Le Virgile travesti
304 pages
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Description

Le Virgile travestien vers burlesquesPaul Scarronpublié entre 1648 et 1653œuvre inachevéeÀ la ReineAu lecteurLivre IÀ Monseigneur Séguier, chancelier de FranceLivre IIÀ Monseigneur le président de MesmeAu lecteurLivre IIIÀ Monsieur et Madame de SchombergLivre IVÀ Monsieur Deslandes-PayenLivre VÀ Monsieur et Madame le comte et la comtesse de FiesqueLivre VIÀ Monsieur de Roquelaure, duc et pair de FranceLivre VIILivre VIIILe Virgile travesti : À la ReineMADAME,Je promets à Votre MAJESTE, dès le commencement de mon épître, qu’elle en verra bientôt la fin, et c’est peut-être ce qu’elle entrouvera de meilleur. DIEU me fasse la grâce de lui tenir parole, et que l’honneur que j’aurai d’entretenir la plus grande Reine dumonde ne me transporte pas assez pour me faire oublier qu’elle a bien d’autres choses à faire qu’à lire une Dédicatoire. Lorsque j’aifait dessein de donner mon Livre à Votre MAJESTE, j’ai cru que je ne pouvais être pauvre de pensées en un si riche sujet ; et quej’allais dire les plus belles choses du monde, et toutefois, MADAME, après avoir longtemps fatigué ma rhétorique, j’ai trouvé que,pour être venu des derniers, j’étais réduit à servir d’écho à ceux qui avaient parlé devant moi, et que, ces beaux esprits n’ayant pasmême oublié la vieille histoire du roi de Perse, qui remercia un paysan qui lui présenta un verre d’eau de rivière, il ne me restait plusrien à ajouter, sinon qu’ils n’ont tous rien dit à la louange de Votre MAJESTE, ...

Informations

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Nombre de lectures 140
Langue Français
Poids de l'ouvrage 12 Mo

Extrait

Le Virgile travesti
en vers burlesques
Paul Scarron
publié entre 1648 et 1653
œuvre inachevée
À la Reine
Au lecteur
Livre I
À Monseigneur Séguier, chancelier de France
Livre II
À Monseigneur le président de Mesme
Au lecteur
Livre III
À Monsieur et Madame de Schomberg
Livre IV
À Monsieur Deslandes-Payen
Livre V
À Monsieur et Madame le comte et la comtesse de Fiesque
Livre VI
À Monsieur de Roquelaure, duc et pair de France
Livre VII
Livre VIII
Le Virgile travesti : À la Reine
MADAME,
Je promets à Votre MAJESTE, dès le commencement de mon épître, qu’elle en verra bientôt la fin, et c’est peut-être ce qu’elle en
trouvera de meilleur. DIEU me fasse la grâce de lui tenir parole, et que l’honneur que j’aurai d’entretenir la plus grande Reine du
monde ne me transporte pas assez pour me faire oublier qu’elle a bien d’autres choses à faire qu’à lire une Dédicatoire. Lorsque j’ai
fait dessein de donner mon Livre à Votre MAJESTE, j’ai cru que je ne pouvais être pauvre de pensées en un si riche sujet ; et que
j’allais dire les plus belles choses du monde, et toutefois, MADAME, après avoir longtemps fatigué ma rhétorique, j’ai trouvé que,
pour être venu des derniers, j’étais réduit à servir d’écho à ceux qui avaient parlé devant moi, et que, ces beaux esprits n’ayant pas
même oublié la vieille histoire du roi de Perse, qui remercia un paysan qui lui présenta un verre d’eau de rivière, il ne me restait plus
rien à ajouter, sinon qu’ils n’ont tous rien dit à la louange de Votre MAJESTE, qu’elle n’en mérite et que je ne m’en imagine
davantage. On me reprochera sans doute que j’ai donc tort de me taire ; mais une matière si haute s’imagine bien plus aisément
qu’elle ne s’exprime, et je la dois laisser à traiter aux écrivains héroïques, qui sans doute auront besoin de tout leur Apollon pour en
sortir à leur honneur ; car pour moi, humble petit faiseur de vers burlesques que je suis, et poète à la douzaine, je ne me mêle que de
faire quelquefois rire ; encore faut-il qu’on en ait plus grande envie que moi, qui serais le plus chagrin de tous les hommes, sans les
bienfaits de Votre MAJESTE, et sans l’honneur que j’ai d’avoir une charge en sa maison. Cette charge n’est pas véritablement des
plus importantes, mais elle est bien des plus difficiles à exercer, et je pense sans vanité m’en être assez dignement acquitté pour
oser prier Votre MAJESTE, d’ajouter à l’honneur d’être son malade celui d’être son poète burlesque : pourquoi non, si je suis assez
heureux pour avoir fait un livre qui lui plaise ? Et pourquoi ne lui plaira-t-il pas, puisque la moindre guenon peut quelquefois divertir
l’esprit du monde le plus relevé ? Si mon Enéide fait rire Votre MAJESTE seulement du bout des lèvres et que le fils d’Anchise ait
assez plaisamment masqué ce carnaval pour la divertir, il paraîtra tous les mois sous de nouveaux masques jusqu’à la fin de l’année,
qu’il épousera l’infante de Lavinium. C’est une belle et bonne princesse des meilleurs maisons d’Italie, et si la plus grande Reine de
l’Europe assiste aux noces de cette reine de village, je n’aurai plus à me plaindre ni de la maladie ni de la fortune, et je me trouverai
sain et content dès le moment que j’aurai plu ; il ne faut qu’un souris pour faire ces deux grands miracles, et j’ai sujet d’espérer,
MADAME, que Votre MAJESTE, me faisant des biens plus solides, ne refusera pas ce souris à l’homme du monde qui est le plus,
MADAME,
Votre très humble, très obéissant, très obligé, et très malade serviteur et sujet,
SCARRON,
Malade de la Reine
Le Virgile travesti : Au lecteur (I)Au lecteur
Ami lecteur, pieux lecteur, lecteur bénévole, ou comme tu voudras, ne pense pas que je te donne ces beaux noms-là pour capter ta
bienveillance. Je te permets de dire pis que pendre de mon livre, selon l’honnête coutume de ceux qui lisent, et si, tu n’as pas été
assez fou pour l’acheter, tout le déplaisir que j’en aurai sera de n’avoir pas ajouté aux noms d’ami, de pieux et de bénévole, celui de
très sage ou de très judicieux.
Le Virgile travesti : Livre I
Je, qui chantai jadis Typhon,
D’un style qu’on trouva bouffon,
Aujourd’hui, de ce style même,
Encor qu’en mon visage blême,
Chacun ait raison de douter
Si je pourrai m’en acquitter,
Devant que la mort qui tout mine,
Me donne en proie à la vermine,
Je chante cet homme pieux,
Qui vint, chargé de tous ses dieux
Et de Monsieur son père Anchise,
Beau vieillard à la barbe grise,
Depuis la ville où les Grégeois
Occirent tant de bons bourgeois,
Jusqu’à celle où le pauvre Rème
Fut tué par son frère même,
Pour avoir, en sautant, passé
De l’autre côté d’un fossé.
Junon, déesse acariâtre,
Autant ou plus qu’une marâtre,
Lui fit passer de mauvais jours,
Et lui fit force vilains tours,
Dont bien souvent, quoique très-sage,
Il se souffleta le visage ;
Mais enfin, conduit du destin,
Il eut, dans le pays latin
Quinze mille livres de rente,
Tant plus que moins, que je ne mente,
Et, sans regretter Illium,
Fut seigneur de Lavinium,
Dont depuis sa race, par guerre
A fait une assez bonne terre.
C’est de là que nous sont venus
Les pères Albains si connus ;
De là, Rome la belle ville,
Trois fois plus grande que Séville.
Petite muse au nez camard,
Qui m’as fait auteur goguenard,
Et qui, quoique mon mal empire,
Me fais pourtant quelquefois rire,
Dis-moi bien comment, et pourquoi,
Junon, sans honneur et sans foi,
Persécuta ce galant homme,
Sans lequel nous n’aurions pas Rome,
Ni tous ces illustres Romains
À qui nous baisons tous les mains.
Elle fit bien la furieuse
Contre personne si pieuse :
Ils se fâchent donc comme nous !
Je ne les croyais pas si fous,
Et les croyais être sans bile,
Ces beaux dieux d’Homère et Virgile !
Près du pays du roi d’Alger.Que tua le bon roi Roger,
Une ville fort ancienne,
De fondation tyrienne,
Dessus le rivage africain,
Servait d’asile à maint coquin.
Cette ville avait nom Carthage,
D’où l’invention du potage,
Celle de durcir les œufs frais
Pour les manger à peu de frais,
Choses autrefois peu connues,
Au grand bien de tous sont venues.
On la fait, mais je n’en crois rien,
Inventrice des gants de chien,
Et même des gants de Grenoble,
Cette nation fière et noble.
La sœur et femme du grand Dieu
S’y plaisait plus qu’en aucun lieu.
Samos, jadis sa bien-aimée,
Était d’elle moins estimée.
Elle y tenait carrosse et char,
Chaise à bras, litière et brancard,
Et fit rebâtir les murailles,
Et la fit exempter de tailles.
Elle n’était premièrement
Qu’un bailliage seulement ;
Mais elle rompit tant la tête
À Jupiter, qu’à sa requête
Il en fit un présidial
(Je ne sais s’il fit bien ou mal),
Y fonda deux ou trois collèges
Avec de fort beaux privilèges.
Elle eût fait de cette cité
Ce que Rome a depuis été ;
Mais, par malheur, en cette affaire,
Le destin fut d’avis contraire,
Le destin qui fait bien pester
Même le grand dieu Jupiter.
Or, comme souvent trop l’on cause,
Elle avait ouï quelque chose.
Qu’un jour viendrait que les Troyens
Perdraient les pauvres Tyriens ;
Ce que craignant la bonne dame,
Et gardant encor en son âme
Le beau jugement de Pâris,
Et l’insupportable mépris
Qu’en faveur de Vénus la belle
Il eut pour Pallas et pour elle,
Outre qu’il avait révélé
(Heureux s’il n’eût jamais parlé ! )
Qu’elle avait trop longue mamelle,
Et trop long poil dessous l’aisselle,
Et pour dame de qualité
Le genou un peu trop crotté ;
Puis un autre mal sans remède,
Le rapt du jeune Ganymède,
Dont son débauché de mari
Avait fait un cher favori.
Ces choses-là mises ensemble
Etaient suffisantes me semble
Pour lui faire faire aux Troyens
Ce que les laquais font aux chiens,
C’est-à-dire guerre terrible.
Elle faisait donc son possible
Que ces pauvres dépaysés,
Pour la plupart dévalisés,
Ne pussent comme peuple libre
Planter leur piquet

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