La démocratie russe : de la spontanéité à l improvisation ? - article ; n°1 ; vol.69, pg 95-107
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La démocratie russe : de la spontanéité à l'improvisation ? - article ; n°1 ; vol.69, pg 95-107

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Description

Politique étrangère - Année 2004 - Volume 69 - Numéro 1 - Pages 95-107
Comment caractériser les transformations institutionnelles qui marquent la Russie depuis près de quinze ans ? De 1991 à 1996, le pays a vu émerger un régime de « démocratie immature » ou d'« infra-démocratie », fondé sur des élections libres, l'inscription de la séparation des pouvoirs dans la Constitution, la décentralisation et la liberté de la presse. Aux côtés de ces institutions nouvelles ont subsisté toutes celles qui n'ont connu que des changements mineurs ou se sont recomposées selon des logiques étrangères aux réformes des années 1990 ; il s'agit en particulier des « structures de force » — armée, police, services de renseignements — du système judiciaire et du système éducatif. En outre, le régime actuel se caractérise par des « institutions de transition » qui ont pour fonction de remplir des espaces sociopolitiques vacants : oligarques, « clans », etc. Mais la véritable lacune de la société russe, c'est l'absence d'un pouvoir consolidé, qui se traduit par une forte instabilité institutionnelle et une certaine opacité au plus haut niveau de l'État.
Russian Democracy From Spontaneity to Improvisation? by Alexei SALMIN This article examines the transformations which followed the collapse of the Soviet Union The author analyses the functioning of institutions and new developments within Russia the issues of alternative elections separation of powers decentralisa tion and pluralist media He at the same time looks at the transformations which the old institutions have undergone the institutions of the army the security services the judiciary education and research He also considers new phenomenons specific to highly bureaucratised Russian market economy the oligarchs the clans the teams privatised state areas of action and structures According to the author the Russian regime distinguishes itself from that of developed democracies not only through the existence of superfluous elements but also through the presence of institutional gaps which exist between the State and society as result of the lat- inability to organise itself politically and defend its interests
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Salmine
Svetlana Lomidzé
La démocratie russe : de la spontanéité à l'improvisation ?
In: Politique étrangère N°1 - 2004 - 69e année pp. 95-107.
Citer ce document / Cite this document :
Salmine, Lomidzé Svetlana. La démocratie russe : de la spontanéité à l'improvisation ?. In: Politique étrangère N°1 - 2004 - 69e
année pp. 95-107.
doi : 10.3406/polit.2004.1272
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_2004_num_69_1_1272Résumé
Comment caractériser les transformations institutionnelles qui marquent la Russie depuis près de
quinze ans ? De 1991 à 1996, le pays a vu émerger un régime de « démocratie immature » ou d'« infra-
démocratie », fondé sur des élections libres, l'inscription de la séparation des pouvoirs dans la
Constitution, la décentralisation et la liberté de la presse. Aux côtés de ces institutions nouvelles ont
subsisté toutes celles qui n'ont connu que des changements mineurs ou se sont recomposées selon
des logiques étrangères aux réformes des années 1990 ; il s'agit en particulier des « structures de force
» — armée, police, services de renseignements — du système judiciaire et du système éducatif. En
outre, le régime actuel se caractérise par des « institutions de transition » qui ont pour fonction de
remplir des espaces sociopolitiques vacants : oligarques, « clans », etc. Mais la véritable lacune de la
société russe, c'est l'absence d'un pouvoir consolidé, qui se traduit par une forte instabilité
institutionnelle et une certaine opacité au plus haut niveau de l'État.
Abstract
Russian Democracy From Spontaneity to Improvisation? by Alexei SALMIN This article examines the
transformations which followed the collapse of the Soviet Union The author analyses the functioning of
institutions and new developments within Russia the issues of alternative elections separation of powers
decentralisa tion and pluralist media He at the same time looks at the transformations which the old
institutions have undergone the institutions of the army the security services the judiciary education and
research He also considers new phenomenons specific to highly bureaucratised Russian market
economy the oligarchs the clans the teams privatised state areas of action and structures According to
the author the Russian regime distinguishes itself from that of developed democracies not only through
the existence of superfluous elements but also through the presence of institutional gaps which exist
between the State and society as result of the lat- inability to organise itself politically and defend its
interests:
POLITIQUE ÉTRANGÈRE 1/2004
La démocratie russe
Alexeï SALMINE de la spontanéité
à l'improvisation ?
Comment caractériser les transformations institutionnelles qui marquent la Russie
depuis près de quinze ans ? De 1991 à 1996, le pays a vu émerger un régime de
« démocratie immature » ou d'« infra-démocratie », fondé sur des élections libres,
l'inscription de la séparation des pouvoirs dans la Constitution, la décentralisa
tion et la liberté de la presse. Aux côtés de ces institutions nouvelles ont subsisté
toutes celles qui n'ont connu que des changements mineurs ou se sont recomposées
selon des logiques étrangères aux réformes des années 1990 ; il s'agit en particul
ier des « structures de force » — armée, police, services de renseignements — du sy
stème judiciaire et du système éducatif. En outre, le régime actuel se caractérise
par des « institutions de transition » qui ont pour fonction de remplir des espaces
sociopolitiques vacants : oligarques, « clans », etc. Mais la véritable lacune de la
société russe, c'est l'absence d'un pouvoir consolidé, qui se traduit par une forte
instabilité institutionnelle et une certaine opacité au plus haut niveau de l'État.
Politique étrangère
Les réformes menées depuis quinze ans en Russie y sont inéga
lement appréciées. Celles qui ont résulté, dès l'effondrement de
l'Union soviétique, de la désintégration, de l'isolement ou de la
paralysie des anciennes institutions sont jugées plus ou moins réus
sies ; celles, en revanche, qui visaient à créer des institutions nouvelles,
voire de nouveaux rapports sociaux, sont considérées comme des
échecs par la majorité de la population.
Depuis août 1991, volens nolens, les organes du pouvoir, à tous les
niveaux, participent activement à ce qui n'est pas une réforme mais une
décomposition. « Sauve qui peut et ôtez-vous du chemin ! » aurait pu
être le mot d'ordre de la société russe sous Boris Eltsine. On considé-
Alexeï Salmine est président du Russian Public Policy Center et professeur à l'Institut d'État des relations
internationales (MGIMO, Moscou). Traduction du russe Svetlana Lomidzé. 96 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
rait alors comme politiquement correct, sinon sage, de céder ce que
l'on ne pouvait conserver : propriété, souveraineté, contrôle de l'admi
nistration. Là où le pouvoir tentait, timidement ou résolument, de sau
ver, de défendre ou de bâtir, l'échec, un échec humiliant pour lui et
pour le pays, venait vite : quand il tentait de concevoir la Communauté
des États indépendants (CEI) comme un mécanisme d'intégration nou
veau, et pas seulement comme une procédure de divorce ; quand il ten
tait de retenir, par des voies acceptables, la Tchétchénie ; quand il
essayait de privatiser en douceur, de construire un système bancaire ou
de s'intégrer dans un système économique et de sécurité international
où la Russie aurait toute sa place.
Durant toutes ces années, la seule chose que le pouvoir ait sauvé...
c'est le pouvoir lui-même, à travers la « petite guerre civile » d'octobre
1993, l'adoption de la nouvelle Constitution en décembre de la même
année, les élections présidentielles en 1996, et la transmission du pou
voir en 1999-2000.
Échecs et mauvais calculs n'ont pas empêché le pouvoir de remplir,
lentement mais sûrement, les espaces non occupés ou mal exploités par
la société civile, les autorités locales1 ou le système des partis. Si chaque
mesure de renforcement du pouvoir central a été perçue négativement
par l'élite politique et la majorité de la population, l'image d'une autor
ité forte, hiérarchisée et centralisée, a bénéficié globalement d'une
appréciation positive2. Cette remarque permet de comprendre com
ment les citoyens russes ont surmonté le choc de 1993 et peuvent
maintenant, passivement et massivement, soutenir Vladimir Poutine.
Un véritable changement
Sans ergoter sur la terminologie, on peut dire que les années 1991-
1996 ont vu se former en Russie un régime de « démocratie immat
ure » ou d'« infra-démocratie ». À la base de sa légitimité se trouve la
volonté de donner ou de restituer aux citoyens les principaux droits
et libertés, et de mettre en place les institutions correspondantes.
1 . Selon la Constitution de la Fédération de Russie, « la gestion locale est autonome dans les limites de son
pouvoir. Les organes de la gestion locale n'entrent pas dans le système des organes du pouvoir d'État »
(P- 12).
2. À l'exception des séparatistes et d'une partie des autonomistes au tournant des années 1980-1990. À
la fin des années 1990, la position de la majorité d'entre eux se fait plus défensive qu'offensive. ;
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LA DÉMOCRATIE RUSSE : DE LA SPONTANÉITÉ À L'IMPROVISATION ? / 97
Les élections libres
La valeur des élections libres est certes amoindrie par certaines mani
pulations du comportement électoral, par l'impossibilité pour certains
candidats de faire campagne (absence de moyens financiers ou de
structures de partis) et par la méfiance des électeurs, fondée ou non,
vis-à-vis des résultats du scrutin. Mais cette méfiance est nettement
moins répandue aujourd'hui qu'en 1993, et le scepticisme des électeurs
ne débouche pas sur les protestations massives que Ton a connues
dans d'autres pays post-communistes. Le plus souvent, les manifesta
tions concernant les élections restent localisées au niveau de

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