Développement et démocratie en Asie du Sud-Est - article ; n°3 ; vol.57, pg 571-583
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Politique étrangère - Année 1992 - Volume 57 - Numéro 3 - Pages 571-583
Development and Democracy in Southeast Asia, by Jean-Louis Margolin
The new vulgate views democraticization as the nearly inevitable consequence of economie development and sees the middle classes as the deciding factor in political change. This overlooks the very general — and very explainable — coincidence between the initial phase of development and a reinforcement of authoritarianism. It exaggerates the dynamic which later works to the benefit of democracy. It completely ignores the great autonomy of politics in relation to economics : the specific configuration of Southeast Asia explains why authoritarianism holds out well. Finally, it underestimates the true, farreaching effect of the democratic plan.
La nouvelle vulgate voit dans la démocratisation la conséquence presque inévitable du développement économique, et dans les classes moyennes l'élément déterminant du changement politique. C'est négliger la coïncidence très générale — et très explicable — entre la première phase du développement et un renforcement de l'autoritarisme. C'est exagérer la dynamique qui, ensuite, s'exerce effectivement au profit de la démocratie. C'est faire fi de la grande autonomie du politique par rapport à l'économique : la configuration spécifique de l'Asie du Sud-Est fait que l'autoritarisme y résiste bien. C'est enfin mésestimer la portée réelle du projet démocratique.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Louis Margolin
Développement et démocratie en Asie du Sud-Est
In: Politique étrangère N°3 - 1992 - 57e année pp. 571-583.
Abstract
Development and Democracy in Southeast Asia, by Jean-Louis Margolin
The new vulgate views democraticization as the nearly inevitable consequence of economie development and sees the middle
classes as the deciding factor in political change. This overlooks the very general — and very explainable — coincidence
between the initial phase of development and a reinforcement of authoritarianism. It exaggerates the dynamic which later works
to the benefit of democracy. It completely ignores the great autonomy of politics in relation to economics : the specific
configuration of Southeast Asia explains why authoritarianism holds out well. Finally, it underestimates the true, farreaching effect
of the democratic plan.
Résumé
La nouvelle vulgate voit dans la démocratisation la conséquence presque inévitable du développement économique, et dans les
classes moyennes l'élément déterminant du changement politique. C'est négliger la coïncidence très générale — et très
explicable — entre la première phase du développement et un renforcement de l'autoritarisme. C'est exagérer la dynamique qui,
ensuite, s'exerce effectivement au profit de la démocratie. C'est faire fi de la grande autonomie du politique par rapport à
l'économique : la configuration spécifique de l'Asie du Sud-Est fait que l'autoritarisme y résiste bien. C'est enfin mésestimer la
portée réelle du projet démocratique.
Citer ce document / Cite this document :
Margolin Jean-Louis. Développement et démocratie en Asie du Sud-Est. In: Politique étrangère N°3 - 1992 - 57e année pp.
571-583.
doi : 10.3406/polit.1992.5841
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1992_num_57_3_5841POLITIQUE ÉTRANGÈRE 1 571
Développement
Jean-Louis MARGOLIN * et démocratie
en Asie du Sud-Est
La fin des années 80 demeurera sans doute, avec 1848 et 1945, un
grand cru de l'optimisme démocratique. La très vieille taupe mise en
branle en 1789 — ou la raison hégélo-fukuyamienne, c'est au choix
— paraissait dotée d'un élan irrésistible, devant lequel cédaient les auto
crates les plus retors, les états-majors les plus brutaux, les partis les mieux
établis. La revendication d'élections libres et directes se propageait de Sao
Paulo à Séoul, les militaires latino-américains retrouvaient partout leurs
casernes, des femmes porteuses d'aspirations nouvelles prenaient d'assaut les
palais de Manille et d'Islamabad. Enfin, à l'est de l'Europe, et même en
Chine, ceux que l'on n'attendait plus s'ébranlaient, avec quelle force explos
ive, et paraissaient offrir à la prise de la Bastille la plus pertinente des
commémorations. L'Afrique elle-même montrait qu'elle n'était pas seule
ment un continent de guerres et de famines et, d'Alger à Cotonou et
Kinshasa, les peuples y (re)prenaient leurs droits. Seul le Moyen-Orient,
tétanisé par ses passions, paraissait constituer un bastion de résistance.
D'où vient-il que l'on soit déjà tenté d'évoquer tout cela au passé ? De
même que l'élection de Louis-Napoléon Bonaparte et l'écrasement de Kos-
suth avaient fait oublier les barricades de février 1848, que la guerre froide
avait déchiré, dès 1947, les démocraties renaissantes, de même les flambées
de tribalisme ethnique sur les cendres du communisme, le passage, pour
beaucoup, de la médiocrité à la misère, la persistance, ailleurs, de l'injus
tice, de la corruption, de la stupidité, les bruits de bottes renaissants çà et
là, donnent à cette décennie encore débutante une atmosphère d'autant plus
désenchantée que nulle part ou presque les utopies millénaristes ne font
plus recette ; l'islamisme lui-même, à l'échelle mondiale, paraît en perte de
vitesse. Le rêve d'un monde réconcilié sur l'autel de la démocratie libérale,
à peine entrevu, se dérobe à nouveau, telle une moderne Eurydice. L'Asie
du Sud-Est, on le verra, est loin d'échapper à cette tendance.
Mais les périodes quelque peu crépusculaires sont propices à l'envol de la
pensée. On y regarde plus froidement les mythes, et avec davantage de
détachement les lieux communs. Ainsi, parmi ceux-ci, le présupposé d'une
forte articulation entre politique et économique, par exemple exprimé, à
gauche, par la formule « pas de développement sans démocratie », ou
encore, dans les milieux influencés par le libéralisme anglo-saxon, par les
* Maître de conférences d'histoire contemporaine, université de Strasbourg II, chercheur asso
cié au CERI. 572 '■/ POLITIQUE ÉTRANGÈRE
notions d'un « mouvement universel vers la démocratie de marché » et de la
« subsistance d'un seul modèle : le libéralisme ». On a tenté d'expliquer
ainsi l'échec du communisme est-européen, la démocratisation en Amérique
latine ou dans certains pays d'Extrême-Orient, sans trop s'occuper de ce
que, dans les deux premiers cas, c'était au désastre économique qu'était
attribuée la fin des dictatures, assignée dans le dernier aux « miracles »
coréen ou taiwanais. Cette conception mécaniste du jeu societal a été
critiquée à d'innombrables reprises, y compris dans les rangs marxistes, en
particulier pour son incapacité à rendre compte de phénomènes tels que le
nazisme, l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale ou la Shoah ; la
complexité et l'imprévisibilité des évolutions post-communistes sont pour
elle un nouvel échec. Mais elle tend toujours à renaître, sans doute parce
qu'elle fournit une explication commode et unique à des événements d'une
diversité déconcertante [1]. Elle correspond aussi, depuis la « révolution »
carterienne des droits de l'homme, à la fin des années 70, à un large
consensus, allant de Washington à la social-démocratie, et dont le système
FMI-Banque mondiale constitue le levier : il existerait un très vigoureux
« cercle heureux » de la démocratie et du développement, le deus ex
machina étant constitué de classes moyennes dotées de toutes les vertus —
et d'abord de celle de croître et multiplier très vite. Idée rassurante pour un
monde qui n'aime pas être dérangé : on pourrait joindre l'utile à
l'agréable...
L'Asie du Sud-Est, à la différence de terres plus nordiques comme Taiwan,
la Corée du Sud ou même la Chine, ne s'est pas distinguée, en dehors des
Philippines, lors de la grande vague démocratique récente ; à l'inverse, le
désenchantement et la tentation de la réaction y sont sans doute moins forts
que dans d'autres zones. Voilà qui devrait, quelque peu paradoxalement,
susciter l'intérêt : il s'agit en effet d'une aire de très grand dynamisme
économique (même si certains pays, et plus encore de régions, restent à la
traîne). On a aussi là l'un des microcosmes les plus vraisemblables de la
planète : quelques-uns des derniers communismes à côté de certaines des
plus belles jungles capitalistes, toutes les traditions religieuses et coloniales,
des armées envahissantes et des jeux politiques florentins, des partis-Etats
et un Etat-parti, d'encore pauvres et de déjà riches. Le laboratoire n'est pas
mauvais, pour qui veut tester un certain nombre d'hypothèses élaborées
ailleurs, et sortir des lieux sempiternels sur lesquels se fixe le regard des
Européens. On procédera à cette vérification (quelque peu cavalièrement,
mais le diagnostic n'est pas trop difficile à établir), puis on s'interrogera sur
les ambiguïtés et les difficultés de la démocratisation de pays en développe
ment rapide.
De l'autoritarisme à l'essor économique ?
Bien loin de la vulgate que l'on vient d'évoquer, la croissance accélérée
s'est, en Asie orientale, toujours accompagnée de régimes autoritaires. Ce
fut à l'évidence le cas pour l'accumulation primitive au Japon, largement
menée à bien avant 1945, dans le cadre de systèmes qualifiables au mieux
d'o

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