Contrainte extérieure et logiques endogènes de crise : l'exemple de l'Amérique latine - article ; n°3 ; vol.57, pg 605-621

Jacques Adda

Description

Politique étrangère - Année 1992 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 605-621
Outside Constraint and Endogenous Logics of Crisis : the Example of Latin America, by Jacques Adda
Now that real growth seems to be resuming in the greater part of Latin America, an assessment of the internai and external causes which provoked the régional crisis in the beginning of the 80's and hindered its development for the entire décade is essential. The article spécifies the exogenous determinants, both conjunctural and structural, and the internai responsibilities in the build-up of the crisis and its possible resolution. It insists on the role of the loosening of outside constraint in the recent return of activity and on the necessity of a consolidation of institutions and means of state intervention in the stimulation of the processes of development.
Au moment où la croissance réelle semble repartir dans la majeure partie de l'Amérique latine, un bilan s'impose des causes, internes et externes, qui ont provoqué l'entrée en crise de la région au début des années 80 et entravé son développement toute une décennie durant. L'article précise l'articulation des déterminants exogènes, à la fois conjoncturels et structurels, et des responsabilités internes dans la gestation de la crise et sa possible résolution. Il insiste sur le rôle du desserrement de la contrainte extérieure dans la reprise récente de l'activité et sur la nécessité d'une consolidation des institutions et des moyens d'intervention de l'Etat dans la relance des processus de développement.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1992
• Nombre de lectures: 48
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Adda
Contrainte extérieure et logiques endogènes de crise : l'exemple
de l'Amérique latine
In: Politique étrangère N°3 - 1992 - 57e année pp. 605-621.
Abstract
Outside Constraint and Endogenous Logics of Crisis : the Example of Latin America, by Jacques Adda
Now that real growth seems to be resuming in the greater part of Latin America, an assessment of the internai and external
causes which provoked the régional crisis in the beginning of the 80's and hindered its development for the entire décade is
essential. The article spécifies the exogenous determinants, both conjunctural and structural, and the internai responsibilities in
the build-up of the crisis and its possible resolution. It insists on the role of the loosening of outside constraint in the recent return
of activity and on the necessity of a consolidation of institutions and means of state intervention in the stimulation of the
processes of development.
Résumé
Au moment où la croissance réelle semble repartir dans la majeure partie de l'Amérique latine, un bilan s'impose des causes,
internes et externes, qui ont provoqué l'entrée en crise de la région au début des années 80 et entravé son développement toute
une décennie durant. L'article précise l'articulation des déterminants exogènes, à la fois conjoncturels et structurels, et des
responsabilités internes dans la gestation de la crise et sa possible résolution. Il insiste sur le rôle du desserrement de la
contrainte extérieure dans la reprise récente de l'activité et sur la nécessité d'une consolidation des institutions et des moyens
d'intervention de l'Etat dans la relance des processus de développement.
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Adda. Contrainte extérieure et logiques endogènes de crise : l'exemple de l'Amérique latine. In: Politique étrangère N°3 - 1992 -
57e année pp. 605-621.
doi : 10.3406/polit.1992.5845
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1992_num_57_3_5845ÉTRANGÈRE I 605 POLITIQUE
REPERES
Jacques ADDA * Contrainte extérieure
et logiques endogènes de crise
l'exemple de l'Amérique latine
S'il est devenu banal de dire que les années 80 ont été une décennie
perdue pour la plupart des économies en développement, les points de
vue les plus contradictoires continuent de s'opposer sur les responsabil
ités respectives des Etats et des chocs extérieurs dans la gestation de la
crise et dans sa possible résolution. Les réflexions qui suivent tentent de
dépasser cette opposition en précisant de quelle façon se sont articulées ces
deux logiques, endogène et exogène, au cours des différentes phases de la
crise de la dette.
Nature de la crise et nature des obstacles
à une sortie de crise des économies latino-américaines
Chocs extérieurs et logiques internes de crise
II n'est guère contestable que les chocs extérieurs successifs intervenus entre
1979 et 1982 ont eu un caractère profondément déstabilisant pour les
économies latino-américaines. Qu'il s'agisse du second choc pétrolier, de la
hausse des taux d'intérêt ou des effets négatifs de la récession mondiale sur
les prix des matières premières exportées et sur le volume global des
exportations, les économies de la région ont été progressivement asphyxiées
à partir de 1980, avec comme unique alternative un ajustement immédiat de
leurs demandes intérieures ou une fuite en avant dans l'endettement à court
terme. Toutes ont opté pour la seconde voie. Cela était encore possible du
fait de la reconstitution des excédents courants de la zone OPEP, et de la
seconde vague de recyclage des pétrodollars à laquelle elle a donné lieu, et
aussi parce que les Etats-Unis n'avaient pas encore commencé à ponction
ner les marchés internationaux de capitaux comme ils le feront à partir de
1982. L'arrêt des financements extérieurs nets, consécutif à la crise mexi-
Economiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Paris. 606 I POLITIQUE ÉTRANGÈRE
caine d'août 1982 et à la prise de conscience par les banques commerciales
de l'ampleur du risque de non-paiement auquel elles étaient exposées, a
clairement précipité l'entrée en crise des économies de la région.
Que les chocs extérieurs expliquent ainsi le basculement dans la crise
d'économies fortement endettées ne nous informe toutefois pas sur les
causes de leur endettement, et donc de leur vulnérabilité au retournement
de la conjoncture internationale. La tentation d'une approche systémique
est ici très grande et elle permet, dans une certaine mesure, de rendre
compte de l'homogénéité régionale du phénomène tout au long des
années 70. L'endettement massif à taux variables auprès du système ban
caire privé concernait aussi bien en effet des pays exportateurs (Mexique)
qu'importateurs (Brésil) de pétrole, des pays à base industrielle relativement
diversifiée (Argentine) que principalement miniers (Bolivie), des pays ayant
maintenu une forte tradition interventionniste (Brésil) que d'autres
opté pour le plus pur libéralisme (Chili), des pays ayant préservé des
institutions démocratiques (Venezuela) que des dictatures militaires (Uru
guay).
Cela implique que l'endettement résultait, au moins pour partie, de facteurs
extérieurs qu'il n'est pas inutile de rappeler. Le premier concerne la
surliquidité du système financier international, qui trouvait son origine dans
le déséquilibre, de plus en plus marqué à partir de la fin des années 60, de
la balance de base des Etats-Unis et dans le recyclage, après 1973, des
excédents courants des monarchies pétrolières du Golfe. La conjugaison de
ces deux phénomènes dans la seconde moitié des années 70 explique l'essor
exceptionnel du compartiment bancaire des euromarchés pendant cette
période. Le passage à une structure de taux d'intérêt réels négatifs et
l'assouplissement des critères d'octroi des prêts en résultaient directement.
Le second facteur, complémentaire, a trait au ralentissement durable du
rythme de l'accumulation dans les pays industrialisés, intervenu à la suite du
premier choc pétrolier. La baisse correspondante de la demande de crédit
de la part des agents privés de ces pays a incité les banques à chercher de
nouveaux clients dans les pays en développement. Simultanément les entre
prises de biens d'équipement, nettement affectées par l'affaiblissement des
demandes intérieures dans la zone OCDE, ont cherché à compenser ce
phénomène par un effort d'exportation accru vers les régions périphériques,
Europe de l'Est incluse. Elles ont pu compter pour cela sur le soutien
efficace des gouvernements et des banques de leurs pays d'origine, qui ont
rapidement mis au point les procédures financières adéquates (crédit-ache
teur, protocoles financiers mêlant prêts d'aide publics et crédits commerc
iaux, assurance-crédit, etc.), comme le montre clairement l'exemple fran
çais [1].
Cet activisme commercial et financier n'était cependant pas spécifique des
relations des pays industrialisés avec l'Amérique latine. Il a marqué l'ensem
ble des relations Nord-Sud de 1973 à 1981. La spécificité de l'Amérique
latine dans ce contexte réside dans la prédominance des crédits financiers à
taux d'intérêt variables dans son endettement extérieur pendant cette
période. Cette modalité renvoie aux caractéristiques propres de la région,
qui la rendaient attractives aux yeux des banques privées, tout en limitant
leur perception du risque de défaut : richesse des dotations en ressources
naturelles, agricoles et minières, ancienneté de la tradition industrielle, REPÈRES I LA CRISE LATINO-AMÉRICAINE I 607
perspectives de croissance des exportations non traditionnelles, caractère
autoritaire d'un grand nombre de régimes en place l.
Ce détour par les mutations du contexte international et des relations Nord-
Sud permet d'apprécier la responsabilité des banques commerciales dans la
montée de l'endettement. Il laisse toutefois dans l'ombre la question déci
sive de l'usage qui a été fait des fonds ainsi empruntés.