Fabre souvenirs entomologiques livre 4
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Jean-Henri Fabre SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES Livre IV Étude sur l’instinct et les m œurs des insectes (1891) Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières CHAPITRE I LE PÉLOPÉE......................................................3 CHAPITRE II LES AGÉNIES. – LES VIVRES DU PÉLOPÉE ................................................................................ 17 CHAPITRE III ABERRATIONS DE L’INSTINCT.................29 CHAPITRE IV L’HIRONDELLE ET LE MOINEAU .............44 CHAPITRE V INSTINCT ET DISCERNEMENT................... 57 CHAPITRE VI ÉCONOMIE DE LA FORCE..........................69 CHAPITRE VII LES MÉGACHILES...................................... 81 CHAPITRE VIII LES ANTHIDIES ......................................103 CHAPITRE IX LES RÉSINIERS.......................................... 118 CHAPITRE X L’ODYNÈRE NIDULATEUR........................ 139 CHAPITRE XI LE PHILANTHE APIVORE ........................ 163 CHAPITRE XII MÉTHODE DES AMMOPHILES .............. 187 CHAPITRE XIII MÉTHODE DES SCOLIES...................... 200 CHAPITRE XIV MÉTHODE DES CALICURGUES ........... 209 CHAPITRE XV OBJECTIONS ET RÉPONSES ...................223 CHAPITRE XVI LE VENIN DES APIAIRES.......................236 CHAPITRE XVII LE CAPRICORNE....................................250 CHAPITRE XVIII LE PROBLÈME DU SIREX ...................263 À propos de cette édition électronique................................ 280 CHAPITRE I LE PÉLOPÉE Des divers insectes qui font élection de domicile dans nos demeures, le plus intéressant, pour l’élégance des formes, la singularité des m œurs, la structure des nids, est certainement le Pélopée, à peine connu même des gens dont il fréquente le foyer. Ses habitudes solitaires, sa paisible prise de possession des lieux, sont cause du silence de l’histoire à son égard. Il est si discret, que son hôte l’ignore presque toujours. La renommée est aux bruyants, aux importuns, aux nuisibles. Essayons de tirer de l’oubli ce modeste. Frileux à l’excès, le Pélopée se cantonne sous le soleil qui fait mûrir l’olive et chanter la cigale ; encore lui faut-il, pour sa famille, le supplément de chaleur de nos habitations. Son refuge ordinaire est la maisonnette isolée du paysan, avec puits om- bragé d’un vieux figuier devant la porte. Il la choisit exposée à toutes les ardeurs de l’été, et riche, autant que possible, d’une ample cheminée où se renouvelle fréquemment un feu de broussailles. Les belles flambées des soirées d’hiver, quand se consume dans l’âtre la bûche sacramentelle de la Noël, sont au- tant de motifs qui décident du choix, l’insecte reconnaissant, à la noirceur de la cheminée, que les lieux lui seront propices. Un foyer non verni par la fumée ne lui inspire pas confiance : on doit transir en pareille demeure. Pendant les chaleurs caniculaires, en juillet et en août, le visiteur, à la recherche d’un local pour son nid, brusquement survient. L’animation, le va-et-vient de la maisonnée, ne le – 3 – troublent en rien : on ne prend pas garde à lui, et lui ne prend pas garde aux autres. À pas saccadés, il explore du regard, il ausculte du bout des antennes les angles du plafond noirci, les recoins des solives, le manteau de la cheminée, les flancs de l’âtre surtout, l’intérieur même du canal. L’inspection terminée et les lieux reconnus bons, il part. Bientôt il revient avec la pe- tite pelote de boue qui donnera la première assise de l’édifice. Le point adopté est des plus variables ; souvent il est aussi des plus singuliers, à la condition expresse que la température y soit égale et douce. Une chaleur d’étuve paraît convenir aux larves du Pélopée ; du moins l’emplacement de prédilection est- il l’entrée de la cheminée, sur l’un et l’autre flanc du canal, jus- qu’à la hauteur d’une coudée environ. Ce chaud refuge a ses in- convénients. Atteints par la fumée, surtout pendant les feux prolongés de l’hiver, les nids y prennent un enduit marron ou noir semblable à celui qui vernisse la paroi de maçonnerie. On les prendrait pour des inégalités de mortier oubliées de la truelle, tant ils se confondent d’aspect avec le reste. Ce sombre badigeon est sans gravité, pourvu que la flamme ne vienne pas lécher l’amas de cellules, ce qui déterminerait la perte des larves, cuites à l’étuvée dans leurs pots de terre. Mais le péril de la flamme semble prévu : le Pélopée ne confie sa famille qu’aux cheminées dont l’ample embouchure n’admet sur les côtés que les fumées volumineuses ; il tient en suspicion celles qui, rétré- cies, permettent aux flambées d’occuper toute l’entrée du canal. Cette prudence n’exclut pas un dernier danger. Pendant la construction du nid, au moment où l’insecte, pressé par la ponte, ne peut se décider à chômer, il peut se faire que l’accès du logis lui soit barré momentanément ou même la journée en- tière, tantôt par un rideau de vapeur émané d’une marmite, tan- tôt par un tourbillon de fumée qu’entretiennent de mauvaises broussailles. Les journées de lessive sont les plus à craindre. Sous le vaste chaudron en ébullition continuelle, la ménagère entretient le feu du matin au soir avec tous les résidus du bû- – 4 – cher, brindilles, écorces, feuillages, matériaux de combustion intermittente et difficultueuse. La fumée du foyer, les vapeurs du chaudron, les buées de la cuve, forment devant l’âtre un nuage que déchirent de rares éclaircies. De loin en loin j’ai sur- pris le Pélopée devant pareil obstacle. On raconte du merle aquatique, le cincle, qu’il traverse au vol, pour se rendre à son nid, la nappe d’eau formant cascade sous le déversoir d’un moulin. Le Pélopée est plus audacieux encore : sa pilule de boue aux dents, il franchit le nuage fumeux, derrière lequel il disparaît, désormais invisible, tellement l’écran est opaque. Une stridulation saccadée, chansonnette de travail, dénote seule que le maçon est à l’ œuvre. L’édifice s’élève mystérieusement derrière la nuée. Le couplet cesse, et l’insecte émerge des flocons de vapeur, alerte, dispos, comme s’il sortait d’une limpide atmosphère. Il vient d’affronter le feu, ainsi qu’une fabuleuse salamandre ; il l’affrontera tout le jour tant que la cellule ne sera pas édifiée, bourrée de victuailles et close. De pareilles circonstances se reproduisent trop rarement pour satisfaire en plein la curiosité de l’observateur. J’aurais désiré disposer moi-même du rideau nuageux et tenter ainsi quelques expérimentations sur la périlleuse traversée ; mais, spectateur étranger, j’en étais réduit à profiter de l’heureuse chance sans intervenir et troubler l’opération de la lessive, af- faire grave. Et quelle triste idée de ma cervelle se serait faite la ménagère dont j’étais l’hôte accidentel si je m’étais permis de 1toucher à son feu pour tracasser une guêpe ! I’a peta’n ciéucle , n’eût-elle pas manqué de se dire. Aux yeux du paysan, s’occuper de la petite bête est jeu de maniaque, amusement d’esprit fêlé. Une seule fois la fortune m’a souri ; mais je n’étais pas prêt pour en profiter. Les choses se passaient chez moi, dans mon foyer, et précisément encore un jour de lessive. Depuis peu, je 1 "Mot à mot : « Il a pété un cercle. » (Note du correcteur – ELG.) – 5 – débutais au lycée d’Avignon. Deux heures s’approchaient, et le roulement du tambour allait, dans quelques minutes, m’appeler à la démonstration de la bouteille de Leyde devant un auditoire d’étourdis. Je me disposais à partir, quand je vis plonger, à tra- vers la buée de la cuve à lessive, un insecte étrange, prompt d’allure, svelte de forme, portant appendu au bout d’un long fil son ventre en cucurbite. C’était le Pélopée, que je voyais pour la première fois avec des yeux attentifs. Novice encore et désireux de faire avec mon hôte plus ample connaissance, je recommandai chaudement à la maisonnée de surveiller l’insecte en mon absence, de ne pas l’inquiéter, de gouverner le feu de façon à ne pas incommoder dans son travail l’audacieux entrepreneur de bâtisses tout à côté de la flamme. Ainsi fut fait religieusement. Les choses marchèrent mieux que je n’osais l’espérer. À mon retour, le Pélopée continuait sa construction derrière la nuée de la cuve à lessive, placée elle-même sous le manteau d’une large cheminée. Avide comme je l’étais d’assister à l’édification des cellules, de reconnaître la nature des vivres, de suivre l’évolution des larves, points d’histoire absolument nou- veaux pour moi, je me gardai bien de susciter les difficultés ex- périmentales que je ne manquerais pas aujourd’hui d’opposer à l’instinct ; le nid en bon état était l’unique objet de mes convoi- tises. Aussi, loin de créer au Pélopée des obstacles nouveaux, j’atténuai du mieux ceux qu’il avait à vaincre. Le feu fut écarté, modéré, pour amoindrir l’arrivée de la fumée sur le chantier de travail ; et pendant deux bonnes heures je suivis les plongeons de l’insecte à travers le nuage. Le lendemain, le foyer avait re- pris sa combustion intermittente et parcimonieuse ; rien ne gê- nait plus le Pélopée, qui pendant quelques jours continua son œuvre et paracheva sans nouvel encombre le nid bien peuplé que je souhaitais. – 6 – Jamais plus, depuis une quarantaine d’années, mon foyer n’a reçu pareille visite ; il m’a fallu les bonnes fortunes offertes par le foyer des autres pour glaner le peu que je sais. Bien plus tard, une longue pratique aidant, la pensée m’est venue d’utiliser l’inclination que montrent divers hyménoptères à s’établir dans le lieu natal, à faire souche dans le voisinage du nid où se sont acquises les impressions les plus fortes de toutes peut-être, celles de l’éclosion à la lumière. Des nids de Pélopée recueillis un peu partout pendant l’hiver furent accolés, dans ma demeure actuelle, aux divers points qui me semblaient propices d’après l’ensemble des observations, notamment à l’entrée de la cheminé, soit de la cuisine, soit du cabinet de travail. J’en mis dans l’embrasure des fenêtres, dont je tenais les contrevents fermés pour faire étuve ; j’en appliquai sur les recoins du pla- fond discrètement
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