Être maire à Roubaix. La prise de rôle d'un héritier - article ; n°38 ; vol.10, pg 63-87

Rémi Lefebvre

Description

Politix - Année 1997 - Volume 10 - Numéro 38 - Pages 63-87
Être maire à Roubaix. La prise de rôle d'un héritier.
Rémy Lefebvre [63-87].
L'entrée dans une institution est un moment privilégié pour analyser les pratiques et les représentations qui y ont cours. Entendue ici comme une prise de rôle, elle constitue un moment d'apprentissage où un nouvel acteur s'approprie des savoir-faire et intériorise des représentations. L'étude d'une succession mayorale à Roubaix fait apparaître que les rôles qu'endosse le nouvel édile s'articule en trois registres distincts (territorial, politique, managérial) qu'il doit mettre en cohérence. Au prix d'un bricolage permanent et en fonction de ses propres ressources politiques, le maire s'ajuste plus qu'il se conforme à l'ensemble des normes qui définissent à un moment donné le rôle de maire.
Being Mayor in Roubaix. The Role-Taking of a Heir.
Rémy Lefebvre [63-87].
The moment when one enters an institution is a privileged one to analyse the practices and representations which are in use in it. In this study, the entrance to an institution is to be defined as a process of role-taking. It constitutes a time of learning during which an actor takes over a particular know-how and interiorizes some representations. The study of a handover at the Roubaix City Council showed that the roles assumed by the newly elected mayor hinge on three different fields : the territorial, the political and the management level. It is up to the mayor to create some consistency between those three levels. Banking on his own political resource, the mayor has to grope his way through this process which leads him to adjust himself rather than to conform to the set of norms which defines the role of a mayor at a given time.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIX
• Publié le: 01 janvier 1997
• Nombre de lectures: 134
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Rémi Lefebvre
Être maire à Roubaix. La prise de rôle d'un héritier
In: Politix. Vol. 10, N°38. Deuxième trimestre 1997. pp. 63-87.
Résumé
Être maire à Roubaix. La prise de rôle d'un héritier.
Rémy Lefebvre [63-87].
L'entrée dans une institution est un moment privilégié pour analyser les pratiques et les représentations qui y ont cours.
Entendue ici comme une prise de rôle, elle constitue un moment d'apprentissage où un nouvel acteur s'approprie des savoir-faire
et intériorise des représentations. L'étude d'une succession mayorale à Roubaix fait apparaître que les rôles qu'endosse le
nouvel édile s'articule en trois registres distincts (territorial, politique, managérial) qu'il doit mettre en cohérence. Au prix d'un
bricolage permanent et en fonction de ses propres ressources politiques, le maire s'ajuste plus qu'il se conforme à l'ensemble
des normes qui définissent à un moment donné le rôle de maire.
Abstract
Being Mayor in Roubaix. The Role-Taking of a Heir.
Rémy Lefebvre [63-87].
The moment when one enters an institution is a privileged one to analyse the practices and representations which are in use in it.
In this study, the entrance to an is to be defined as a process of role-taking. It constitutes a time of learning during
which an actor takes over a particular know-how and interiorizes some representations. The study of a handover at the Roubaix
City Council showed that the roles assumed by the newly elected mayor hinge on three different fields : the territorial, the political
and the management level. It is up to the mayor to create some consistency between those three levels. Banking on his own
political resource, the mayor has to grope his way through this process which leads him to adjust himself rather than to conform
to the set of norms which defines the role of a mayor at a given time.
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Lefebvre Rémi. Être maire à Roubaix. La prise de rôle d'un héritier. In: Politix. Vol. 10, N°38. Deuxième trimestre 1997. pp. 63-
87.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1997_num_10_38_1668Être
La prise maire de rôle à d'un Roubaix héritier*
Rémi Lefebvre
Centre de recherches administratives, politiques et sociales
Université Lille II
«L'action est une sorte de lutte entre l'histoire objectivée et l'histoire
incorporée, lutte parfois de toute une vie pour changer le poste ou se
changer, pour s'approprier le poste ou être approprié par lui (fût-ce
dans l'effort même pour se l'approprier en le transformant). L'histoire
se fait dans cette lutte, dans ce combat obscur où les postes façonnent
plus ou moins complètement leurs occupants qui s'efforcent de se les
approprier ; où les agents changent plus ou moins complètement les
postes en les retaillant à leurs mesures» .
L} ORDRE INSTITUTIONNEL n'a pas la belle permanence dont on
lui fait crédit trop spontanément. S'il est bien constitué d'un
ensemble stabilisé, voire routinisé, de pratiques, de rôles, de
savoir-faire mais aussi de croyances et de représentations, il n'est pas
moins menacé de manière continue par les acteurs qui s'en réclament
ou en jouent et par les luttes quotidiennes dont il fait l'objet2. Accorder
à l'institution une trop grande force d'inertie serait à la fois concourir à
son objectivation et méconnaître les inflexions que les luttes politiques
lui font subir en permanence. L'entrée dans l'institution d'un nouvel
acteur censé l'incarner constitue ainsi une phase critique pour celle-ci
dans la mesure où elle se traduit par une rupture des routines, fût-elle
provisoire, et plus généralement par une désobjectivation d'aspects
antérieurement stabilisés de la réalité sociale3. L'entrée dans
l'institution est donc un moment privilégié pour analyser les pratiques
et les représentations qui y ont cours. Entendue comme prise de rôle,
elle est octroi de sens, réexplicitation de l'institution par sa
* Ce texte a bénéficié de la relecture et des remarques de J.-L. Briquet, L. Blondiaux, M.
Hastings et F. Sawicki. Qu'ils en soient remerciés.
1. Bourdieu (P.), «Le mort saisit le vif», Actes de la recherche en sciences sociales, 32-33,
1980, p. 13.
2. «L'institutionnalisation se fait et se rejoue, continuellement, aussi bien dans des
conjonctures critiques où l'affrontement sur sa forme remet en question les définitions
stabilisées, que dans des conjonctures de stabilisation. De cette succession irrégulière
d'affrontements spectaculaires et de conflits discrets résulte la sédimentation de
prescriptions, de pratiques, de savoirs et de croyances qui dessine les formes de
l'institution» (Lacroix (B.), Lagroye (J.), dir., Le président de la République. Usages et
genèses d'une institution, Paris, Presses de la FNSP, 1992, p. 10).
3. Sur les conjonctures critiques voir Dobry (M.), Sociologie des crises politiques, Paris,
Presses de la FNSP, 1986.
Politix, n°38, 1997, pages 63 à 87 63 L'institution des rôles politiques
réappropriation et les usages renouvelés qui en sont faits. Toute prise
de rôle apparaît comme un moment d'apprentissage où un nouvel
acteur, plus ou moins inexpérimenté, dépourvu de compétence
institutionnelle, s'approprie des savoir-faire, intériorise des
représentations, conférant ainsi aux pratiques et aux croyances
constitutives de toute institution un nouveau relief.
Nous nous proposons ici d'analyser l'entrée dans une institution à
travers l'étude empirique d'une succession may or aie à Roubaix1. En mai
1994, André Diligent, maire CDS depuis 1983, démissionne pour
raisons de santé et passe la main à son premier adjoint et ancien
directeur de cabinet de 1983 à 1989, René Vandierendonck. Le nouvel
édile présente un profil politique très différent de celui à qui il succède.
A. Diligent, qui siège au conseil municipal presque sans interruption
depuis la Libération2, est une figure locale de la démocratie-chrétienne.
Personnage débonnaire jouissant d'une grande notoriété et d'un fort
enracinement local, il est parvenu à être pleinement identifié à la ville,
pourtant acquise aux socialistes pendant près d'un siècle. Pendant onze
ans, A. Diligent aura largement façonné les représentations légitimes
de la fonction de maire en les attachant à des discours et des pratiques.
Son successeur R. Vandierendonck apparaît comme un «homme de
dossiers» chevronné mais sans envergure nationale ni attaches locales3.
La question se pose dès lors de savoir comment un nouvel acteur
politique endosse les rôles attachés à la fonction de maire alors que son
profil ne l'y prédispose pas et qu'il dispose de faibles ressources
politiques. Comment des pratiques et des croyances s'imposent-elles à
un acteur contraint de s'en saisir au point pour lui de relever de
l'évidence ? En quoi ses propriétés sociales spécifiques contribuent-elles
à redéfinir les rôles ? À travers l'étude d'une succession dans une ville
où le maire est historiquement investi d'attentes exorbitantes, on
s'efforcera ici de montrer comment «le mort» - l'histoire collective locale
objectivée dans des normes, des pratiques, des rôles - saisit «le vif»4.
1. Ce texte est issu d'un mémoire de DEA de science politique, Être maire à Roubaix : la
prise de rôle d'un héritier, Université Lille II, 1996.
2. L'union de la gauche l'écarté de la mairie entre 1977 et 1983.
3. R. Vandierendonck n'est pas né à Roubaix, n'y habite que depuis peu. Il n'a eu aucun
engagement associatif ou politique dans la ville. Son attachement à la ville, requis pour la
fonction comme on le verra, est donc récent. La presse est unanime pour relever ce
manque de «fibre roubaisienne».
4. Cette étude a pour cadre chronologique la première année de mandat du maire, de son
élection par le conseil municipal en mai 1994 à sa victoire aux élections municipales en
juin 1995. L'apprentissage que nous devons appréhender est surtout pratique, non
discursif. Le métier qu'acquiert le nouvel édile n'est pas réductible à un corps formalisé
de savoir-faire et de connaissances. Son étude requiert donc une analyse e