Inventer la Nouvelle-Calédonie - article ; n°1 ; vol.9, pg 61-79
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Description

Annuaire des collectivités locales - Année 1989 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 61-79
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sylvie Jacquemart
5. Inventer la Nouvelle-Calédonie
In: Annuaire des collectivités locales. Tome 9, 1989. pp. 61-79.
Citer ce document / Cite this document :
Jacquemart Sylvie. 5. Inventer la Nouvelle-Calédonie. In: Annuaire des collectivités locales. Tome 9, 1989. pp. 61-79.
doi : 10.3406/coloc.1989.1605
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/coloc_0291-4700_1989_num_9_1_1605INVENTER LA NOUVELLE-CALÉDONIE
5
Sylvie JACQUEMART
C'est un navigateur anglais qui découvrit l'archipel. James COOK rêvait de son
Ecosse natale : il appela cette grande terre Nouvelle-Calédonie.
Le temps de la découverte est révolu. Plus de deux siècles plus tard, l'État souverain
s'interroge toujours. Il reste encore à inventer cet « ensemble territorial », sa place,
son rôle, la coexistence des hommes.
La Nouvelle-Calédonie est la collectivité territoriale d'Outre-Mer française qui connut
le plus de régimes et d'institutions différentes. Ces changements sont significatifs et
traduisent la complexité de sa situation. De la déclaration du 1er juillet 1860 classant la en colonie autonome, à la loi du 9 novembre 1988 portant dis
positions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de 1998, le « Caillou », tout
en partageant l'histoire d'une Métropole éloignée, a également vécu sa propre histoire
de déchirements, de douleur et parfois de réconciliation. Situé à 18 000 km, le pouvoir
central, dans son acception globale et homogène, a conduit l'agencement des institu
tions du Territoire, avec sa propre logique.
Aujourd'hui, répondre à la question calédonienne, c'est inventer la cohabitation des
cultures : celle de la zone urbanisée et celle de la brousse, c'est conjuguer le nickel avec
l'économie rurale, c'est mettre en présence respect de la coutume et modernité import
ée, c'est penser les relations entre la Métropole et le territoire éloigné.
De quel statut fallait-il doter la Nouvelle-Calédonie ? Telle était la seule démarche.
Le terme « » a, en effet, une consonance magique. De lui, semble-t-il, naissent
les solutions aux problèmes posés. Il rassure par sa rationalité et son cartésianisme. Il
organise, il met de l'ordre, il est « la loi ».
Mais, n'est-ce pas un mythe ? On doit s'interroger sur la notion même de statut
ainsi que sur la place qu'il occupe dans le mode français de résolution des problèmes.
Le statut implique une certaine dérogation au droit commun :
A l'idée de statut s'accroche une catégorie particulière. La Nouvelle-Calédonie
constitue, en effet, une catégorie particulière de collectivité territoriale : elle est un
Territoire d'Outre-Mer. L'article 74 de la Constitution de 1958 en précise la qualité :
« Les Territoires d'Outre-Mer de la République ont une organisation particulière te
nant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République.
Cette organisation est définie et modifiée par la loi après consultation de l'assemblée
territoriale intéressée. » La Constitution de 1946 disposait également dans son article
74 que « les Territoires d'Outre-Mer sont dotés d'un statut particulier ».
Cette notion de statut ne concerne pas les Départements d'Outre-Mer. Leur régime
législatif et leur organisation administrative peuvent uniquement, selon l'article 73 de
61 INVENTER LA NOUVELLE-CALÉDONIE 5
la Constitution de 1958, « faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur
situation particulière ».
L'idée d'un statut départemental d'Outre-Mer fut cependant évoquée lors du vote
d'une loi du 23 novembre 1982 qui avait adopté l'institution d'une assemblée unique
applicable à ces départements, alors que la logique du principe de l'assimilation devait
les transformer en régions monodépartementales. La décision du Conseil Constitu
tionnel du 2 décembre 1982, en rejetant en bloc la loi votée, a tranché en faveur de
l'inexistence d'un statut propre aux départements d'Outre-Mer. Selon le Conseil
Constitutionnel, les adaptations autorisées « ne sauraient avoir pour effet de conférer
aux départements d'Outre-Mer une organisation particulière prévue pour les seuls
territoires d'Outre-Mer ». Mais, alors, où s'arrête l'adaptation ? Quand franchit-on
les limites de la création d'une nouvelle collectivité territoriale ?
Le principe reste le suivant : l'assimilation revient aux départements d'Outre-Mer,
la spécialité de législation appartient aux Territoires d'Outre-Mer. Les lois s'appliquent
aux Départements d'Outre-Mer avec l'exception possible qu'est l'adaptation, elles ne
s'appliquent pas de plein droit dans les ; elles n'y entrent en vigueur que si
l'intention de les introduire dans leur ordre juridique est apparue chez le législateur.
Comme le souligne Pierre LAMPUE, « le principe de la spécialité législative contribue
à faire de chaque territoire d'Outre-Mer le support d'un ordre juridique particulier et
original », mais « au sein du système juridique global de l'État »(1).
Le statut constitue un cadre :
II possède des frontières au-delà desquelles s'opère le changement de situation. Toute
la subtilité réside dans la distinction entre le degré et la nature. Même si, à l'intérieur
de ce cadre, un certain nombre d'évolutions sont possibles, jusqu'à quel degré d'ori
ginalité spécifique peut être portée l'organisation d'un territoire d'Outre-Mer ?
La seule issue, pour échapper à ce statut, demeure l'indépendance. L'article 53 de la
Constitution de 1958 a eu l'occasion de s'appliquer et a ainsi formé la base juridique
de l'accession à l'indépendance du Territoire des Afars et des Issas ainsi que le Territoire
des Comores à l'exception de Mayotte. Et le Conseil Constitutionnel a été amené,
dans une décision du 30 décembre 1975(2), à préciser que les dispositions de l'article 53
devaient être « interprétées comme étant applicables, non seulement dans l'hypothèse
où la France céderait à un État étranger ou bien acquerrait de celui-ci un territoire,
mais aussi dans l'hypothèse où un territoire cesserait d'appartenir à la République pour
constituer un État indépendant ou y être rattaché ». Il souligne que « nulle cession,
nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des po
pulations intéressées ». C'est le scrutin d'autodétermination.
Un territoire d'Outre-Mer peut donc être amené à connaître plusieurs types d'or
ganisation institutionnelle, mais toujours dans le cadre prévu par la Constitution. Au-
delà de ces limites, il y a rupture. Il s'agit donc, pour l'État, d'élaborer des modèles
évoluant à l'intérieur de ce cadre.
(1) « Le régime constitutionnel des Territoires d'Outre-Mer ». Revue de Droit Public, n° 1, 1984, page
14.
(2) A.J.D.A. 1975, page 249, note FRANCK.
62 5 INVENTER LA NOUVELLE-CALÉDINIE
La colonie française de Nouvelle-Calédonie est devenue Territoire dfOutre-Mer :
La Constitution du 27 octobre 1946 consacre cette transformation. Le code de l'in-
digénat s'efface devant le principe de la citoyenneté française accordé par la Constitut
ion à tous les ressortissants des Territoires d'Outre-Mer. Ce n'est pourtant que
progressivement que les droits civiques atteindront l'ensemble des Mélanésiens du
Territoire. Une ordonnance du 22 août 1945(3) accorde le droit de vote à certaines
catégories de Mélanésiens, tels les anciens combattants, les chefs coutumiers, les mi
nistres des cultes et moniteurs d'enseignement. La loi du 23 mai 1951(4) élargit ce droit
au sein de la population d'origine malésienne. Il faudra attendre la loi du 26 juillet
1957(5) pour que tous les Mélanésiens aient le droit de devenir électeurs(6).
En 1958, les électeurs de la Nouvelle-Calédonie soutiennent le projet de Constitu
tion soumis à référendum le 28 septembre : les « oui » recueille 98 % des suffrages
exprimés. Aux termes de l'article 76 de la Constitution promulguée le 4 octobre, le
Territoi

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