Discours de la bureaucratie - article ; n°3 ; vol.7, pg 1-23
24 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Discours de la bureaucratie - article ; n°3 ; vol.7, pg 1-23

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
24 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Politiques et management public - Année 1989 - Volume 7 - Numéro 3 - Pages 1-23
A travers toute technique de management, les organisations bureaucratiques mettent en œuvre le langage. En partant de l'hypothèse que l'étude des discours bureaucratiques permettrait d'améliorer la connaissance du mode de fonctionnement de ces organisations, il est possible d'aborder ces discours sous l'angle, rituel, magique ou poétique. En effet, parce qu'il vise à la représentation du pouvoir, le discours de la bureaucratie comporte un aspect rituel ; parce qu'il tend à agir directement sur les choses, il participe de la magie ; enfin, en raison de l'usage qu'il fait de la confusion dans le langage, il est aussi un discours poétique. Une telle approche invite à mener une recherche approfondie tendant à situer les discours bureaucratiques dans un système de production et de contrôle des significations. Elle révèle aussi que le langage de la bureaucratie, au-delà de la simple transmission de l'information, peut remplir des fonctions d'occultation ou de suggestion pour éviter le recours à l'argumentation.
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 121
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilles J. Guglielmi
Discours de la bureaucratie
In: Politiques et management public, vol. 7 n° 3, 1989. pp. 1-23.
Résumé
A travers toute technique de management, les organisations bureaucratiques mettent en œuvre le langage. En partant de
l'hypothèse que l'étude des discours bureaucratiques permettrait d'améliorer la connaissance du mode de fonctionnement de ces
organisations, il est possible d'aborder ces discours sous l'angle, rituel, magique ou poétique. En effet, parce qu'il vise à la
représentation du pouvoir, le discours de la bureaucratie comporte un aspect rituel ; parce qu'il tend à agir directement sur les
choses, il participe de la magie ; enfin, en raison de l'usage qu'il fait de la confusion dans le langage, il est aussi un discours
poétique. Une telle approche invite à mener une recherche approfondie tendant à situer les discours bureaucratiques dans un
système de production et de contrôle des significations. Elle révèle aussi que le langage de la bureaucratie, au-delà de la simple
transmission de l'information, peut remplir des fonctions d'occultation ou de suggestion pour éviter le recours à l'argumentation.
Citer ce document / Cite this document :
Guglielmi Gilles J. Discours de la bureaucratie. In: Politiques et management public, vol. 7 n° 3, 1989. pp. 1-23.
doi : 10.3406/pomap.1989.2901
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pomap_0758-1726_1989_num_7_3_2901DE LA BUREAUCRATIE DISCOURS
Gilles J. GUGLIELMI*
Résumé A travers toute technique de management, les organisations bureaucratiques
mettent en œuvre le langage. En partant de l'hypothèse que l'étude des discours
bureaucratiques permettrait d'améliorer la connaissance du mode de fonctio
nnement de ces organisations, il est possible d'aborder ces discours sous l'angle
. rituel, magique ou poétique. En effet, parce qu'il vise à la représentation du pouv
oir, le discours de la bureaucratie comporte un aspect rituel ; parce qu'il tend à
agir directement sur les choses, il participe de la magie ; enfin, en raison de l'usage
qu'il fait de la confusion dans le langage, il est aussi un discours poétique. Une
telle approche invite à mener une recherche approfondie tendant à situer les
discours bureaucratiques dans un système de production et de contrôle des
significations. Elle révèle aussi que le langage de la bureaucratie, au-delà de la
simple transmission de l'information, peut remplir des fonctions d'occultation
ou de suggestion pour éviter le recours à l'argumentation.
* Université de Paris-Sud (Paris XI)
Revue POLITIQUES ET MANAGEMENT PUBLIC, Volume 7, n° 3, septembre 1989.
© Institut de Management Public 1989. Gilles J. GUGLIELMI
« II n'y a pas jusqu'à la langue administrative des deux époques qui ne se re
ssemble d'une manière frappante. Des deux parts, le style est également décoloré,
coulant, vague et mou ; la physionomie particulière de chaque écrivain s'y efface
et va se perdant dans une médiocrité commune. Qui lit un préfet lit un inten
dant » (1).
C'est en ces termes qu'Alexis De TOCQUEVILLE montre combien, après 1789,
les institutions, les habitudes, l'état d'esprit d'autrefois ont persisté dans la France
nouvelle, légataire à son insu de la France monarchique. Pourquoi ce publiciste,
dont les analyses très fines ont inspiré en leur temps la réflexion de grands juris
tes de Droit public (2), éprouve-t-il le besoin d'avoir recours à un tel élément ? Il
ne s'agit après tout que d'un indice, d'un instrument naturel au service de l'Ad
ministration publique, d'un des moyens de la gestion courante des affaires pu
bliques.
C'est un fait, la langue administrative a déjà retenu l'attention. A preuve la multi
plication et le succès des ouvrages traitant du "style administratif" sous un aspect
pratique (3). Tous ces ont pour caractéristique commune de traiter le
langage en le considérant simplement comme un instrument. Il est vrai que le possède un bon nombre de qualités qui le rendent très adapté à ce rôle
instrumental car il produit et transmet le sens tout en étant objet de communic
ation ; il déclenche chez le destinataire un comportement-réponse adéquat. Mais
le langage est beaucoup plus que cela : « tous les caractères du langage, sa nature
immatérielle, son fonctionnement symbolique, son agencement articulé, le fait
qu'il a un contenu, suffisent déjà à rendre suspecte cette assimilation à l'instr
ument » (4). Ce qui paraft le plus intéressant pour qui veut rompre avec les habitu
des de pensée, c'est d'appliquer aux phénomènes de pouvoir l'affirmation selon
laquelle « c'est dans et par le langage que l'homme se constitue comme sujet ;
parce que le langage seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l'être,
le concept d' ego » (5). Il faut donc considérer que son maniement par l'Adminis
tration publique n'est pas seulement guidé par la nécessité technique de la trans
mission et de la communication, et que ce langage peut, s'il est étudié en tant que
tel, révéler quelque chose d'essentiel sur l'Administration elle-même. Il serait
dommage que la Science administrative le tfnt pour négligeable (6).
Un objet de recherche s'offre donc : un certain discours de pouvoir. Mais lequel ?
« II faut renoncer à enfermer le discours du pouvoir dans un domaine étroit, qui
serait constitué par le langage de l'Etat, des autorités politiques officielles... il
importe de ne pas saisir le discours uniquement dans son contenu, mais aussi
dans ses formes » (7). En effet, le discours de l'Administration publique, en tant
que mode de représentation destiné à légitimer le pouvoir administratif, existe
dans la plupart des institutions non strictement étatiques ; ses thèmes évoluent
en complexité et ses procédés de diffusion se multiplient. Autrement dit, toutes
les institutions produisent un discours de pouvoir vis-à-vis des publics qui sont Discours de la bureaucratie
susceptibles de relever de leur compétence. Ces derniers utilisent alors, pour dési
gner l'institution parlante, le terme de "bureaucratie".
Sociologues et politistes s'accordent à reconnaître qu'il n'existe aucune définition
satisfaisante de ce terme. Mais trois de ses acceptions ont été à ce jour étudiées
et semblent former un tout indissociable. La bureaucratie peut en effet être abor
dée en tant que catégorie sociale, en tant que mode d'organisation et en tant que
pouvoir. Les théories de la bureaucratie se sont successivement affirmées en privi
légiant l'une de ces acceptions par rapport aux autres. Ainsi, à partir d'une théorie
sociologique et d'une philosophie de l'Histoire, WEBER conclut que l'ordre
rationnel-légal impose l'impersonnalité des fonctions, des règles et des procédures,
la spécialisation des agents et l'existence d'un système hiérarchisé pyramidal (8).
Même si Karl MARX, de son côté, considère que la bureaucratie n'est pas une
classe, mais un moyen d'oppression au service de la classe dominante, les analystes
marxistes soulignent d'une part qu'un système d'organisation centralisé, hiérar
chisé n'est pas un simple « miroir ambiant » de la société mais qu'il produit du
pouvoir, et d'autre part que ce pouvoir peut être accaparé et exercé pour lui-
même par une couche bureaucratique émergente. Enfin, on peut ajouter à ces
théories celles, plus utilitaires, desfonctionnalistesaméricainstelsMERTON (théor
ie des dysfonctionnements) et leurs prolongements en France avec M. CROZIER.
Mais la construction d'une théorie des discours de pouvoir émanant de la bureauc
ratie nécessite une définition de cette dernière qui permette l'observation et ne
transforme pas des concepts abstraits (organisations, pouvoir) en sujets parlants.
Aussi peut-on retenir la formulation suivante, inspirée de C. LEFORT (9) : on
appelle bureaucratie tout groupe humain qui tend à faire prévaloir un certain
mode d'organisation, fondé sur la hiérarchie, le système des échanges, la médiation
des conflits et la représentation d'un pouvoir suprême, dont l'état varie en fonc
tion de la division du travail, et qui distribue la jouissance du pouvoir. Ainsi, il
n'existe pas une bureaucratie mais des bureaucraties.
Or, le déve

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents