Le mystique et le charnel dans la poésie contemporaine.
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Une analyse critique sur la poésie du temps présent..

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Publié le 22 avril 2012
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Langue Français

Extrait

1 LE MYSTIQUE ET LE CHARNEL A TRAVERS L'OEUVRE LITTERAIRE CONTEMPORAINE.(P.CLaudel, P.Valéry, M.Proust, A.Gide, Ch.Péguy )Dr.Mohamed SELLAMUniversité du 7 Avril ZawiyaComment parvient-on à l'expression de soi? A la vue fortuite d'un objet charmant, d'un spectacle attrayant et beau, ou même à l'impression d'une idée, à l'apparition ou à la manifestation d'une belle image, de quelque chose d'exaltant comme un souvenir agréable, s'estompant inconsciemment dans notre esprit, on éprouve aussitôt ce flux et reflux de satisfaction parcourant tout notre être: c'est que le plaisir a son origine au dehors ,extérieur à nous-mêmes et, par l'entremise d'un phénomène inexplicable, se répercute en nous sous forme d'une impression délicieuse; puisque c'est en nous que cette vague de plaisir fugitif trouve son expression la plus parfaite et la plus sincère.D'où l'on déduit que le plaisir, facteur étranger en apparence à notre être2, apparaît accidentellement, en fonction des conjonctures temporelles fortuites ,car la sensation du plaisir, comme le concept de la foi, n'est pas un acte inné ,immanent, c'est un acte qui se réalise par une impulsion exogène, au contact d'une réalité physique tangible…Ainsi, pour être plus explicite, notre être ne renferme pas en soi l'idée du plaisir, mais qui peut ,selon des contingences aléatoires, apparaître en son sein oû elle se développe en infinités d'impressions plus ou moins puissantes…C'est à partir de ce point que le plaisir se manifeste et s'exprime avec plus ou moins d'éclat, en fonction évidemment de l'étendue des sensations éprouvées…Comme on le voit,le plaisir ne s'engendre pas spontanément selon le libre - arbitre d'une volonté latente, ni non plus en conformité à une réalité matérielle endogène, qui susciterait en nous les sensations inconnues du plaisir, au contraire , tout plaisir, de quelque nature qu'il soit , ne provient que du dehors, se réfléchissant dans les profondeurs de notre être, pour être mué ensuite, en une sorte d'exaltation que l'on traduit à l'extérieur par des gestes, des sourires de satisfaction, des cris d'enthousiasme et des mots qui portent en eux-mêmes la contagion du plaisir…C'est ce qu'on appelle l'expression de soi , c'est un acte d'expansion, d'épanchement et d'abandon, qui ne prend fin qu'avec l'épuisement final des sensations de ce plaisir, dont la durée est pourtant éphémère, mais en tout cas renouvelable…Bien entendu, il y a un plaisir intelligent, comme il y a un plaisir de l'intelligence…Claudel au même titre que Peguy, tous deux ont éprouvé à certains moments de leur vie, surtout dans les moments cruciaux oû s'élabore l'éclosion des idées, ce genre de plaisir, inhérent plus particulièrement à l'intelligence et au mécanisme de l'intellect3De ce fait, le plaisir de l'intelligence n'est ni un plaisir épisodique ou accessoire, ni non plus un plaisir perpétuel, c'est un plaisir qui a la faculté d'ébranler, de rejeter en dehors de sa sphère, toute forme d'obstacles temporels ou spirituels, c'est enfin un plaisir qui, attaché exclusivement à l'intelligence, ne vit que par cette dernière, qui le stimule et le nourrit incessamment…D'un autre côté, Proust, un être frêle, veule, traînant avec soi toute sa vie une espèce d'ulcère insidieuse, enfouie, latente, qui le minait, sapait sourdement, continuellement, tout son être déjà exsangue, mais qui cependant demeure pour nous, le type le plus intelligent , le plus  Pour mieux comprendre la portée de cette étude,consulter les ouvrages suivants:½Plaisir poétique et plaisir- 1masculaireEdition Corti 1986. ½Littérature et sensation de J.P.Richard.Edition du Seuil 1958 Le sens du plaisir est attaché à la nature physique de l’être,c’est en lui que gît le plaisir,mais que,sous l’effet d’un 2.mouvement fortuit,s’arrache à son inertie pour surgir à la fleur de la peau.Le plaisir diffère-t-il du bonheur?En réalité,le plaisir ,c’est le bonheur sous sa forme sublimée- 3
perspicace qui ait jamais été et cette intelligence, cette perspicacité intuitive, aiguë, trouve son écho dans le plaisir qui secoue délicieusement son être, au moment où il entrevoit à travers la brume de ses souvenirs l'image d'un objet aimé, ou d'une scène délicate et amusante, qui l'avait charmé au plus haut degré et dont l'oubli, inévitable d'ailleurs, l'a profondément chagriné4Il en est presque de même pour Claudel, qui en formulant les thèmes de ses « Cinq Odes » et en les écrivant progressivement, par étapes successives, éprouvait au fond de son être intime, un plaisir, un véritable plaisir, lié congénitalement à l'intelligence d'abord, puis, peu à peu, comme à la suite d'un revirement imprévu, ce plaisir se mue en un autre plaisir, qui ne diffère en rien d'ailleurs du premier, et qui est le plaisir mystique…Par l'intelligence, l'on atteint, non pas directement aux secrets de l'au-delà, ce qui eût pu être une vraie utopie, un fantasme illusoire, mais plutôt à un plaisir que l'on ne soupçonnait pas et qui d'un coup, nous comblait avec une telle plénitude que l'on croyait avoir atteint à la connaissance du mystère de notre être5Ce qui nous frappe d'emblée, c'est que le plaisir de l'intelligence diffère beaucoup du plaisir intellectuel, tout comme l'intelligence du plaisir de l'intelligence ludique…En ce sens que le plaisir de l'intelligence dérive directement de l'œuvre encore en état de gestation alors que l'intelligence du plaisir procède impérativement de l'oeuvre créée…Marcel Proust, en concevant son monumental chef-d’oeuvre "à la recherche du temps perdu" se sentit brusquement comme hanté tant par l'idée que par l'ampleur de l'oeuvre: il resta longtemps captif de ce bouleversement à la fois doux et exaltant…C'est qu'il sentit naître en lui obscurément ce plaisir de l'intelligence qui, comme une ombre vague mais persistante, frôla son cerveau, en lui communiquant le désir et l'ardeur d'entreprendre incontinent l'élaboration définitive de l'œuvre6Dés lors se pose de manière impérative la question essentielle: le plaisir est- il une fin en soi? Comme on a pu s'en rendre compte précédemment, le plaisir c’est en effet ces vives sensations de béatitude, qui, nées en nous fortuitement, à la vue d'une chose agréable, à l'audition d'une belle symphonie, à la suite d'une bonne nouvelle ou encore à la conception réussie d'une oeuvre quelconque ,se répandant librement dans tout notre être et dont l'expression s'extériorise au dehors, soit par des gestes mécaniques, des cris spontanés, soit par l'exaltation épanouie des traits de notre visage…Chacun éprouve ce plaisir et l'exprime à sa manière. Le plaisir de Péguy est différent de celui d'un Proust… Le plaisir de l'un réside essentiellement dans la mémoire, alors que celui de l'autre apparaît justement au moment où il commence à s'identifier à Jeanne d'Arc … Mais en définitive, il n'y aura dans les deux cas qu'un seul type de plaisir, je veux dire le plaisir qui ravive l'esprit, raffermit les nerfs et exalte les sens7Toute chose entreprise provoque ou bien le plaisir ou bien le regret: le plaisir enchante et revigore; le regret démoralise et désillusionne, ce qui entraîne inévitablement un malaise psychologique douloureux...Valéry, lancé à la recherche de son être, à l'exploration des mécanismes intimes de son esprit, éprouve tantôt du plaisir tantôt de la tristesse, selon qu'il s'achemine vers son but ou qu'il en dévie, car une telle tentative est inéluctablement jalonnée d'embûches et de désespoir…Mais, en dépit de la difficulté de l'entreprise, Valéry ne semble pas lâcher prise, au contraire, s'agrippe à son idée, s'accroche désespérément à cette action qu'il voulait accomplir à tout prix et  L’intelligence est issue de la sensibilité et l’intelligence et la sensibilité engendreront l’acte du plaisir.Cf Claude- 4.Vigée ½Les artistes de la faim.╗ Calmann-Levy 1960.Par l’intelligence l’on atteindrait à la plénitude et à la reviviscence de soi- 5 C’est le plaisir de l’oeuvre achevée,mais c’est un plaisir qui diffère du plaisir charnel:c’est une satisfaction plutôt- 6.morale que physique Le plaisir charnel que l’on a coutume d’appeler ôconcupiscenceö ne s’affirme qu’à travers l’intensité des émotions 7.qui ébranlent les nerfs du corps
au bout de ce cheminement hasardeux, Valéry croyait avoir atteint son objectif, lorsqu'il a mis la dernière retouche à cette création ingénieuse "Narcisse"8C'est alors que cette sensation si douce, si onctueuse, si fluide s'épanouit en lui, suivie expressément d'une satisfaction psychique profonde…La sensation du plaisir, au lieu d'apparaître de manière spontanée fut alors à l'origine d'un stimulant, d'une impulsion réalisée de l'extérieur, pour permettre à cette sensation de se matérialiser concrètement et de se faire jour à la surface de la réalité…Claudel, lui-même, en chantant dans ses "Cinq Grandes Odes" la création du monde, en se faisant même l'apôtre de la paix et du bonheur du genre humain, ne se sentit pas étranger à cette douce quiétude qui l'envahissait malgré lui…Le plaisir, pour lui, n'est pas une fin en soi, c'est un parfum extatique, un baume éphémère certes, mais qui revigore, galvanise les âmes en état d'apathie et de désarroi…C'est un plaisir quand même, il procède de la foi, de la confiance exclusive en Dieu et ce plaisir ne sera pas dans ce cas pareil à aucun autre, car c'est un plaisir qui pénètre non pas le corps, mais l'âme qui s'en trouverait toute inondée, submergée, pleinement…Le plaisir infini, le plaisir éternel, c'est pour Claudel, de même que pour Pégey, dans la résurrection de la foi agonisante, c'est dans l'aspiration de l'au-delà, c'est dans le culte d'une mystique apaisante, sublime, auréolée d'un quiétisme profond…Tandis que pour Gide ou même pour Proust, le plaisir réside de prime abord dans l'amour, l'amour de soi ou l'amour des autres: aimer, soit pour l'un soit pour l'autre, c'est se donner cette sensation active qui envahit tout notre "moi", c'est s'envelopper de suaire d’émotions exacerbées mais hautement délicieuses,que l’on ressent pour l'autre et par l'autre…Gide exaspère la notion du plaisir, dépassant en ce sens les limites de la logique et du naturel, pour lui conférer ainsi un univers plus large et plus profond… Pour lui, il y a une mystique du plaisir comme il y a une mystique de la religion…Alors que Proust tient cette notion dans un contexte de beaucoup moins profond et moins vaste… C'est que Proust, connaissant par expérience la valeur potentielle de cette force mystérieuse, lui assigne des frontières qu'il serait déraisonnable de dépasser et le plaisir pour lui demeure dans son champ propre sans vouloir lui attribuer le moins du monde un sens hyperbolique9Le plaisir, ce n'est pas l'absence de la douleur, c'est peut-être la douleur elle-même à l'état brut, muée au contact des contingences extérieures en plaisir: une femme qui accouche, étendue douillettement sur un canapé capitonné, éprouve certes des soubresauts intermittents de la souffrance, mais au fur et à mesure que les souffrances arrivent au sommet du paroxysme, elles se transforment comme par miracle, coïncidant avec l'acte de délivrance, en une sorte de plaisir ineffable…Il en est de même du poète ou de l'écrivain, plus sa souffrance est aiguë, lancinante, plus il éprouve l'intensité graduelle d'un plaisir indéfini…Proust se replie sur lui –même, se livre d'instinct à la concentration prolongée de tout son être vulnérable et fragile, tout en engageant sourdement son esprit dans les méandres tortueux du passé… C'est alors qu’au cours de cette manoeuvre mystérieuse et profonde, qu'il ressent les affres de la souffrance, mais qui, comme sous l'action d'une puissance inconnue, commence à disparaître, progressivement, au fur et à mesure que son esprit s'arrache à l'emprise du "Temps"…Plus la douleur est incisive, intense, plus le plaisir est profond, extatique…Les activités de l'esprit engendrent non seulement la douleur, mais le plaisir, qui s'intensifie en fonction de son évolution vers le but final….Le bonheur dans la création,c’est un bonheur à la fois métaphysique et mystique et ne peut donc être durable- 8 Pour Proust comme d’ailleurs pour Gide,le plaisir réside dans l’amour de l’autre:il serait donc inconvenant,du- 9 moins aléatoire,d’affirmer que le plaisir sensuel est un acte fortuit .Le plaisir sensuel est,non pas une fin en soi,mais l’aboutissement logique de l’humanité.C’est par le plaisir sensuel à l’état latent que l’humanité se meut. perpétuellement
En outre, douleur et plaisir, ne se limitent pas à l'intellectualisme, ils peuvent apparaître à un autre stade et à un autre niveau, qui sera apparemment plus fondamental…Valéry, à un certain moment de sa vie de jeune homme, subit une crise qui le détermina à déserter la "scène culturelle" pour s'engager exclusivement dans le chemin qui le mènera vers la connaissance de soi…Ainsi il sacrifia de propos délibéré son bonheur ou plutôt son plaisir… qui eût pu le conduire - cela va de soi– à la gloire et à la réussite totale, à ce caprice, à cette fredaine de vouloir tenter de se connaître, d'explorer ses facultés, de sonder son être intellectuel et mental, tribut qu'il a dû payer d'ailleurs par une vingtaine d'années de silences impénétrables10Dans le même contexte, surgi sous nos yeux, le jeune Péguy, qui en son for intérieur, assoiffé de bonheur, son objectif essentiel formulé d'ailleurs dès sa tendre enfance, d'un garçon laborieux et plein d'enthousiasme, mais qui d'une nature incorruptible, tenace et d'une fidélité absolue à toutes les valeurs humaines, sacrifia son plaisir, pour ne pas succomber à la tentation de la chair et de se rendre infidèle à ses principes, ce qui eût pu être, à ses yeux, un sacrilège irrémissible…Pour Péguy, et il a matérialisé cette vision suprême, sur le champ d'honneur, le sacrifice de soi est un moyen d'ascension, vers le refuge du purgatoire, un moyen de sanctification de son être temporel dans un au-delà céleste et infiniment bienheureux… On accepte la misère, la frustration, la haine, et le mépris des autres, dans une perspective de béatification, de félicité éternelle et infinie11Cependant, on trouve chez nos écrivains un symbole vivant, une dominante essentielle, une vision suprême et exclusive, qui occupe presque en permanence le premier plan de leurs oeuvres… Cette dominante, cette hantise perpétuelle, se traduit paradoxalement par le bonheur physique...C’est à la poursuite de ce bonheur,insaisissable pourtant, que l'on se lancera résolument…Gide s'y adonne à coeur ouvert, cherchant désespérément à en épuiser tous les effets jusqu'au bout… et il n'a pas à le chercher en dehors de soi: son "être" est une réserve, un vrai réceptacle de bonheur physique et c'est de lui-même qu'il se procure sa "pitance terrestre"…Proust se livre de même à ce bonheur, mais timidement, avec une réelle réticence, car son bonheur à lui, c'est dans le souvenir, dans le temps déjà révolu, et qui ne subsiste plus que dans la "mémoire" à travers laquelle cependant, il revit les charmes de ce bonheur évanoui12Valéry s'arrachant au monde, pour chercher son bonheur dans le culte de l'esprit, dans l'analyse, l'introspection de soi, n'en éprouve pas moins l'extase du bonheur temporel… Contrairement à Claudel et à Péguy, oscillant douloureusement entre le bonheur présent et le bonheur futur, l'oeil pourtant attaché fixement sur un seul objet, pris subitement dans l'engrenage d'une mystique mystérieuse ,aspirent tous les deux à un genre de bonheur exclusif, inconnu pour le commun des hommes13Néanmoins, le bonheur, qu'il provienne de l'esprit ou du corps, ce bonheur demeure en tout cas vital, d'une nécessité absolue et même fatidique: le bonheur dans l'adoration d'un Dieu unique, rédempteur du genre humain (Claudel, Péguy), le bonheur dans l'exaltation de soi, dans la jouissance physique, l'orgie charnelle, annihilant tous les tabous, brisant toutes les conventions morales, pour se montrer dans sa nudité naturelle, sans fard ni masque (Gide)…Le bonheur dans l'union de couple, le rapprochement de deux êtres et qui se communiquent mutuellement ce "plaisir" délicat, ce bonheur réel, incontestablement virtuel et profond et que l'on revit par la pensée (Proust)… Le refuge dans le silence,c’est peut-être aussi une des formes de plaisir ,mais un plaisir qui s’accomplit sur un plan- 10.différent11 Ce qui est vraiment ahurissant,c’est qu’on eût dit que ni Péguy,ni Claudel, ne sont faits de la même- .trempe.consulter à ce sujet l’ouvrage de Jacques Rivière intitulé ½Etudes:Gide,Claudel,Péguy 1923.Voir le livre de Gaëtan Picon ½Lecture de Proust.╗ Edition Mercure de France 1963 12.Pour un pieux,un dévot,le culte du bonheur réside dans l’au-delà et dans sa conduite,il se prépare à sa vie future 13
Le bonheur enfin dans la quête des remous de l'intelligence, dans l'analyse abrupte de l'esprit, dans le culte des idées, du corps et des sens (Valéry)…Ainsi le bonheur, tel qu'on le conçoit, est un bonheur à multiples aspects, il peut être réel comme il peut être fictif, mais ce qui domine toujours, c'est notamment le bonheur physique, le bonheur de la chair et pour exprimer la chose plus explicitement, c'est le vrai bonheur, c'est le bonheur qui se situe à l'apogée de la passion et non pas le bonheur trivial, terre à terre…Tout bonheur qui se conçoit en dehors de son principe initial, est un bonheur inculte, stérile et inepte…Ce qui différencie le plaisir du bonheur, c'est le degré d'émotion physique; le plaisir, c'est cette vague de frissons qui s'insinue dans les veines, s'achemine dans tous les sens, s'infiltre même dans les nerfs, se matérialise et provoque des sensations éthérées et infiniment délicieuses, le bonheur s'explique simplement par une satisfaction intérieure, un apaisement solennel, naturel, engendrant une sorte de ravissement, de contentement, de paix intérieure, qui se manifeste au dehors par un sourire, un mouvement gestuel sensible à l'oeil…C'est en tout cas un état psychique éphémère d'ailleurs tout comme le plaisir…Mais le plaisir peut être résorbé par le bonheur et n'en constitue plus dans ce cas qu'un seul facteur prédominant…Mais ce qui sépare le spirituel du temporel ou le sacré du profane, c'est une différence colossale, illimitée, car les deux extrêmes, loin de se joindre et de s'unir, sont faits pour rester éloignés l'un de l'autre, éternellement, quel qu'en ait été l'effort de Péguy de vouloir insérer le spirituel dans le temporel, cet effort gigantesque, n'a produit d'ailleurs aucun résultat probant14Ce qui est étrange, c'est qu'un des objectifs les plus essentiels et les plus explicites, de Péguy, c'est de se vouer avec acharnement à cette tentative, qui fut soldée par un échec irréversible.Joindre le spirituel et le temporel; enchâsser l'un dans l'autre, ou plutôt associer l'un à l'autre, revient à rapprocher le sacré du profane et par là réconcilier Dieu avec Satan, ce qui serait en définitive absurde et irréalisable…Ainsi, se lancer éperdument dans une telle voie, avec l'espoir de triompher, c'est comme si l'on voulait provoquer la fusion du mensonge et la vérité, la beauté et la laideur, entreprise impossible…D'autre part, si Paul Claudel était intéressé, plus d'une fois, tout au long de son œuvre, à ces phénomènes contradictoires, c'est qu'il voyait, lui, avec une lucidit1é5 singulière, l'impossibilité de réconcilier, d'unir deux extrêmes, faits pour rester à jamais désunis…Valéry, pour sa part, a fait la même tentative dans la "Jeune Parque", mais malgré les efforts désespérés de la jeune Parque de rester pure, d'atteindre à la sainteté, de se rapprocher, de se réconci1l6ier avec le spirituel et de résister à la tentation, elle finit par y céder, sans plus de résistance…Dès lors, comment atteindre au parfait bonheur? C'est par une ascension lente mais sûre, procédant par phases précises et nettes.D'abord, comme le bonheur est un état statique, psychologique et mental, il convient, pour y parvenir, de s'armer de volonté, pour pouvoir poursuivre l'entreprise jusqu'à son terme final, puisque, le bonheur, étant réalité intimement psychique, demeure quasiment inaccessible pour le genre humain…Pour Claudel, comme pour Péguy, le bonheur ne se conçoit pas au-delà de la mystique divine… leur bonheur est dans l'extase, l'exaltation du pouvoir céleste, cosmique et providentiel...  Il est probable que Péguy,se refusant expressément au bonheur temporel,chercha à l’incorporer dans sa mystique 14.propre,espérant regagner ensuite ce havre de plaisir qu’il avait répudié de sa vie Le temporel et le spirituel sont toujours en friction et jamais,tout au long des siécles,un rapprochement quelconque- 15.entre les deux tendances conceptuelles n’a été possible La Jeune Parque,qui finit par fléchir,après une résistance acharnée,est la preuve que le concept hypocrisie est- 16.attaché foncièrement à l’image de l’humanité
En dehors de cette sphère, le bonheur ne sera qu'un "produit" factice, éphémère et n'assure en aucune façon la Rédemption des âmes…Tandis que Valéry et Gide, pour leur part, nantis d'une vision tout à fait contraire, plongent, d'un commun accord, dans les méandres si complexes de l'intelligence et y explorent avec une curiosité toujours croissante tous les replis et recoins mystérieux, en mettant en relief les secrets de la création artistique…C'est là leur religion du bonheur! La descente lente dans les gouffres de l'intellect, requiert d'emblée une initiative hardie et courageuse, tout comme Proust, dont l'esprit, constamment en éveil, puise son énergie dans la "mémoire", elle-même retrempée et fortifiée dans le temps, le temps infini, qui se désagrège pourtant en petits lambeaux d'incidents multiples, glanés et recueillis patiemment dans le creuset de l'intelligence, qui les transforme en une histoire, l'histoire de tout univers d'aristocrates déchus, de mondains véreux et de ratés miséreux… des personnages grotesques, hypocrites, envieux, ballottés entre l'amour, la haine et la convoitise… Chacun trouve son parfait bonheur dans la ruine de l'autre17, … Proust, livré ainsi gaiement à cette authentique "récréation", à cette peinture réelle à travers laquelle il retrouve la félicité qu'il s'ingénie à immortaliser de nouveau dans le temps… Pour lui, c'est une poursuite, une poursuite inlassable, charmante, quoique pénible, et qui devait inéluctablement déboucher sur le parfait bonheur, le bonheur intellectuel, comme satisfaction suprême de l'âme…Cultiver le plaisir, tel qu'il s'offre à nous, selon les contingences et les hasards de la vie, revient en effet à se sentir très proche de cette félicité idéale à laquelle nous passons toute notre vie à aspirer sans jamais pouvoir l'atteindre…Tout plaisir commence par des notations de désirs sclérosés, par la formulation intentionnelle des vœux obscurs, par l'expression nue des fantasmes contenus et réprimés au fond de notre subconscient et puis, au moment où l'on s'y attendait le moins, ce plaisir, du fond du néant, s'estompe en nous, d'où il émerge par pulsions intermittentes, et se désagrège intempestivement dans les replis de notre âme… Ainsi le plaisir, qui était refoulé, apparaît à l'improviste, se libère au contact immédiat de "l'autre" et se délivre forcément de la tyrannie des contraintes et du despotisme des conventions sociales arbitraires18C'est alors que, lors de son séjour en Tunisie, à l'apparition inattendue des oasis et la douceur de leur fraîcheur, Gide éprouva avec une extrême intensité ce plaisir physique, depuis si longtemps refoulé dans les fibres de ses entrailles: c'est un plaisir tumultueux, insolite, tel un torrent dévastateur que rien n'arrête… Gide, à la faveur de ce contact imprévu, poussera encore plus loin son expérience, qui était pourtant fortuite et accidentelle, pour sonder un peu plus avant ce mystère, le mystère du plaisir physique, en tentant avec hardiesse et en foulant aux pieds les conventions morales, qui dressaient par ailleurs devant lui autant d'obstacles, entravant son évolution vers la connaissance directe d'autres horizons dans le domaine du plaisir…A l'instar de Claudel, Péguy fouille inlassablement dans son être, à la recherche de ce plaisir mystique qui lui échappe toujours et qu'il n'arrive pas à atteindre, quelle qu'ait été l'ardeur de ses efforts, tandis que Gide, témérairement, explore son être, plonge dans des expériences inhabituelles et hétérodoxes, en quête du phénomène de la sensualité brute, sauvage et profonde…Proust, Valéry, étaient quant à eux, bien loin de se livrer à de telles tentatives, surtout dans un domaine investi de tabous et d'interdits inviolables… Le plaisir, pour eux, loin de l'aventure exploratrice de leur être intime, comme l'avait fait Gide, consistait en tout et pour tout dans la recherche et la consécration d'un idéal cosmique, qui rendra l'humanité plus optimiste,  le bonheur est cruellement égoïste,car il n’y a pas de bonheur sincère,dévoué et désintéressé:le bonheur n’apparaît- 17.dans sa dimension réelle qu’en présence du malheur Gide est né pour vivre intensément le bonheur physique qui constitue,pour lui,son essence propre,sa vitalité et son- 18.énergie
plus sincère, plus franche avec elle-même, source inépuisable d'espoir et d'espérance, en la rapprochant le plus possible de la vérité et de la justice19Mysticisme et sensualisme: l'un fait appel à l'esprit de la matière et de la concupiscence; l'autre à l'esprit en état de recueillement et d'extase…Le premier état s'insère dans notre conscience psychologique dont il fait partie intégrante, c'est un état naturel, inné et ne saurait en être dissocié, sous peine de ruiner tout l'édifice de l'être social; l'autre état par contre, bien qu'il soit issu de la nature des choses, et qu'il ne diffère du premier que par sa nature intrinsèque, est un état qui s'acquiert par le temps, s'enrichit par l'expérience et s'assure lui-même une certaine pérennité conjoncturelle… D'où il résulte que, mysticité et sensualité, deux phénomènes attachés indissolublement à la nature humaine et tous les deux, en retour, assurent à cette dernière, sa survie et sa félicité terrestre…Ainsi, pour atteindre à cette volupté temporelle et mystique à la fois, pour en saisir la signification pratique dans sa plus grande étendue, il serait de bon ton de triompher de ses préjugés, de balayer les idées et concepts conventionnels, en un mot de faire disparaître tout et de se montrer vierge, telle que la nature à son premier jour de printemps…Gide, de même que Valéry, dans certaines circonstances de sa vie de poète désabusé, en conflits constants avec les aléas de la vie, Gide, dis-je, traversa cette expérience au début de sa vie, tourmenté par une crise sentimentale, assailli par des problèmes d'ordre social et même généalogique, il se trouva face à un dilemme crucial, se reconvertir et se délivrer de ce fardeau accablant, ou continuer à vivre, tiraillé par des hantises et une angoisse infinie; alors, il opta pour le premier choix et le protestant désson protestantisme, avec une conviction sincère20Dès lors, l'épicurien Gide, affrontant la réalité d'ailleurs pénible et cruelle pour lui, se réfugia dans le culte de soi, avec une ferveur constante…L'amour, pour lui comme pour Valéry, est d'abord un état d'âme, un état où se rallient toutes les potentialités humaines, toutes les énergies et les émotions de l'être vital, c'est un état dynamique, profondément ancré dans la vie même: "la symphonie pastorale" pose le problème avec une acuité, une rigueur qui ne démentit pas, stigmatisant et anéantissant l'hypocrisie, pour élever à sa place cet état authentique d'extase charnelle…Le plaisir est lié à la création artistique: j'entends par artistique tout produit de l'intellect21L'art est un plaisir en soi; mais en pratique l'art est un plaisir potentiel, une force occulte enchâssée intimement dans une autre, en l'occurrence le plaisir sensuel…L'artiste qui crée est mû par un plaisir mystérieux, un plaisir qui ne se conçoit que difficilement, car il est immatériel et insaisissable par l'esprit ou par d'autres facultés…Ce plaisir, progressivement, prend forme, se consolide, se matérialise et s'incruste en dernière analyse dans la mémoire, pour venir ensuite au secours de l'intellect pour l'aiguillonner, le stimuler, l'exciter dans ses opérations de créativité…Donc toute création artistique est systématiquement subordonnée à ce plaisir latent, qui se forme en nous, et dont nous ne nous apercevons qu'après la fin de l'œuvre produite…Simultanément, l'instant de la conception de l'oeuvre et le plaisir sensuel se rejoignent et s'unissent dans le même esprit… Plus le plaisir est intense, plus l'oeuvre mise en chantier s'arrache au néant, se matérialise, s'édifie lentement et s'insère dans le temps et devient une réalité concrète et palpable… Il est difficile d’être humaniste,quand on est récalcitrant à l’amour et au plaisir du corps.Tout homme qui a de- 19.l’inclination vers le plaisir,sans être tout à fait un roué,peut s’incliner vers la clémence et la tolérance02.Le plaisir s’acquiert aussi à travers la quête de l’identité et la connaissance de soi  L’art engendre des phantasmes,des pulsions obscures, qui susciteront subséquemment cette nostalgie viscérale- 21 vers le plaisir.Cf le bel ouvrage de Gaëton Picon intitulé ½Introduction à une esthétique de la littérature.╗Edition.Gallimard 1953
Gide, au moment où il a amorcé la première ébauche de son oeuvre "l'immoraliste", se sentit soudain comme pris sur les ailes d'une volupté inconcevable, dont il ne put se délivrer qu'après avoir édifié jusqu'au bout cette oeuvre extraordinaire… Ce fut une volupté tenace, récalcitrante, dont l'écho ne cessa pour très longtemps de frapper ses oreilles et qui s'imprima à jamais dans la "mémoire" dont Proust dans la "Recherche du temps perdu" a glorifié et vanté la puissance suprême…C'est une vérité incontestable et que nul ne pourra démentir, puisque la volupté et l'œuvre d'art sont solidaires, d'autant plus qu'il existe pour de bon un lien indissoluble entre les deux phénomènes…La créativité ne procède pas du néant; elle est issue d'une dialectique consciente et immanente22...!Proust en se réfugiant dans le temps, recueillit patiemment les impressions, les sensations quasi imperceptibles, les menus mouvements de l'âme, pour recréer les moments déjà confondus dans l'oubli et les faire revivre dans son esprit et sur le papier…En même temps qu'il crée, que les idées affluent dans son esprit, que l'objet entamé se matérialise concrètement, l'aiguillon de la volupté se réveille en lui, alimente son intellect, et ses horizons d'étroits qu'ils étaient, s'élargissent démesurément et lui assurent une assise inébranlable dans son entreprise créatrice…Le plaisir est un acte intimement lié à la volonté… Or, pour s'approprier pleinement ce plaisir, il convient d'emblée faire effort non pas mécanique mais intellectuel…Car le plaisir, tel que Valéry le concevait à travers ses poèmes: "La pythie", "Narcisse", ou même "Le cimetière marin" est un plaisir actif, générateur d'efforts prodigieusement émouvants et sa possession radicale, requiert le déploiement d'une volonté opiniâtre et tenace.Ainsi, tout plaisir ne naît pas spontanément: des éléments clairement définis y interviennent naturellement, pour mettre en place le phénomène et agir en conséquence pour lui conférer la forme requise et assurer radicalement sa possession…Mais cela nécessite en effet une certaine capacité constante, une persévérance à toute épreuve et un vouloir infaillible… puisque tout plaisir qui n'est pas généré sous l'impulsion bénéfique de ces moyens psychologiques, n'est pas un plaisir et ne se possède pas, pour la raison qu'il serait fugace, évanescent et banal…Concevoir un livre ou même un poème quelconque, c'est faire naître en soi de la volupté réelle, infiniment subtile et pathétique, qui l'immortalise éternellement… Créer et posséder cette volupté intérieure, psychique, dynamique, c'est en réalité s'émanciper de l'univers de l'oppression, c'est vaincre le néant, et triompher de la mort23Le plaisir est en effet le corollaire de la souffrance; c'est le produit du génie terrassant le néant et la mort… C'est le charme de ce plaisir, c'est cet envoûtement magique, c'est enfin cette extase de tous les sens qui s'imprime dans les replis de notre être et qui devient, après sublimation totale, notre propre possession.…Le plaisir qu'a possédé Claudel, en écrivant ses "Cinq Grandes Odes", lui confère d'autres attributs, d'autre pouvoirs, au point de devenir un autre lui-même, radicalement différent de celui qu'il était…Chaque "Ode" est génératrice de plaisir et l'abord successif des cinq Odes intensifie graduellement ce plaisir, qui n'était pourtant qu'un, unique et uniforme, mais qui s'amplifie démesurément avec la réalisation finale des Cinq Odes…Ainsi, cette volonté intense, c'est le couronnement d'une volonté, d'un acte dynamique et infaillible… Cest la dialectique de la créativité à travers laquelle s’amorce la dialectique du plaisir des sens.Cf Hedwig- 22 Konrad ½Etude sur la métaphore.╗ paru en 1939 En réalité, le plaisir sensuel suppose un but évident,c’est qu’il perpétue le renouveau du genre humain. Voir à ce 23.sujet l’ouvrage de Leibowitz ½L’artiste et sa conscience Ed.L’arche 1939
Il est évident que le plaisir est éphémère et ne s'éternise absolument pas ni dans le temps ni dans l'être psychique… Il est fugitif comme l'éclair, malgré la puissance de l'effet actif qu'il génère dès son éclosion dynamique et consciente24En revanche, pour pouvoir lui assurer une certaine durée dans le temps, il importe de s'oublier soi-même, de se rendre impassible au flux mouvant de ce plaisir et de n'y être sensible qu'inconsciemment…Il en est ainsi chez Proust en particulier, dans son périple en zigzag à travers l'intemporalité de la mémoire, où il se laisse fourvoyer voluptueusement dans les labyrinthes des souvenirs, qu'il scinde cependant inconsciemment –avec une absence totale de lucidité – en parcelles infinitésimales ou plutôt en une kyrielle de menues séquences, qu'il déploie perpétuellement en voluptés ascendantes, pour se heurter en dernière analyse contre l'obstacle infranchissable de l'immanence de la conscience…De son côté, Péguy, dans son culte d'un mysticisme orthodoxe, talonne inlassablement son objet, qu'il grignote par degrés, jusqu'à l'épuisement final…C'est alors que, dans cette poursuite infinie, dans cet élan vers la conquête progressive de cet idéal insaisissable, il perpétue son bonheur, le plaisir que lui procure sa foi inépuisable dans la toute puissance divine…Entre Proust, qui perpétue pour un temps son "plaisir" extatique, à travers les cascades intermittentes de la mémoire et Péguy, qui s'arrache volontiers à l'univers de son être matériel, pour se cramponner par la pensée à une "réalité" divine, à travers laquelle il éprouvait pourtant une volupté infiniment inépuisable, la différence subsiste seulement au niveau de leur penchant personnel, de leur inclination naturelle: l'un assure la survie de son plaisir par le culte d'un idéal devin; l'autre, au contraire, par le culte de la mémoire, intemporelle et immanente25De plus, pour certains, tels que Claudel et même plus particulièrement Péguy, par la foi seule on accède au paradis… La foi en Dieu, une conviction absolu, inébranlable et infinie, suppose en effet un pouvoir omnipotent qui engendre cet élan vers l'ascension irrésistible vers le paradis, objet exclusif des vœux de l'être sur terre…Pourtant une telle accession, par le biais de la foi, comme moyen infaillible dans une telle entreprise, demeure pour d'autres (Gide et Valéry par exemple) hypothétique et impossible…Car si la foi, génératrice en même temps de cette volupté mystique et spirituelle, destinée par ailleurs à se transformer graduellement en une extase, une hallucination, qui semblerait vous mettre en contact direct avec le "tout-puissant", cette foi, si puissante et infaillible qu'elle soit ne saurait avoir la faculté de vous faire connaître le "paradis", une conception d'ailleurs purement iéale et qui n'implique aucun sens réel…Cependant, le sage y croit, non pas par conviction profonde, mais par tradition, par esprit de conformisme intégral… Le libertin n'y croit absolument pas et c'est pourtant lui qui se situe dans la bonne voie, la voie juste, loin de tout pharisaïsme et de hideux mensonge…Dans ce cas, être cynique, amoral et immoral, c'est être juste, c'est êre droit, c'est de ne pas frauder avec la réalité des choses, c'est afficher en dernier ressort la vérité nue, naturelle, telle qu'on la conçoit et qu'on se la forme en soi-même, en dehors de tout camouflage et illusion26 Le bonheur que l’on se procure à travers l’oeuvre achevée,est un bonheur abstrait et non actif et ne peut donc être 24.psychiquement dynamique52 C’est en tout cas une tentative de sublimation du plaisir,une captation fugitive ,d’une émanation de sens,qui stagne-  pour un temps dans le tréfonds de l’être ,pour ss’évaporer dans l’oubli.Voir l’ouvrage de Georges D.Painter½Marcel ProustEdition Mercure de France 1940 L’immoralisme,le libertinage ou même l’épicurisme ,ce sont en dernier ressort des mots stériles et n’exprimeront- 26 rien,tant qu’ils ne sont pas assortis d’une pratique adéquate.voir les Oeuvres Complètes de Gide dans une édition de.la Pléiade
Gide, dans ce contexte, se situe forcement très proche du libertin, mais un libertin, non pas de bas étage, comme celui du XVIIe ou du XVUIe siècle, mais un libertin doublé d'un sage, d'un visionnaire infaillible, nanti d'une intelligence profonde et aiguë…Son paradis n'est pas celui du mystique Peguy ou Claudel, son paradis à lui, c'est d'être vivant, de vivre sa propre vie, de savourer jusqu'à l'épuisement les plaisirs multiples que lui procurait la vie27Ainsi Gide, au sensualisme pathétique, parfois grossier et d'une truculence virulente, se situe aux antipodes de Proust, qui, satisfait de soi-même, plongea voluptueusement dans la délectation de ses souvenirs, dont il revit l'alchimie des jouissances par l'entremise de la mémoire: c'est que l'un vit dans le temps passé, révolu et par conséquent invivable; l'autre s'exalte au contact de l'instant présent, cultive le bonheur et puise à gogo dans le présent les charmes de la eivEn fait, quel sens confère -t-on au paradis? Et pourquoi y a-t-il un mythe du paradis? Pour Valéry, qui ignore toute signification relative au gnosticisme, le paradis est un symbole, un produit de la pensée, puisque plus on y pense, moins on a tendance d'y croire: l'intelligence seule est apte à capter dans son intégrité le sens du paradis…C'est en effet un phénomène,un mythe, créé en vue de complaire aux exigences excentriques de l'être humain, qui se sent naturellement pris dans le gouffre du besoin de s'asservir volontairement à une icône ,à une idée ou à un idéal hypothétique…Le sens du paradis réside radicalement à travers la "connaissance de soi ": pourtant plus on approfondit ce concept, plus on est tenté de justifier son existence, d'autant plus qu'il est d'essence mystique et dans ce cas, le paradis, au même titre que purgatoire ou l'éden, est l'image à travers laquelle se réfléchit l'espérance, à l'origine de laquelle se définit l'amour de la vie…C'est cet espoir dans un au-delà, qui inspire la sérénité de l'âme, le bien-être perpétuel, la vertu ascétique et l'abstinence de faire le mal, qui consacre la poursuite constante vers le bien…Ainsi Gide, dans la recherche de la satisfaction des sens, saisit la portée du paradis à travers la dialectique du bonheur terrestre…proust, moins ambitieux, ne conçoit le paradis que dans sa rhétorique de la résurrection du passé et l'exaltation de son être antérieur. valéry, quant à lui, s'arrache au monde existant, pour gagner son " paradis" dans sa quête du plaisir intellectuel et sa passion pour l'idée, qu'elle soit d'essence pragmatique ou d'essence mystique, puisque pour lui, le paradis auquel il aspire, renferme dans son sein cette "idée mystérieuse" et divine et que tous ses efforts tendent à l'en arracher et à s'en approprier28La mystique, celle de péguy ou claudel, est intimemnt liée à la présence dans leur esprit du "paradis"…C'est pour eux, une notion des plus fondamentales; une nation liée au destin même de l'homme et sans la quelle ce dernier serait inéluctablement perdu…: Plus l'idée du paradis existe, moins l'on rencontre des malheureux sur la terre…Il y a des moments heureux dans la vie de chacun de nos écrivains; ces moments s'évanouissent à jamais avec le temps, pour surgir parfois accidentellement à la surface de la mémoire: ces moments sont particulièrement relatifs à la révélation de leur vocation, telle une rencontre, fortuite ou imprévue.Claudel se trouvant comme par hasard en présence d'un génie cosmique: Rimbaud, qui l'initie indirectement à l'amour de la poésie et lui révèle la force de son talent…Valéry, mis en rapport avec Mallarmé, le maître vénéré, dont l'oeuvre fut une vraie source de méditations et de réflexions, s'engageant hardiment dans la voie du maître, saura plus tard mettre à profit ses leçons et devenir la plus célèbre sommité poétique du début du siècle... Ce n’est pas parce qu’on est taxé de roué,qu’on se démoralise et qu’on recule devant la quête du plaisir .le- 27 libertin ,qui est différent du roué ou du satrape,n’est pas celui qui s’enlise dans la débauche et le sexe,car une telle.entreprise ne procurerait guère de bonheur De toute évidence,l’ascétisme est un châtiment et non pas une abstinence volontaire:l’ascétisme,c’est aussi une- 28.action contre la logique et la raison.Cf Paul Valéry ½Oeuvres Complètes Edition La Pleiade
Péguy, encore fort jeune, traînant partout sa pauvreté où il va, jusqu'au jour où il assiste de loin à la présence d'un homme, d'un grand génie Bergson, d'où émane sans cesse une lumière d'intelligence et de grandeur infinies..s’accroche à ses études, fasciné par l'amour de la vie, dévoué aux principes de justice et de vérité, que cet homme providentiel a semés dans son esprit... D'autres circonstances viendront plus tard fructifier et consolider des principes qui demeurent chez lui à jamais inviolables29...De même Gide et Proust, eurent dans leur prime jeunesse, des rencontres salutaires qui les ont mis dans la voie de l'avenir...Gide, en dépit de l'influence manifeste du maître, surtout dans ses premiers écrits, fit un volte-face, notamment après son retour fatidique de son séjour en Tunisie et en Algérie, joint à sa nature physique, son comportement intellectuel, l'absence, qui s'accentue ce pendant au fil des ans, d'une virilité normale, le sentiment de n'être pas comme les autres, ce qui a suscité en lui une angoisse aiguë, le déterminant malgré lui a réagir avec violence contre les conventions morales et le conformisme béat de la société, en créant pour lui même une éthique particulière, une éthique du plaisir sous tous ses aspects, loin de toute hypocrisie et de charlatanisme nauséabond...Alors que Proust, hanté perpétuellement par le génie de Chateaubriand en qui il perçoit l'esprit d'un véritable prophète, triomphant de la marche invincible du temps, entame un retour en arrière et reprend sa course vertigineuse à l'intérieur de la mémoire...Après cette ascension formidable vers ce plaisir charnel si ardemment désiré, s'amorce dès lors, la lente descente vers l'état initial, où le plaisir était quasiment exclu... On aboutit alors au terme de cette quête si difficile, pour reprendre l'activité normale de l'esprit...Ainsi, avec cette descente imminente, commence l'inquiétude ou l'amertume aiguë, sur la perte d'un état charnel si délicieux et que l'on croyait éternel pour jamais, on se rend compte lucidement que tout est illusoire, dérisoire, éphémère et évanescent...Soit chez Gide, soit encore chez Proust, après la plénitude du plaisir, s'accentue progressivement l'effet du désenchantement, pour arriver à son point culminant avec la fin de l'oeuvre ...Tout plaisir, qu'il soit charnel ou intellectuel, est désormais éphémère et ne tire pas à conséquence...Ce qui est singulier, c'est que cette conscience de la vanité du plaisir ne se manifeste que plus tard, dans un moment où l'on sent que les sensations charnelles commencent à s'épuiser et que tout rentre dans le calme insipide, très proche de la torpeur ou de l'inertie apathique...Le plaisir, même s'il se renouvelle avec une constance régulière, finira par s'épuiser, pour ne plus laisser que les traces d'amertume et de dégoût30...Gide avait déjà vécu cette expérience, consignée au jour le jour, dans son fameux "journal", sans l'avoir avoué ouvertement... IL a déjà vécu des moments de jouissances suprêmes, mêlées de fiel, de nausée et de profonde mélancolie, dont il sortait comme un pauvre moribond, aux confins du désespoir...L'évolution de chaque écrivain est marquée, à certains moments, par un tournant décisif, qui assigne une pause, un arrêt momentané, pour reprendre son souffle et faire la synthèse de ses expériences passées, afin d'en dégager la leçon qui s'impose: or, pour Valéry, cette leçon se dégage d'elle-même et ne pose aucun problème, car mû tout au long de sa vie, par le culte de l'intellect, unique source de voluptés immanentes et de plaisirs esthétiques, il se sentit loin de vouloir aspirer à quelque chose de plus auguste et de plus prépondérant…son ambition s'arrête là et, sincèrement, n'entendait aucunement l'étendre davantage, puisque, pour lui, le charme de  Tout plaisir qui ne provient pas des sens,n’est pas un plaisir...Car le seul,le vrai plaisir,c’est celui qui des- 29 sens,puisque tout est incarné danss les Sens.Voir dans ce contexte le livre de Roland de Renéville ½Rimbaud le.VoyantDenoël et steele 1929 C’est après la manifestation violente du plaisir;une jouissance sauvage,brute,peut susciter en s’éteignant une- 30.sensation de dégoût et de lassitude
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