Le Problème de la main-d œuvre dans l Ouest Africain français - article ; n°3 ; vol.1, pg 37-47
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Le Problème de la main-d'œuvre dans l'Ouest Africain français - article ; n°3 ; vol.1, pg 37-47

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Description

Politique étrangère - Année 1936 - Volume 1 - Numéro 3 - Pages 37-47
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1936
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

Henri Labouret
Le Problème de la main-d'œuvre dans l'Ouest Africain français
In: Politique étrangère N°3 - 1936 - 1e année pp. 37-47.
Citer ce document / Cite this document :
Labouret Henri. Le Problème de la main-d'œuvre dans l'Ouest Africain français. In: Politique étrangère N°3 - 1936 - 1e année
pp. 37-47.
doi : 10.3406/polit.1936.6313
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1936_num_1_3_6313— 37
LE PROBLÈME DE LA MAIN-D'ŒUVRE
DANS L'OUEST-AFRICAIN FRANÇAIS^
La « mise en valeur » des régions intertropicales pose le problème délicat
et complexe de la main-d'œuvre sur lequel bien peu d'informations exactes
ont été recueillies jusqu'à présent. On a voulu le rattacher, d'une manière
empirique, à l'épineuse question du travail obligatoire ou forcé et l'on a
raisonné sur des données purement imaginaires qui ont faussé parfois tous
les éléments de discussion.
Le salariat.
Empruntant des traits périmés pour esquisser la silhouette morale et
sociale du Nègre actuel, certains n'ont pas hésité à le présenter comme une
brute sauvage, dépourvue d'intelligence, de prévoyance, incapable d'ef
forts soutenus et réguliers ; par suite vouée au travail forcé, régénérateur et
en même temps éducateur. Vivant, assure-t-on, dans une collectivité étroite,
sous un régime très semblable au communisme, n'ayant point encore le
sentiment de la propriété personnelle, il serait en outre réfractaire au
salariat.
Certes, le Noir africain a beaucoup de défauts, mais il possède égal
ement certaines qualités. Son portrait conventionnel est d'ordinaire trop
poussé au sombre. Habitant une région, tantôt brûlée par un soleil ardent
qui dessèche la terre et empêche qu'on la cultive, tantôt inondée par des
pluies massives, le paysan africain a été obligé de plier ses activités au
cycle impérieux du calendrier saisonnier. L'année solaire tropicale lui
concède, suivant les régions, de 60 à 90 jours de travail utile pour préparer
le sol, l'ensemencer et récolter tout ce qui est nécessaire à sa subsistance
jusqu'à la prochaine époque favorable. Dans l'intervalle . il s'adonne à
(1) Communication faite le 22 avril 1936 au Groupe de la Réorganisation économique
internationale par M. Henri Labouret, Gouverneur honoraire des Colonies, Directeur
de l'Institut International des Langues et Civilisations africaines. -. 38 — .
d'autres occupations, pratique les industries d'acquisition et de protec
tion qui sont indispensables, poursuit une vie de relations parfois comp
lexes, se livre enfin à des échanges profitables et agit, en un mot, comme
les autres hommes dans toutes les sociétés.
Loin d'être réfractaire au salariat sous toutes ses formes, le Nègre ouest-
africain y est au contraire préparé par une organisation familiale bien
connue dans d'autres continents, mais encore peu étudiée dans la région
qui nous occupe. Il ne convient pas d'affirmer, sans preuves, après quelques
observations superficielles, que les populations de ces contrées vivent sous
un régime communautaire ou semi-communautaire. La forme la plus ordi
naire d'association est, en effet, celle de la famille agnatique dont les memb
res, groupés autour du plus âgé, cultivent il est vrai un bien commun
venu des ancêtres, mais exploitent aussi, de façon indépendante, des champs
de ménage et des champs individuels possédés par des hommes, par des
femmes et même par des enfants. Si le patrimoine, proprement dit, est géré
par le patriarche assisté des anciens, chaque membre de la famille jouit
du produit de son travail sur le lopin de terre qui lui est réservé. Il se cons
titue ainsi un pécule qui s'augmente des profits résultant de l'échange ou
du louage de services, du petit négoce, etc.. Cette situation est comparable
en tous points à celle qu'ont connue toutes les contrées européennes depuis
le moyen âge jusqu'au XIXe siècle. L'organisation de la famille agnatique
africaine ne diffère pas de celle de la communauté tacite ou tatsible si bien
mise en lumière par Guy Coquille dans les Coutumes du Nivernais. Son
fonctionnement est pareil à celui de la Zadruga qui existe encore en Vieille-
Serbie. Cette institution, partout identique sous des étiquettes différentes,
porte en elle un germe destructeur, le pécule individuel, qui s'oppose au
patrimoine commun et contribue à désagréger un bloc familial, très cohé
rent à l'origine.
Parmi les populations de l'Europe Occidentale et Centrale, la commun
auté taisible, fortement constituée, au début, sous la triple nécessité de se
défendre, de produire et de consommer dans les meilleures conditions, a
commencé à évoluer à partir du moment où la sécurité s'est imposée par
tout. Les changements se sont précipités, sous l'action d'une économie
sans cesse améliorée par des échanges de plus en plus lointains.
Les mêmes phénomènes se déroulent sous nos yeux, à une cadence
accélérée, en Afrique Occidentale. Les diverses Puissances colonisatrices
ont mis un terme aux conflits incessants qui opposaient les tribus, les
fractions de tribus et les groupements territoriaux. Elles ont institué et
maintenu dans le pays une paix européenne, De ce fait, la protection que
1 individu cherchait autrefois au sein de la famille agnatique est devenue 39
moins nécessaire. En même temps, se transformaient les données an
ciennes de la production et de la consommation ; le bloc agnatique se
dissociait en ménages, pouvant désormais assurer leur existence sans le
secours d'une collectivité plus étendue. Il est certain que l'institution
ancienne du pécule a contribué à précipiter cette évolution, comme elle l'a
fait ailleurs, en particulier à l'égard de la Zadruga chez les Slaves du Sud.
Les Nègres d'aujourd'hui sont donc passés, en une cinquantaine d'an
nées, de l'économie villageoise et familiale fermée, de caractère commun
autaire ou semi-communautaire, au stade du ménage et de l'individualisme
marqué par le pécule de plus en plus développé ; ils sont donc préparés à
certaines formes de salariat, pourvu que celles-ci tiennent compte de leurs
besoins et de leurs aspirations. Rien ne traduit mieux cette situation nouv
elle que les migrations saisonnières qui poussent vers les colonies côtières
de très nombreux indigènes de l'intérieur.
La migration occidentale.
Les traditions indigènes, les relations de voyage sur la côte occident
ale d'Afrique depuis le XVIe siècle, sont d'accord pour affirmer que, depuis
très longtemps, l'agriculteur du Soudan Occidental a pris l'habitude de
chercher au bord de la mer des marchés nouveaux. Cette forme d'expan
sion est nettement marquée sur les cartes ethniques. En les consultant,
il est aisé de constater que les gens de l'intérieur ont exercé une pression,
toujours plus accentuée, sur les habitants du littoral et des contrées voi
sines qu'ils ont à peu près évincés des provinces fertiles. C'est le cas des
Malinké de l'Ouest établis dans la vallée de la Gambie, des Sousou, ayant
contourné les massifs du Fouta-D jalon, à la recherche de voies d'accès
vers l'Atlantique, des Kouranko, des Kono, des Mendé et des Vaï qui,
dans leur course à la mer, ont complètement isolé le bloc des Kissiens
apparentés aux populations côtières au milieu desquelles ils vivaient avant
le refoulement.
Ces migrations, qui ont laissé derrière elles quelques groupes « t
émoins », ont continué jusqu'à notre époque. Mais, dans l'économie actuelle,
leur forme s'est modifiée ; elles se traduisent désormais par l'afflux annuel
d'ouvriers agricoles, originaires des provinces du Soudan Occidental et
de la Haute-Guinée, qui viennent s'engager au Sénégal et en Gambie pour
la campagne des arachides. On les appelle communément navétanes,
terme dérivé du mot ouolof navet, signifiant hivernage. Les statistiques
officielles admettent que 60 à 70.000 saisonniers quittent leur pays, au — — 40
début de la saison des

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