L Etat algérien et le problème du droit - article ; n°2 ; vol.60, pg 351-363
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Politique étrangère - Année 1995 - Volume 60 - Numéro 2 - Pages 351-363
The Algerian State and the Problem of Law, by Ahmed Rouadjia
The cult of the « strong » state which taken literally was, until now, the idéal of the governing Algerian élite, has served to suspend the state of law. Founded on a monistic System which prevents political competition, the development of new talents and an autonomous civil society, the « strong » Algerian state has finally proved itself incapable of uniting Algerians. This failure is the source of the present social and political breakdown. Invested by a military oligarchy dressed in civilian clothes, the state that promised restoration has, after thirty years of independence, remained without constitutional legality and popular legitimacy. Relying first upon authoritarianism and then physical violence, the Algerian state currently seems to have run out of breath and is showing signs of decay.
Le culte de l'Etat « fort », saisi en termes bruts, qui a nourri jusqu'ici l'imaginaire politique de l'élite algérienne dirigeante, a eu pour effet de mettre entre parenthèses l'Etat de droit. Fondé sur un système moniste, qui fonctionne comme autant d'empêchements aux compétitions politiques, à Péclosion des talents originaux, et à l'émergence d'une société civile autonome, l'Etat « fort » algérien s'est révélé, en fin de compte, incapable de rassembler les Algériens autour d'un principe réconciliateur ; d'où les fractures qui traversent le corps social et politique. Investi par une oligarchie militaire à l'uniforme civil, cet Etat promis à la « restauration » reste, après plus de trois décennies d'indépendance, tragiquement privé de légalité constitutionnelle et de légitimité populaire. Adossé, dès sa « restauration », à l'autoritarisme, puis à la violence physique, l'Etat algérien semble aujourd'hui s'essouffler et montre, de fait, des signes de décrépitude...
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 172
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ahmed Rouadjia
L'Etat algérien et le problème du droit
In: Politique étrangère N°2 - 1995 - 60e année pp. 351-363.
Abstract
The Algerian State and the Problem of Law, by Ahmed Rouadjia
The cult of the « strong » state which taken literally was, until now, the idéal of the governing Algerian élite, has served to
suspend the state of law. Founded on a monistic System which prevents political competition, the development of new talents
and an autonomous civil society, the « strong » Algerian state has finally proved itself incapable of uniting Algerians. This failure
is the source of the present social and political breakdown. Invested by a military oligarchy dressed in civilian clothes, the state
that promised restoration has, after thirty years of independence, remained without constitutional legality and popular legitimacy.
Relying first upon authoritarianism and then physical violence, the Algerian state currently seems to have run out of breath and is
showing signs of decay.
Résumé
Le culte de l'Etat « fort », saisi en termes bruts, qui a nourri jusqu'ici l'imaginaire politique de l'élite algérienne dirigeante, a eu
pour effet de mettre entre parenthèses l'Etat de droit. Fondé sur un système moniste, qui fonctionne comme autant
d'empêchements aux compétitions politiques, à Péclosion des talents originaux, et à l'émergence d'une société civile autonome,
l'Etat « fort » algérien s'est révélé, en fin de compte, incapable de rassembler les Algériens autour d'un principe réconciliateur ;
d'où les fractures qui traversent le corps social et politique. Investi par une oligarchie militaire à l'uniforme civil, cet Etat promis à
la « restauration » reste, après plus de trois décennies d'indépendance, tragiquement privé de légalité constitutionnelle et de
légitimité populaire. Adossé, dès sa « restauration », à l'autoritarisme, puis à la violence physique, l'Etat algérien semble
aujourd'hui s'essouffler et montre, de fait, des signes de décrépitude...
Citer ce document / Cite this document :
Rouadjia Ahmed. L'Etat algérien et le problème du droit. In: Politique étrangère N°2 - 1995 - 60e année pp. 351-363.
doi : 10.3406/polit.1995.4414
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1995_num_60_2_4414POLITIQUE ÉTRANGÈRE / 351
au ^ r^MArt ..a - L'Etat algérien Ahmed ROUADJIA
^ |e prob|ème du drojt
L'idée de l'Etat « à reconstruire » sur ses bases originelles est une obsession
récurrente dans le discours des dirigeants de l'Algérie indépendante. Les
souvenirs du débarquement des troupes de la monarchie de juillet 1832 à
Sidi Ferruch et de la débâcle de celles de l'émir Abdelkader qui s'en était suivie,
demeurent vivaces dans leur esprit. Aussi considèrent-ils la défaite de l'émir, qui
s'est achevée par la « destruction de l'Etat algérien », comme l'une des péripéties
les plus sombres de l'histoire de l'Algérie depuis l'avènement de l'islam (647). La
France y a trouvé, répète la vulgate officielle, un Etat moderne doté d'institutions
politiques ainsi que de tous les attributs de la souveraineté, de même qu'une
industrie et une agriculture dignes d'un pays développé ; ces structures, la France
les a progressivement démantelées et remplacées par un système colonial fondé
sur l'exploitation systématique des ressources locales au profit de la métropole.
L'Algérie, qui fut, au temps d'Auguste, le grenier à blé de Rome, vit son agricul
ture articulée sur l'économie française et cette extraversion eut pour conséquence
une immense régression de la société algérienne après que l'on eut détruit son
Etat. A ceux qui pourraient se montrer dubitatifs face à ces griefs rétrospectifs,
on rappelle la célèbre phrase d'Alexis de Tocqueville : « Nous avons rendu la
société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et
plus barbare qu'elle n'était avant de nous connaître » [1].
La colonisation n'a pas été seulement un facteur d'exploitation, de pillage et
d'appauvrissement de la société algérienne ; elle a été aussi — ce qui est pire —
une entreprise de négation de l'Etat algérien et une volonté délibérée de déper
sonnalisation de la société algérienne reflétée par la substitution forcée du fran
çais à la culture arabo-musulmane 1. Dès lors, se pose la question du devoir et
de la mission qui incombent aux dirigeants de l'Algérie indépendante pour réta
blir les choses dans leur ordre naturel et historique. Pour eux, il s'agit d'abord
de s'employer à lutter contre la falsification de l'histoire, contre l'oubli, délibéré
ou involontaire, de la préexistence de l'Etat algérien à la colonisation ; c'est lut
ter de même contre le révisionnisme historique consistant à présenter l'Algérie
du temps de l'émir comme un pays privé d'institutions politiques, d'Etat et
d'hommes d'Etat. Ainsi l'obsédante volonté de contredire la version historio-
graphique de la colonisation tombe-t-elle sous le sens dans ce passage de la
Charte nationale, document doctrinal et officiel de l'Algérie de Boumediene et
Chercheur en sciences politiques, membre de l'équipe du CHDRIN, (Amiens).
1. Référence, entre autres, à la la loi de 1938 qui déclarait tout bonnement l'arabe langue étrangère
en Algérie. Celle-ci ne fut invalidée que trente-trois ans plus tard, par un décret en date du 25 juillet
1961, signé du général de Gaulle. 352 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
de Chadli : « // est permis de dire que l'Etat qui s'est établi après l'élection de
l'Emir Abdelkader, a été le seul Etat arabo-islamique de l'ère moderne, comme
expression de la volonté populaire et doté de structures modernes. L'émir
Abdelkader a constitué le gouvernement et établi un conseil de la Choura. Il
s'empressa d'organiser l'armée, jeta les bases d'une industrie militaire nationale,
tout comme il entreprit la frappe de la monnaie et l'institution d'un système d'en
seignement généralisé. Il mit également en place un appareil judiciaire adapté
aux conditions particulières de la résistance. Il intensifia les échanges diplomat
iques et signa plusieurs conventions et traités » [2].
Ces rappels historiques semblent avoir pour fonction pédagogique, première
ment, de contrer le discours colonial consistant à nier l'existence d'un Etat algé
rien antérieur à l'arrivée des Français en Algérie [3] et, deuxièmement, d'ancrer
la nation algérienne dans le nationalisme sans lequel il ne peut y avoir d'Etat au
sens moderne du terme. Que signifie nation, sinon une communauté d'individus
soudés entre eux par de multiples liens historiques, culturels, métaphysiques,
d'intérêts et de destins communs ? Mais ces liens rattachant les différents fra
gments de la communauté en évolution vers la formation d'une nation moderne
pourraient se distendre ou se relâcher s'ils ne sont pas encadrés par une force
transcendante appelée l'Etat. Celui-ci n'est pas, contrairement aux allégations
coloniales, à créer ex nibilo, mais seulement à restaurer. De là, l'idée récurrente
que la souveraineté algérienne, attestée par l'Etat de l'émir, a toujours existé et
n'a été mise en sommeil que par l'épisode colonial qui s'est étalé de 1830 à 1962.
Rappeler les méfaits coloniaux en insistant sur la spécificité de l'identité algé
dans' l'esrienne, sur son caractère irréductible à celle de l'ex-colonisateur, c'est,
prit de la plupart des « théoriciens » du nationalisme algérien [4], réaffirmer
l'altérité de la nation et, par suite, sa volonté de relever les défis de l'histoire par
la « restauration de l'Etat algérien ». En effet, restaurer a été une thématique
essentielle des débats au sein des instances dirigeantes de la révolution algérienne ;
elle a été réaffirmée dans tous les textes qui l

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