent ouvrage de M. Philippe Junod, Transparence
et opacité. Essai sur les fondements théoriques de l'art moderne ; pour
une nouvelle lecture de Konrad Fiedler (Lausanne, L'Âge d'Homme,
1976), souligne combien «figurative» demeure la perspective de Fiedler,
et nie même expressément par deux fois (p. 203-204 et 291) que l'on
doive saluer en lui «un précurseur», un «prophète» ou un «parrain»
de l'art abstrait *, tout lecteur de notre traduction française (£ Abstract
ion et Einfuhlung2 mesurera aisément la distance considérable qui
sépare Worringer d'un pressentiment tant soit peu précis d'un art
«non-objectif». Mais alternative, quand même, de deux exigences
philosophiques plus profondes — alternative que le travail de M. Junod
porte à un tel point d'acuité qu'il nous paraît impossible de laisser la
parole à Worringer lui-même sans avoir préalablement montré combien
demeurent restreintes les limites du prétendu bouleversement qui, au
dire de M. Junod, aurait précédé d'une génération son propre livre et
dont il paraît, c'est un fait, ne tirer aucun profit. — Bref, sans que
nous puissions, dans les limites du compte rendu d'un travail qui
déborde d'ailleurs lui-même largement la thématique fiedlérienne, faire
confidence des raisons multiples qui nous ont fait un devoir de
traduire, trois quarts de siècle après sa parution en allemand, la thèse
du jeune Worringer, nous sommes bien obligé de reconnaître, dans
1 L'emploi par Fiedler du mot «abstraction» que citait Otto Stelzer, Die Vor-
geschichte der abstrakten Kunst (Munich, 1964), p. 205 : «On peut aussi en un sens
appeler l'œuvre d'art une abstraction», demeure isolé, dit M. Junod, p. 205. Fiedler
utilise le mot «une fois, comme par mégarde».
2 W. Worringer, Abstraction et Einfuhlung, trad. fr. d'E. Martineau, préface
de Dora Valuer (Paris, Klincksieck, 1978). Worringer ou Fiedler? 161
Transparence et opacité, une invitation opportune et un moyen adéquat
de déterminer brièvement, par voie de comparaison et peut-être
d'opposition, ce qui nous apparaît aujourd'hui encore comme l'origi
nalité, le ferment toujours fécond de l'initiative apparemment si
modeste (et, avouons-le, partiellement vieillie en son exécution) d'Abs
traction et Einfiihlung3.
Donc : Worringer ou Fiedler? D'un côté Worringer, c'est-à-dire,
nous le verrons mais nous tenons à l'admettre d'entrée de jeu, un
événement de portée théorique limitée, mais non point cependant nulle :
à savoir l'entreprise, demeurée à l'état embryonnaire et dépourvue des
considérants philosophiques qui auraient dû naturellement l'accom
pagner et pu seuls la fonder, d'« articuler » création artistique et
sentiment du... monde. C'est tout — du moins aux yeux du phénomé-
nologue — , et ce n'est pas rien : c'est quelque chose en tous cas
(retenons cet indice, qui est capital) que Kandinsky, même s'il ne l'a
point «utilisé» comme une prémisse consciente de sa propre fondation,
n'a point désavoué et n'aurait pu que faire sien4.
De l'autre côté, où nous nous attarderons ici un peu plus, afin
de mettre mieux en relief, par contraste, la singularité du geste
worringérien, de l'autre côté Fiedler, c'est-à-dire, s'il faut en croire son
savant disciple, non pas seulement «la seule chose réellement remar
quable que l'Allemagne ait produite en fait d'esthétique dans la
3 Sur la doctrine proprement dite de Worringer, où nous n'entrerons pas ici,
voir notre étude à paraître : « Pour en finir avec le problème Worringer-Kandinsky ».
4 L'indépendance de Kandinsky à l'égard de Worringer, si elle doit être un jour
démontrée, ne le saurait être, comme c'est le cas dans la préface citée de Mme
Vallier, sans le moindre examen proprement doctrinal des écrits de 1912. L'hypothèse
de l'influence (cf. l'étude annoncée à la note précédente) a été en tout état de cause
ma raison essentielle de traduire le livre de Worringer, et elle n'a fait que se
confirmer au cours du travail, tout en se restreignant d'ailleurs à une mesure très
précise que je m'efforcerai d'évaluer rigoureusement. Mais ni le témoignage tardif de
Mme Nina Kandinsky (cité par Mme Vallier, p. 24), ni le constat légitime de la
différence générale, ou plutôt de

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