France et Grande-Bretagne : essais d adaptation - article ; n°5 ; vol.33, pg 455-489
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Description

Politique étrangère - Année 1968 - Volume 33 - Numéro 5 - Pages 455-489
Depuis cent ans, on discute de l'appartenance de l'Angleterre à l'Europe. Les guerres sur le continent n'ont jamais laissé l'Angleterre indifférente. Mais il ne s'agit plus aujourd'hui de conflit armé. Si l'unité de l'Europe se fait en y intégrant la Grande-Bretagne, un problème de prépondérance se posera. Or, depuis un siècle, les destinées de la France et de l'Angleterre sont parallèles, avec quelques décalages. Il était intéressant d'analyser les rapports de puissance entre les deux pays durant cette période pour établir les conditions actuelles d'une éventuelle rivalité en Europe en face des deux grandes puissances qui dominent le monde.
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

René Albrecht-Carrié
France et Grande-Bretagne : essais d'adaptation
In: Politique étrangère N°5 - 1968 - 33e année pp. 455-489.
Résumé
Depuis cent ans, on discute de l'appartenance de l'Angleterre à l'Europe. Les guerres sur le continent n'ont jamais laissé
l'Angleterre indifférente. Mais il ne s'agit plus aujourd'hui de conflit armé. Si l'unité de l'Europe se fait en y intégrant la Grande-
Bretagne, un problème de prépondérance se posera. Or, depuis un siècle, les destinées de la France et de l'Angleterre sont
parallèles, avec quelques décalages. Il était intéressant d'analyser les rapports de puissance entre les deux pays durant cette
période pour établir les conditions actuelles d'une éventuelle rivalité en Europe en face des deux grandes puissances qui
dominent le monde.
Citer ce document / Cite this document :
Albrecht-Carrié René. France et Grande-Bretagne : essais d'adaptation. In: Politique étrangère N°5 - 1968 - 33e année pp. 455-
489.
doi : 10.3406/polit.1968.2140
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1968_num_33_5_2140FRANCE ET GRANDE BRETAGNE :
ESSAIS D'ADAPTATION
par René ALBRECHT-CARRIÉ
Professeur au Barnard College
et à la School of International Affairs
(Université de Colombia)
Depuis cent ans, on discute de l'appartenance de l'Angleterre
à l'Europe. Les guerres sur le continent n'ont jamais laissé l'An
gleterre indifférente. Mais il ne s'agit plus aujourd'hui de conflit
armé. Si l'unité de l'Europe se fait en y intégrant la Grande-
Bretagne, un problème de prépondérance se posera. Or, depuis un
siècle, les destinées de la France et de l'Angleterre sont parallèles,
avec quelques décalages. Il était intéressant d'analyser les rapports
de puissance entre les deux pays durant cette période pour établir
les conditions actuelles d'une éventuelle rivalité en Europe en
face des deux grandes puissances qui dominent le monde.
Un mot était courant au dix-huitième siècle lequel attribuait
le domaine des mers aux Anglais, celui de la terre aux Franç
ais ; on ajoutait qu'aux Allemands appartenait celui des
nuages. Mais cette dernière observation est étrangère à la dis
cussion qui va suivre. A notre époque, un lieu commun veut
que l'Europe soit en déchéance, réduite au rang d'une puis
sance de second rang, entre les géants surgis au vingtième
siècle. Sauf la Russie, dont l'empire persiste sous la rubrique
soviétique, nul ne saurait nier le fait de déchéance. Un tel
renversement, effectué dans un espace de temps si réduit, est iné
vitablement source de tensions et de problèmes incommensurab
les. Nous voudrions, dans les pages qui suivent, examiner
la manière dont les deux pays mentionnés ont essayé de s'adapt
er au changement des circonstances. Il ne semble pas injuste
de dire que tous deux s'efforcent, à l'heure actuelle, de trouver ALBRECHT-CARRIÉ 456
leur place dans la communauté mondiale des nations. Mais
avant d'examiner l'état de cette recherche, il est utile de remont
er dans le temps pour observer les formes de leur politique
quand leurs problèmes avaient autre figure.
Les bases de la puissance.
Il s'agit ici de puissance et de voir comment cette puissance
est utilisée par ceux qui là dirigent, autrement dit d'étudier
le fonctionnement de la politique étrangère dans le cas de ces
deux Etats. Quoi que l'on puisse penser des attributs moraux
de la puissance, ou de leur absence, la puissance est un fait
capital dans les rapports entre Etats. (Ge qui nous intéresse
n'est pas la question des rapports franco-britanniques — sans
doute font-ils partie de notre histoire — mais la comparaison
de deux politiques et de leur application.)
La rivalité franco-britannique a des racines dans un passé
lointain. Après que l'Angleterre eut abandonné les ambitions
continentales (Calais, sa dernière attache, fut perdu en 1556)
elle découvrit le grand large et sa destinée maritime. Ici le
rôle du facteur géographique devient de première importance ;
c'est surtout grâce à ce facteur que le sol de l'Angleterre n'a
pas été foulé par un envahisseur depuis la conquête normande.
C'est ce même facteur qui lui permit de concentrer ses énergies
sur les mers et par delà les mers sur les autres continents. Les
Français furent, eux aussi, explorateurs et conquérants outre
mer, mais la France n'est pas une île ; le souci de la garde,
voire de l'expansion, de ses frontières en Europe, prit toujours
en dernière analyse le pas sur des rêves impériaux.
Le résultat, dans la compétition à échelle mondiale au 18me
siècle, fut un triomphe britannique, la France se trouvant évin
cée du continent américain, et, pratiquement, des Indes. Les
deux moyens toujours utilisés par l'Angleterre furent : sa propre
suprématie maritime ; l'appoint des coalitions que générale
ment, elle finança. Dans les seuls cas d'ultime nécessité, la FRANCE ET GRANDE-BRETAGNE 457
guerre de succession d'Espagne par exemple, vit-on apparaître
des armées anglaises sur le continent.
Ainsi prit forme une tradition fondamentale de la poli
tique anglaise, pour laquelle le maintien de l'équilibre conti
nental devint équivalent à la défense de l'intérêt anglais. Les
continentaux qui s'y méprirent parlèrent parfois de la perfide
Albion. Or l'Angleterre n'est ennemie d'aucun pays pour des
raisons sentimentales ou permanentes. Elle est opposée à une
hégémonie quelle qu'elle soit. Le mot est juste qui veut que
l'Angleterre n'ait pas des amitiés, mais seulement des intérêts,
permanents.
Il convient de noter l'importance du facteur économique et
financier comme source de la puissance anglaise. C'est la riches
se anglaise qui perm't le financement des coalitions, contre les
quelles la France n'avait d'autre choix que d'y consacrer le
meilleur de ses ressources et de ses efforts. La richesse anglaise
provenait en grande partie de son commerce, donc en partie au
moins des succès de sa politique impériale. Il convient de ne
pas oublier que, si l'on s'en tient à la métropole, la France est
plus favorisée que l'Angleterre du point de vue des ressources.
Et ce fait correspond à ce qu'exprime le rapport des populat
ions, la française étant plus du double de la britannique à la
fin du 18me siècle. Il faut aussi reconnaître que les ressources
anglaises furent objet de meilleure gestion que celles de la
France.
Un autre phénomène se produisit pendant la seconde moitié
du 18me siècle. L'avènement de l'industrie fut avant tout un
fait anglais, suivi, avec un décalage dans le temps, par son
apparition dans les Pays-Bas autrichiens, la future Belgique,
et un secteur adjacent du nord de la France. Dans les premiers
stages de ce développement, l'Angleterre bénéficia de l'abon
dance et de la proximité du charbon et du fer, bases de l'indust
rie naissante. Le fait contribua à accentuer la puissance
économique anglaise pendant la longue période de guerres
corrélatives à la Révolution française.
Pendant un quart de siècle, la France tint tête à l'Europe, ALBRECHT-CARRIÉ 458
y compris la Grande-Bretagne. Malgré le succès final de la
coalition, l'épopée napoléonienne créa une impression d'énorme
puissance française. Cette impression était sans doute exagérée
car le succès des armes françaises était dû dans une certaine
mesure au fait que la France avait changé les règles classiques
du jeu de la guerre : la levée en masse, la nation en armes, la
carrière ouverte aux talents. Mais ces nouveaux facteurs, qui
prirent au dépourvu les monarques de l'Europe, n'auraient pas
suffi s'ils n'avaient été fondés sur les ressources de la nation.
Si exagérée que fut l'impression donnée par la puissance fran
çaise en 1815, la France exerçait une position de primauté en
tant que puissance territoriale.
Metternich, par exemple, avait été prêt à pactiser avec cette
puissance, s'en accommodant de son mieux. Tel ne fut pas
le cas de l'Angleterre qui, la trêve de la paix d'Am

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