Le Sud-Est asiatique - article ; n°5 ; vol.37, pg 595-608

Traub

Description

Politique étrangère - Année 1972 - Volume 37 - Numéro 5 - Pages 595-608
La détente en Asie du Sud-Est s'accompagne d'une lutte d'influences politiques des trois Grands. L'avenir économique du Japon dépend d'autre part en grande partie de la pénétration coordonnée des marchés du Sud-Est asiatique. L'A.S.E.A.N. a été créée pour résister aux risques d'une domination politique ou économique étrangère ; pour faire respecter la neutralité et l'indépendance de cette zone, ce qui ne pourra d'ailleurs se faire sans aide multinationale. La France n'est pas présente géographiquement, mais elle est prête à apporter son aide technique et culturelle et à s'intéresser au développement économique du Sud-Est asiatique.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1972
• Nombre de lectures: 80
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

- Traub
Le Sud-Est asiatique
In: Politique étrangère N°5 - 1972 - 37e année pp. 595-608.
Résumé
La détente en Asie du Sud-Est s'accompagne d'une lutte d'influences politiques des trois Grands. L'avenir économique du Japon
dépend d'autre part en grande partie de la pénétration coordonnée des marchés du Sud-Est asiatique. L'A.S.E.A.N. a été créée
pour résister aux risques d'une domination politique ou économique étrangère ; pour faire respecter la neutralité et
l'indépendance de cette zone, ce qui ne pourra d'ailleurs se faire sans aide multinationale.
La France n'est pas présente géographiquement, mais elle est prête à apporter son aide technique et culturelle et à s'intéresser
au développement économique du Sud-Est asiatique.
Citer ce document / Cite this document :
Traub -. Le Sud-Est asiatique. In: Politique étrangère N°5 - 1972 - 37e année pp. 595-608.
doi : 10.3406/polit.1972.1885
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1972_num_37_5_1885LE SUD-EST ASIATIQUE
par l'Amiral TRAUB
La détente en Asie du Sud-Est s'accompagne d'une lutte d'in
fluences politiques des trois Grands. L'avenir économique du Japon
dépend d'autre part en grande partie de la pénétration coordonnée
des marchés du Sud-Est asiatique. L'A.S.E.A.N. a été créée pour
résister aux risques d'une domination politique ou économique
étrangère ; pour faire respecter la neutralité et l'indépendance de
cette zone, ce qui ne pourra d'ailleurs se faire sans aide multi
nationale.
La France n'est pas présente géographiquement, mais elle est
prête à apporter son aide technique et culturelle et à s'intéresser au
développement économique du Sud-Est asiatique.
A la fin de la guerre 1939-45, les Etats-Unis occupaient une posi
tion exceptionnellement prépondérante dans le Sud-Est asiatique. Les
anciennes puissances coloniales en étaient exclues ou menaient un
combat d'arrière-garde. L'URSS se concentrait sur l'Europe, la
Chine était absorbée par la guerre civile, le Japon subissait les
conséquences de sa défaite.
La situation se présente très différemment aujourd'hui.
Après des années de conflits, de tensions, d'oppositions, nous
assistons en Asie de l'Est à une détente et à des tentatiyes de réconcil
iation assorties d'une recherche de l'expansion diplomatique et
économique.
Les Etats-Unis procèdent à un désengagement militaire progressif
et à un rapprochement avec la Chine et la Russie. Le Président
Nixon est allé à Pékin et à Moscou. Les rapports des Etats-Unis et
de l'URSS, des Etats-Unis et de la Chine, de la Chine et du Japon
sont en cours de normalisation. Le Premier Ministre japonais a été
reçu à Pékin. L'URSS et la Chine suivront probablement la même
voie, en dépit des violentes attaques auxquelles se livrent encore
leurs presses. 596 TRAUB
Cette situation entraînera à certains égards une neutralisation des
trois Grands dans la mesure, mais dans la mesure seulement où leur
comportement ne pourra s'exercer qu'à l'intérieur de certaines limi
tes (pas d'intervention militaire à l'extérieur qui pourrait entraîner
l'intervention militaire d'un des autres). Cette neutralisation « mili
taire » n'implique pas la renonciation à la lutte d'influences politiques
ni à la compétition économique qui, elles, vont s'amplifiant. Je cite
rai, par exemple, l'intense activité que déploient actuellement les
Russes auprès des Japonais d'une part, des Américains d'autre part,
pour préparer la mise en exploitation des ressources naturelles, spé
cialement pétroliferes, de la Sibérie et du plateau continental au nord
de Sakhaline ; celle des Japonais et des Américains pour l'équip
ement industriel de la Chine ; le développement des échanges com
merciaux entre le Japon et la Chine qui, de 900 millions de dollars
par an pourraient passer à 2 ou même à 5 milliards d'ici cinq ans
suivant des estimations japonaises différentes, et dans l'avenir, l'e
xploitation des fonds marins qui, entre le Japon et Formose, pourr
aient, d'après l'O.N.U., « receler l'un des plus vastes réservoirs de
pétrole et de gaz du monde, comparable, peut-être, à ceux du golfe
Persique ».
Les accords et désaccords qui couronneront l'ensemble de ces
tractations auront leur répercussion sur le Sud-Est asiatique et pour
ront amener telle ou telle puissance à y accroître ses efforts. D'ores
et déjà, les concessions pétroliferes off-shore y sont âprement dispu
tées.
Dès maintenant, les Etats-Unis tiennent à y conserver leurs posi
tions, voire même à les renforcer, leur puissance financière repré
sentant un atout capital ; la moitié en valeur des investissements
étrangers en Indonésie sont américains.
L'URSS cherche à y assurer sa présence, comme partout ailleurs
dans le monde. Mais certains l'accusent aussi d'y conduire une poli
tique d'encerclement de la Chine.
Nous avons connu cette politique dite « d'encerclement ». Ses
résultats ne sont pas probants. Avant la guerre de 1939, la France
l'a menée contre l'Allemagne ; après la guerre, les Etats-Unis l'ont
reprise contre la Russie, puis contre la Chine. L'URSS la lance-t-elle ASIATIQUE 597 SUD-EST
à son tour contre la Chine ? Elle intervient en Inde, au. Bengla-Desh,
au Nord- Vietnam. Ses navires de guerre croisent dans l'océan In
dien, elle pousse ses pions en Asie du Sud-Est. Le Premier Ministre
de Malaisie, M. Aboul Razak, a fait une visite officielle en URSS
au début d'octobre. C'était la première fois depuis l'établissement de
relations diplomatiques entre les deux pays en 1967. Le Premier
Ministre de Singapour s'est déjà rendu en URSS en 1970 ; la même
année, un accord commercial a été passé avec la Thaïlande. En 1971,
une mission technique soviétique se rendit pour la première fois
depuis cinq ans en Indonésie. En mars 1972, Mme Marcos, femme
du chef de l'Etat philippin, était reçue au Kremlin par M. Kossy-
guine.
L'URSS tient probablement à contenir la Chine, mais je croirais
surtout à sa volonté de présence universelle et en particulier là où
s'affrontent des intérêts américains, chinois et japonais, et là cette
volonté est manifeste.
La Chine est entrée à l'O.N.U. et au Conseil de Sécurité. Elle
a renoué avec le Japon. Depuis le début de 1971, elle a lancé une
véritable offensive diplomatique dans le monde entier, y compris le
Sud-Est asiatique. Mais cette offensive n'a pas touché l'Indonésie ;
Pékin attendant un geste de Djakarta, tandis que Djakarta estime
que le premier pas revient à Pékin, et elle n'a pas encore abouti
dans les autres Etats de l'A.S.E.A.N. (1) qui ne veulent pas se déso
lidariser de l'Indonésie et se posent des questions sur l'attitude de la
Chine à leur égard.
La Chine soutient en effet dans ces Etats des mouvements de
subversion d'étiquette « maoïste ». Vise-t-elle ainsi à fomenter les
rébellions qui renverseraient les structures actuelles et instaureraient
des régimes communistes d'obédience chinoise ? Se considère-t-elle
vis-à-vis du monde et des partis communistes, comme tenue d'apport
er une aide à ces rebelles qui se réclament de son idéologie, mais
sans en être elle-même ni l'instigatrice ni la manipulatrice et n'hési
tant pas éventuellement à les sacrifier à ses intérêts nationaux ?
Quoique la première hypothèse puisse être l'objectif à long terme
de la Chine, cette dernière semblerait mieux cadrer que la première
(1) A.S.E.A.N. : Association des Nations du Sud-Est asiatique, fondée en 1967.
Se compose actuellement de l'Indonésie, la Malaysia, les Philippines, Singapour et
la Thaïlande. TRAUB 598
dans sa ligne politique actuelle. Si elle s'avérait juste, les réticences
des pays du Sud-Est asiatique devant l'établissement ou le rétabliss
ement de relations diplomatiques avec la Chine pourraient se dissiper.
De toute façon, la menace des mouvements de subversion est en
fonction invers