La France dans le monde. 1979-2000 - article ; n°2 ; vol.65, pg 307-317

Stanley Hoffmann

Description

Politique étrangère - Année 2000 - Volume 65 - Numéro 2 - Pages 307-317
France in the World, 1979-2000, by Stanley Hoffmann When analysing the last twenty years of French foreign policy, Stanley Hoffmann emphasizes, first of ail, its great continuity, centred on two concerns: reaching a stable relationship with Germany; and combatting decline. But the world is changing. The collapse of the Communist bloc and the winding up of the Soviet Union in 1989-1991 caused a diplomatie earthquake. These are difficult times for France. She has to behave more modestly, and in particular more flexibly with the great American protector. Yet, without any continuity of her diplomacy, France has undergone a major transformation. Europe is now the great plan. The purely national chapter in her history is nearly over, or at least reaching its limits. Is the European chapter beginning?
Stanley Hoffmann, analysant les vingt dernières années de la politique étrangère française, insiste d'abord sur son extrême continuité, autour de deux préoccupations : parvenir à une relation stable avec l'Allemagne ; combattre le déclin. Mais le monde change. En 1989-1991, la chute du bloc communiste et la dissolution de l'Union soviétique constituent un tremblement de terre diplomatique. Les temps sont difficiles pour la France. Celle-ci doit se faire plus modeste et notamment plus souple avec le grand protecteur américain. Pourtant, sous la continuité de la diplomatie, la France s'est beaucoup transformée. L'Europe est désormais le grand projet. Le roman national touche sinon à sa fin, du moins à ses limites. Le roman européen commence-t-il ?
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 2000
• Nombre de lectures: 25
• Langue: Français

Extrait

Hoffmann
La France dans le monde. 1979-2000
In: Politique étrangère N°2 - 2000 - 65e année pp. 307-317.
Résumé
Stanley Hoffmann, analysant les vingt dernières années de la politique étrangère française, insiste d'abord sur son extrême
continuité, autour de deux préoccupations : parvenir à une relation stable avec l'Allemagne ; combattre le déclin. Mais le monde
change. En 1989-1991, la chute du bloc communiste et la dissolution de l'Union soviétique constituent un tremblement de terre
diplomatique. Les temps sont difficiles pour la France. Celle-ci doit se faire plus modeste et notamment plus souple avec le grand
protecteur américain. Pourtant, sous la continuité de la diplomatie, la France s'est beaucoup transformée. L'Europe est
désormais le grand projet. Le roman national touche sinon à sa fin, du moins à ses limites. Le roman européen commence-t-il ?
Abstract
France in the World, 1979-2000, by Stanley Hoffmann
When analysing the last twenty years of French foreign policy, Stanley Hoffmann emphasizes, first of ail, its great continuity,
centred on two concerns: reaching a stable relationship with Germany; and combatting decline. But the world is changing. The
collapse of the Communist bloc and the winding up of the Soviet Union in 1989-1991 caused a diplomatie earthquake. These are
difficult times for France. She has to behave more modestly, and in particular more flexibly with the great American protector. Yet,
without any continuity of her diplomacy, France has undergone a major transformation. Europe is now the great plan. The purely
national chapter in her history is nearly over, or at least reaching its limits. Is the European chapter beginning?
Citer ce document / Cite this document :
Hoffmann. La France dans le monde. 1979-2000. In: Politique étrangère N°2 - 2000 - 65e année pp. 307-317.
doi : 10.3406/polit.2000.4938
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_2000_num_65_2_4938POLITIQUE ÉTRANGÈRE 2/2000
La France dans le monde
Stanley HOFFMANN
1979-2000
Stanley Hoffmann, analysant les vingt dernières années de la politique étrangère
française, insiste d'abord sur son extrême continuité, autour de deux préoccupat
ions : parvenir à une relation stable avec l'Allemagne ; combattre le déclin. Mais
le monde change. En 1989-1991, la chute du bloc communiste et la dissolution
de l'Union soviétique constituent un tremblement de terre diplomatique. Les
temps sont difficiles pour la France. Celle-ci doit se faire plus modeste et notam
ment plus souple avec le grand protecteur américain. Pourtant, sous la continuité
de la diplomatie, la France s'est beaucoup transformée. L'Europe est désormais le
grand projet. Le roman national touche sinon à sa fin, du moins à ses limites. Le
roman européen commence-t-il ?
Politique étrangère
Depuis 1979, le monde a beaucoup changé, la politique étran
gère de la France, assez peu. Ce paradoxe exige une explica
tion. Après tout, une vaste partie de cette politique s'était
constituée en fonction de la guerre froide — il s'agissait à la fois de se
protéger de la menace soviétique (d'où l'Alliance atlantique, et aussi
l'intégration de l'Europe occidentale qui avait certes encore bien
d'autres motifs) et de chercher à desserrer Tétau de « Yalta ». La fin de
la guerre froide a entraîné de grands changements dans la diplomatie
de nombreuses puissances européennes ou présentes en Europe. Seule
« superpuissance » en lice, les Etats-Unis se sont tournés davantage
vers l'Asie, mais leur recherche d'un « nouvel ordre international » axé
sur la lutte contre les agresseurs, les terroristes et les violateurs des
droits de l'homme s'est trouvée entravée tant par l'ampleur de la tâche
que par leur propre réticence - après 50 ans en première ligne — à
continuer à porter un fardeau de moins en moins supportable pour
l'opinion publique. L'URSS s'est désintégrée, et la Russie, redevenue
Stanley Hoffmann est University Professor à l'université Harvard. 308 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
indépendante, s'est tournée vers l'Occident tout en manifestant à de
nombreuses reprises ses ressentiments issus de sa défaite dans la
guerre froide et de sa relative déchéance. L'Allemagne, sans modifier
ouvertement sa politique étrangère, a si profondément changé en tant
qu'État, du fait de sa réunification, qu'elle est en voie de laisser der
rière elle ce que beaucoup d'Allemands avaient appelé la phase « post
nationale », et de se retrouver nation pleine et entière. L'Angleterre,
non sans hésitations, s'est rapprochée d'une Union européenne à
laquelle elle appartenait formellement depuis 1974 mais que Margaret
Thatcher avait traitée avec une méfiance non dissimulée.
La continuité paradoxale de la diplomatie française
La fin de la guerre froide n'a pas révolutionné la diplomatie française.
La construction de l'Europe intégrée sous la direction du couple
franco -allemand s'est poursuivie avec vigueur depuis 1984, franchis
sant des étapes qui avaient commencé à se dessiner au début des
années 70. La politique de sécurité de la France a continué à chercher
à combiner volonté d'indépendance nucléaire, participation (sans inté
gration) à l'Alliance atlantique, et ambition de définir peu à peu une
politique étrangère et militaire commune pour l'Union européenne.
La volonté de présence mondiale a persisté, au Moyen-Orient et en
Afrique tout particulièrement. La France est restée, pour les États-
Unis, à la fois un partenaire et une source fréquente d'irritations
diplomatiques, commerciales et culturelles. Le changement le plus
frappant est, lui aussi, paradoxal : alors que la menace soviétique a di
sparu, l'OTAN s'est mise à jouer un rôle accru, à la fois par son éla
rgissement en Europe centrale et orientale, et par ses interventions
nullement défensives « hors zone » : contre l'Irak et la Serbie — avec la
participation de moins en moins réticente de la France.
Cette continuité est d'autant plus frappante que la politique menée par
les successeurs du général de Gaulle, fidèles dans l'ensemble, sinon
dans tous les détails, à l'esprit du Général, n'avait guère réussi à
atteindre ses principaux objectifs. D'une part, la politique de
« détente, entente et coopération », déjà durement éprouvée par
l'« incident de parcours » de Prague en 1968, avait certes été reprise
mais, dans les années 70, c'est la République fédérale qui mena le jeu
avec une vision très différente de la vision gaulliste, puisque cette LA FRANCE DANS LE MONDE 1979-2000 / 309
détente-ci commençait par la reconnaissance des deux blocs et se satis
faisait de l'amélioration des rapports entre eux. Et la nouvelle guerre
froide, consécutive à l'invasion soviétique de l'Afghanistan, culminant
avec la crise des SS-20 et des missiles de l'OTAN destinés à renforcer
la dissuasion, mit fin aux tentatives européennes pour gérer la détente.
Celle-ci finit, à la surprise générale, par triompher du fait de
Gorbatchev, et par entente directe entre lui et ses vis-à-vis américains :
ce n'était pas exactement le scénario français ! La réunification de
l'Allemagne ne se conforma pas non plus au scénario que de Gaulle
avait dessiné dans plusieurs conférences de presse : une fois encore, ce
fut la République fédérale qui joua le rôle central, avec l'appui des
États-Unis.
La présence globale de la France, éclatante sous de Gaulle, s'estompa
peu à peu après lui. Dans le conflit israélo-arabe, la France et l'Europe
occidentale n'eurent guère d'autres recours que des déclarations et
lamentations, par exemple au moment de l'invasion du Liban par
Israël. L'influence française en Afrique francophone, sous Giscard et
Mitterrand, dépendait de plus en plus du maintien de réseaux personn
els entre l'Elysée et des hommes d'État africains dont les régimes
étaient fort peu conformes aux idéaux proclamés par la France.
Tout cela semblait rendre pressante une révision déchirante et dras
tique, surtout après le tremblement de terre diplo