«C est la faute à Rousseau...». Les juristes contre les parlementaires sous la IIIe République - article ; n°32 ; vol.8, pg 89-96
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Politix - Année 1995 - Volume 8 - Numéro 32 - Pages 89-96
«C'est la faute à Rousseau». Les juristes contre les parlementaires sous la IIIe République.
Marie-Joëlle Redor [89-96]
Loin des théories à la mode qui visent à faire de cette notion le fondement de la démocratie, cet article cherche à montrer, en revenant sur le contexte de son apparition - le début du siècle - que celle-ci a d'abord été élaborée par des publicistes contre les parlementaires. Au cœur du développement de l'État de droit s'inscrit ainsi un antiparlementarisme porté par des juristes qui voyaient dans les élus de la IIIe République et dans le suffrage universel, le symbole de l'incompétence et de l'ignorance.
«C'est la faute à Rousseau..... Lawyers against MPs during the Third Republic.
Marie-Joëlle Redor [89-96]
Far from fashionable theories for which the notion of «État de droit» is the basis of democracy, looking back at the context of its emergence - the beginning of this century -, this article aims to show that it was invented by public lawyers against MPs. At the heart of the development of the «Etat de droit» lays therefore the antiparlementarism of these lawers which saw in the Mp of the Third Republic and in the universal suffrage, the symbol of incompetence and ignorance.
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 24
Langue Français

Extrait

Marie-Joëlle Redor
«C'est la faute à Rousseau...». Les juristes contre les
parlementaires sous la IIIe République
In: Politix. Vol. 8, N°32. Quatrième trimestre 1995. pp. 89-96.
Résumé
«C'est la faute à Rousseau». Les juristes contre les parlementaires sous la IIIe République.
Marie-Joëlle Redor [89-96]
Loin des théories à la mode qui visent à faire de cette notion le fondement de la démocratie, cet article cherche à montrer, en
revenant sur le contexte de son apparition - le début du siècle - que celle-ci a d'abord été élaborée par des publicistes contre les
parlementaires. Au cœur du développement de l'État de droit s'inscrit ainsi un antiparlementarisme porté par des juristes qui
voyaient dans les élus de la IIIe République et dans le suffrage universel, le symbole de l'incompétence et de l'ignorance.
Abstract
«C'est la faute à Rousseau..... Lawyers against MPs during the Third Republic.
Marie-Joëlle Redor [89-96]
Far from fashionable theories for which the notion of «État de droit» is the basis of democracy, looking back at the context of its
emergence - the beginning of this century -, this article aims to show that it was invented by public lawyers against MPs. At the
heart of the development of the «Etat de droit» lays therefore the antiparlementarism of these lawers which saw in the Mp of the
Third Republic and in the universal suffrage, the symbol of incompetence and ignorance.
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Redor Marie-Joëlle. «C'est la faute à Rousseau..». Les juristes contre les parlementaires sous la IIIe République. In: Politix. Vol.
8, N°32. Quatrième trimestre 1995. pp. 89-96.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1995_num_8_32_2091la faute à Rousseau... » «C'est
Les juristes contre les parlementaires
sous la Troisième République
Marie-Joëlle Redor
Université de Caen
Centre de recherche sur les droits fondamentaux
LIEU COMMUN du discours politique depuis quelques années, le concept
d'État de droit est apparu dans la doctrine publiciste française au début
du siècle, au moment où celle-ci tente d'analyser le fonctionnement des
institutions de la Ille République en même temps qu'elle théorise un
droit public en plein développement. Ce contexte a joué un rôle déterminant
dans l'élaboration d'une notion restée implicite pendant près de trente ans1.
C'est en effet à partir d'une critique du régime de la Me République que la
plupart des çublicistes de cette période ont progressivement élaboré la
théorie d'un État légitime parce que lié par le droit. C'est aussi en voulant
constituer le droit public comme science à part entière et comme discipline
autonome que la doctrine a forgé la conception selon laquelle les garanties
juridiques et surtout juridictionnelles sont seules susceptibles de limiter
efficacement le désordre engendré par le champ politique.
La critique du régime
Tous les auteurs de début du siècle, y compris ceux qui, comme Esmein, se
sont fait les chantres du régime2, ont dénoncé les abus des assemblées et la
multiplication des groupes de pression qui conduisent les parlementaires à
faire prévaloir des intérêts particuliers sur l'intérêt général. Depuis le vote des
lois constitutionnelles de 1875, le régime s'est en effet considérablement
transformé : alors que les textes instituaient un régime parlementaire supposé
maintenir l'équilibre des pouvoirs, la pratique a mis en place un régime
d'assemblées qui se caractérise par la prééminence du Parlement et par ses
empiétements sur l'exécutif. En outre, les débats parlementaires manifestent
1. Il faut attendre 1911 pour voir quelques auteurs consacrer explicitement des développements
substantiels à la notion d'État de droit. C'est notamment le cas de L. Duguit dans son Traité de
droit constitutionnel (2 vol., Paris, Fontemoing, 1911). L'expression «État de droit« est en effet la
traduction littérale de Rechtsstaat qui, dans la théorie allemande de la fin du XIXe siècle, désigne
essentiellement l'État qui accepte de se lier par le droit (théorie de l'auto-limitation). Or la
doctrine française tend dans son ensemble à rejeter le régime allemand et la thèse de l'auto
limitation confondus dans une même opprobre. Mais l'idée selon laquelle l'État doit être lié par
le droit n'est pas étrangère à la doctrine française, qui va au contraire la développer avec vigueur
dès la fin du XIXe siècle. Voir Redor (M.-J.), De l'État légal à l'État de droit. L'évolution des
conceptions de la doctrine publiciste française, 1879-1914, Paris, Economica, 1992.
2. Esmein (E.), Éléments de droit constitutionnel français et comparé, Paris, Larose, 2ème éd. 1899,
notamment p. 728.
Polüix, n°32 1995, pages 89 à 96 89 Redor Marie-Joëlle
plus souvent le conflit que le consensus dans une société qui apparaît elle-
même de plus en plus divisée entre groupes sociaux hétérogènes aux intérêts
antagonistes. Le régime d'assemblée peut alors concentrer sur lui toutes les
attaques : celles de la gauche radicale qui dénonce l'omnipotence
parlementaire comme une appropriation indue de la souveraineté par la
bourgeoisie libérale et, pour des raisons opposées, celles de la droite qui
souhaite revenir au parlementarisme libéral présenté comme le régime de
l'équilibre et du juste milieu1. Or, lorsqu'ils tentent d'analyser les
transformations qu'ils observent, les publicistes se contentent d'en identifier la
cause la plus visible, la plus immédiate, c'est-à-dire l'introduction du suffrage
universel masculin. Aussi, très vite, la dénonciation de «l'omnipotence
parlementaire» fait-elle place à celle de la «souveraineté du nombre». Et si la
plupart ne vont pas jusqu'à remettre en cause l'universalité du suffrage, tous
cependant cherchent au moins les moyens de canaliser le corps électoral, de
restreindre son influence sur les assemblées, et de diminuer le rôle du
Parlement. La doctrine dans son ensemble tend donc à remettre en cause ce
que Carré de Malberg désignait sous le nom d'État légal et que nous
appellerions aujourd'hui l'État légicentrique, c'est-à-dire l'État du règne de la
loi et, plus exactement, sous la Ille République, l'État dans lequel le législateur
apparaît comme le véritable souverain. C'est dans ce contexte politique et
idéologique que les publicistes ont revisité les concepts classiques et les
théories nées sous la Révolution française : nation, souveraineté,
représentation, autant de notions qui sont progressivement revues et corrigées
à l'aune du constat critique qu'ils font des institutions de leur temps.
Source du pouvoir des gouvernants depuis 1791, la nation est devenue un
concept encombrant en ce que, d'une part, elle renvoie à la question cruciale
de l'origine et de la légitimité du pouvoir politique à un moment où celle-ci
pose problème, d'autre part elle favorise la confusion possible des électeurs —
dont les parlementaires tiennent leur pouvoir — , avec la nation souveraine.
Aussi, et comme l'a démontré Guillaume Bacot2, c'est au début du siècle que le
concept est redéfini, en partie sous l'influence de Renan3 : plutôt que la
collectivité concrète des citoyens actuels, la nation, constituée de l'ensemble
des générations successives, s'apparente désormais à une collectivité abstraite
et par conséquent insusceptible d'exercer directement le pouvoir, par
opposition au peuple, collectivité atomisée dont la théorie est attribuée à un
Rousseau honni et caricaturé par la quasi totalité des auteurs. Rousseau est
alors communément désigné comme le père de toutes ces «fausses théories»^,
responsables aux yeux des publicistes du mauvais fonctionnement du régime
représentatif, et notamment des tentatives faites par certains électeurs pour
exiger des parlementaires le respect de leurs engagements. Si l'on considère
au contraire que seule la nation abstraite est souveraine, cela signifie que ni les
1.

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