La science et le laboratoire. Place de l expérimentation dans la genèse de la psychologie américaine - article ; n°29 ; vol.8, pg 123-140
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La science et le laboratoire. Place de l'expérimentation dans la genèse de la psychologie américaine - article ; n°29 ; vol.8, pg 123-140

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Description

Politix - Année 1995 - Volume 8 - Numéro 29 - Pages 123-140
La science et le laboratoire. Place de l'expérimentation dans la genèse de la psychologie américaine.
Geneviève Paicheler [123-140].
En interrogeant la place de l'expérimentation dans l'émergence de la psychologie nord-américaine à la fin du XIXe siècle, notre but est de mettre en évidence la fonction rhétorique de cette forme d'instrumentation. L'existence d'une science véritable se fonde sur celle de laboratoires, d'instruments de mesure et d'expériences, censés illustrer le renouveau épistémologique opéré par la «nouvelle psychologie». L'analyse des carrières des précurseurs et leur façon d'utiliser, puis d'abandonner l'expérimentation, confirme que cette méthode se développe en premier lieu dans un but de légitimation universitaire et sociale de la psychologie.
Science and the laboratory. The place of experimentation In the genesis of American psychology.
Geneviève Paicheler [123-140].
The questionning of the place of experimentation in the emergence of North-American psychology at the end of the XIXth century is aimed to shed light on the rhetorical function of this form of instrumentation. The existence of a genuine science is based on the existence of laboratories, measure instruments and experiments, all supposed to illustrate the epistemological renewal done by the «new psychology». The analysis of the careers of the precursors and the way they used, and then gave up, experimentation, brings confirmation to the fact that this method evolved first in the aim of academic and social legitimation of psychology.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Geneviève Paicheler
La science et le laboratoire. Place de l'expérimentation dans la
genèse de la psychologie américaine
In: Politix. Vol. 8, N°29. Premier trimestre 1995. pp. 123-140.
Résumé
La science et le laboratoire. Place de l'expérimentation dans la genèse de la psychologie américaine.
Geneviève Paicheler [123-140].
En interrogeant la place de l'expérimentation dans l'émergence de la psychologie nord-américaine à la fin du XIXe siècle, notre
but est de mettre en évidence la fonction rhétorique de cette forme d'instrumentation. L'existence d'une science véritable se
fonde sur celle de laboratoires, d'instruments de mesure et d'expériences, censés illustrer le renouveau épistémologique opéré
par la «nouvelle psychologie». L'analyse des carrières des précurseurs et leur façon d'utiliser, puis d'abandonner
l'expérimentation, confirme que cette méthode se développe en premier lieu dans un but de légitimation universitaire et sociale
de la psychologie.
Abstract
Science and the laboratory. The place of experimentation In the genesis of American psychology.
Geneviève Paicheler [123-140].
The questionning of the place of experimentation in the emergence of North-American psychology at the end of the XIXth century
is aimed to shed light on the rhetorical function of this form of instrumentation. The existence of a genuine science is based on
the existence of laboratories, measure instruments and experiments, all supposed to illustrate the epistemological renewal done
by the «new psychology». The analysis of the careers of the precursors and the way they used, and then gave up,
experimentation, brings confirmation to the fact that this method evolved first in the aim of academic and social legitimation of
psychology.
Citer ce document / Cite this document :
Paicheler Geneviève. La science et le laboratoire. Place de l'expérimentation dans la genèse de la psychologie américaine. In:
Politix. Vol. 8, N°29. Premier trimestre 1995. pp. 123-140.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1995_num_8_29_1904La science et le laboratoire
Place de l'expérimentation dans la genèse
de la psychologie américaine
Geneviève Paicheler
Centre de recherche Médecine, maladie et sciences sociales
LA PSYCHOLOGIE est la seule science humaine qui fait de
l'expérimentation une méthode centrale. La fonction de cette démarche
devrait être l'administration de la preuve. Créer des conditions
contrôlées, comparer, quantifier, tels sont les objectifs poursuivis.
Pourtant, les données recueillies n'ont pas de caractère cumulatif. Chaque
nouveau paradigme fait table rase des apports précédents. Bien plus, ce
champ compte un certain nombre de fraudes expérimentales célèbres1. Quelle
est alors la fonction de l'utilisation de cet instrument ? C'est cette question qui
sera abordée ici dans une perspective socio-historique.
Nouvelle biologie et nouvelle psychologie :
deux sciences en marche
Un des enjeux fondamentaux dans l'émergence de la psychologie nord-
américaine est sa distinction des sciences de l'homme et de la société et son
inclusion dans le champ des de la matière et de la vie. Au départ,
cette inclusion est surtout rhétorique : les psychologues présentent leur dis
cipline comme une science véritable, se référant à la chimie, la physique et la
mécanique. Si celles-ci ont résolu les problèmes de maîtrise de la matière,
celle-là résoudra les problèmes de maîtrise de la vie et de l'être humain, part
rebelle d'une société en marche vers un avenir radieux. Pour que cette
revendication de reconnaissance sociale apparaisse comme légitime, il fallait
en démontrer la crédibilité. Celle-ci s'appuyait sur ces deux instruments que
sont le laboratoire et l'expérimentation, garants de la scientifïcité.
De fait, si les disciplines de référence sont ces sciences dures — physique et
chimie — dont nul ne saurait nier la crédibilité, la psychologie est plus proche
d'un champ lui-même en cours de constitution et en quête de légitimité : la
biologie. La compréhension du vivant et celle de l'être humain ne sauraient
que progresser ensemble. C'est d'ailleurs ce qui se produit : les implantations
universitaires des deux disciplines sont parallèles : même rythme, mêmes uni-
1. Des exemples récents sont retracés par W. Broad et N. Wade (La souris truquée. Enquête sur la
fraude scientifique , Paris, Seuil, 1987), de plus anciens sont évoqués par S. J. Gould (La mal-mesure
de l'homme, Paris, Ramsay, 1983)- II en existe d'autres, tel le scandale de la falsification de
recherche de McDougall dénoncé au Congrès international de psychologie de Yale en 1929,
cf. Paicheler (G.), L'invention de la psychologie moderne, Paris, L'Harmattan, 1992.
Politix, n°29, 1995, pages 123 à 140 123 Geneviève Paicheler
versités1. Plus qu'une proximité des disciplines, nous pouvons noter un
rapprochement des hommes au sein de réseaux étroits, influents, dont l'un des
exemples les plus marquants est le mouvement eugéniste. Les filiations in
tellectuelles sont les mêmes. Le naturaliste d'origine suisse Louis Agassiz forme
toute la première génération des biologistes, comme il forme William James,
pionnier de la psychologie. Durant les décennies du tournant du siècle,
psychologues et biologistes suivent les enseignements des zoologistes, des
physiologistes et des neurologistes. C'est un précurseur de la psychologie,
Granville Stanley Hall (1844-1924), qui attire à la fin du XIXe siècle à
l'université Clark, dont il est le président, un aréopage de jeunes et brillants
chercheurs de ces disciplines.
Les dénominations se recouvrent : les uns se réclament de la nouvelle psy
chologie, les autres de la nouvelle biologie. Les deux disciplines participent de
la même évolution. Une génération de chercheurs se lance dans
l'étude de la biologie et de la psychologie en inaugurant l'utilisation de
méthodes expérimentales. Elle entame une carrière scientifique alors que
l'expansion de l'enseignement supérieur américain entraîne la croissance du
nombre de postes, d'enseignements spécialisés et de laboratoires facilitant la
poursuite des recherches. Les visées scientifiques sont parallèles, allant de la
description des processus de la vie biologique ou psychique à la maîtrise de
l'évolution de ces formes vitales. Cette similitude n'est pas seulement
revendiquée du côté des psychologues. Les biologistes se réclament également
de leur proximité à la psychologie. Sur l'idée de l'amélioration de l'espèce,
voire des races humaines, psychologues et se rencontrent à la fois
sur le terrain du lamarckisme, prônant l'hérédité des caractères acquis, sur
celui du transformisme de Darwin et sur celui de l'eugénisme de Galton. La
psychologie nord-américaine est liée à la biologie par un ensemble de
concepts fondateurs — adaptation, hérédité — qui donne aux uns et aux autres
le sentiment de tenir un langage commun. La psychologie prend rang de
science dès lors que les êtres humains sont inclus dans l'unité et la continuité
des processus naturels, selon le principe fondamental de Darwin.
La question de la définition de la science se trouve au cœur de notre pro
blématique. Je prendrai comme point de départ cette affirmation de P.
Bourdieu : «la science n'a d'autre fondement que la croyance collective dans
ses fondements que produit et suppose le fonctionnement même du champ
scientifique»2. Le critère fondamental de validité retenu ici est donc celui de
l'existence sociale d'une discipline reconnue comme science par la
communauté de ceux qui la pratiquent, par les institutions universitaires, et par
la société. En dehors des moments critiques de rupture épistémologique ou
paradigmatique, qui génèrent de nouveaux équilibres sociaux autour de
nouvelles définitions de la science, l'activité scientifique routinière s'identifie à
l'ensemble des pratiques d'une communauté unie par des consensus
théoriques et méthodologiques et par une vision commune du monde, comme
nous l'apprend Kuhn3. Pour délimiter son territoire, la psychologie nord-
américaine, à l'inverse des psychologies européennes, disposait d'un atout
1

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