Gouvernance métropolitaine en Europe : essai de typologie1 Bernard Jouve jouve@entpe.fr Ecole Nationale des Travaux Publics de lÉtat (France) Communication au XXXVIIIème Colloque annuel de l'Association de Science Régionale de Langue Française « Tendances spatiales contemporaines et leur impact sur lavenir des régions ou la diversification régionale à lépreuve des faits » Trois-Rivières, 21-23 Août 2002
1INTRODUCTION Cette communication se fixe comme objectif danalyser les différentes configurations institutionnelles à lintérieur desquelles les métropoles ouest-européennes sont gouvernées. Elle repose sur la comparaison entre 7 États (Italie, Espagne, France, Suisse, Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas) et une quinzaine de villes. On fera également référence au débat sur la question au Canada et aux USA. La question de linternationalisation des villes occupe depuis plusieurs années les agendas politique et scientifique. On sait maintenant que globalisation et métropolisation constituent les deux aspects dun même processus, de même que lon sait avec une certaine précision quel lien relient ces deux tendances à la transformation des États-nations et surtout à la remise en question de lÉtat keynesien et du mode de production fordiste (Jessop 2000 ; Rogers Hollingsworth, Boyer 1997). Les travaux des économistes régionaux (Scott 2001 ; Storper 1997 ), des géographes (Benko, Lipietz 2000), des politologues (Brenner 1998) ou encore des sociologues (Bagnasco, Le Galès 2000) permettent actuellement davoir une analyse assez fine de « leffet » de la globalisation et des transformations des États sur les territoires, principalement sur les métropoles. Ces objets socio-politiques et économiques sont de fait les espaces soumis aux enjeux sociétaux les plus actuels (exclusion, nouveaux mouvements sociaux, transformation de la relation au travail, restructuration physique des espaces, ). De même, ce sont les métropoles et essentiellement leurs élites politiques, économiques et sociales qui ont participé activement à la 1communication prend appui sur plusieurs recherches collectives financées par lAgence Rhône-Alpes pour lesCette Sciences Sociales et Humaines, lAction Concertée Incitative Ville, le Ministère de lEquipement et la Fondation Européenne pour les Sciences. Je suis redevable envers certains collègues européens avec lesquels jai travaillé et qui ont notamment apporté un grand nombre déléments empiriques repris dans cette communication et qui sont publiés ailleurs (Jouve 2002 ; Jouve, Lefèvre 1999 ; Jouve, Lefèvre 2002). Pour les Pays-Bas, les données présentées ici sont fondées sur le travail de P. Terhorst, pour Milan sur celui de F. Di Ciommo, pour Paris sur celui de C. Lefèvre, pour Munich sur celui de M. Schreiner, pour Zürich sur celui de D. Kübler, pour Madrid sur celui de J. M. Alvarez, pour Londres sur celui de M. Kleinman.
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transformation des États-nations, du moins en Europe, en demandant plus de marge de manuvre, dautonomie et en obtenant bien souvent gains de cause à travers la mise en place de politiques de décentralisation2. Le « desserement du verrou de lÉtat » sur les collectivités locales (Le Galès 1999) a été analysé comme étant à lorigine de stratégies de développement pro-actives. Depuis une quinzaine dannées, les élites métropolitaines tentent de faire de leurs villes les points dancrage territorialisés de la globalisation. La nouvelle géographie socio-économique (Storper 1997) insiste très précisément sur ce point : il nexiste pas de modèle territorial unique. Tout au plus, sait-on que la variable relationnelle, la capacité à générer des relations entre acteurs et institutions locales, est un élément discrimant. Chaque territoire étant une matrice particulière de relations sociales, il ne peut donc exister de modèle de référence unique. Cest notamment dans le cadre de cette valorisation très forte du local, de « leffet localité » (Benoit-Guilbot 1993) que la place et le rôle des États ont été réévalués par les sciences sociales ces dernières années. On sait quen la matière deux thèses saffrontent : la thèse radicale selon laquelle les États modernes connaîtraient un processus dévidemment (Harvey 1989 ; Ohmae 1995) et la thèse plus nuancée selon laquelle la globalisation saccompagnerait dun processus de déterritorialisation/reterritorialisation du politique qui ne serait plus centré uniquement sur lÉtat (Castells 1998). Cette communication se situe clairement dans cette seconde perspective danalyse et se propose de montrer, empiriquement, ce que lon peut entendre par déterritorialisation/reterritorialisation du politique. Il ne sagit pas en loccurrence dun processus stable et invariable. La recomposition de lEtat prend des formes très différentes dun pays à un autre, voire même à lintérieur dun même pays. Evoquer une transformation radicale des États à travers leur perte de centralité na guère de sens. Il existe des situations, par exemple au Canada et aux Pays-Bas où les États restent les construits socio-politiques dominants qui impriment leur marque sur les relations centre/périphérie et structurent les échanges à leur avantage. Cest dans ce contexte que le recours à la typologie, comme méthode de classement et de compréhension, est pertinente. En ce qui concerne lobjet de cette communication, 5 grands types de configurations institutionnelles ou modes de gouvernance - peuvent être identifiés dans les métropoles dEurope de lOuest : 1.les villes dont la régulation politique est encore largement le fait de lÉtat ; 2.les villes ayant connu des réformes territoriales en vue de les doter de nouvelles institutions métropolitaines ; 3.les métropoles gouvernées par des niveaux de gouvernement intermédiaires ; 4.une gouvernance en réseau intégrant plusieurs niveaux decelles ayant développé gouvernements ; 2A ce stade, il convient cependant de garder en mémoire quil existe également une controverse scientifique sur les fondements de cette décentralisation. Pour certains, la décentralisation constitue une réponse stratégique des États confrontés à la gestion politique dune crise économique structurelle quils narrivent pas à traiter seuls (Pickvance, Préteceille 1991). Pour dautres, la décentralisation sexplique par des transformations socio-politiques plus fondamentales et par la montée en puissance de sociétés civiles de plus en plus organisées au niveau local (et surtout en milieu urbain) et demandant plus capacités daction (Mayer 1995). On ne tranchera pas ici ce débat mais il semble utile de lavoir en mémoire pour éviter daborder la question du lien entre globalisation et recomposition des États dans une perspective trop mécanique et mono-causale.