Les Etats-Unis face au défi de l'énergie - article ; n°5 ; vol.42, pg 487-516

Guy Decarmoy

Description

Politique étrangère - Année 1977 - Volume 42 - Numéro 5 - Pages 487-516
30 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1977
• Nombre de lectures: 10
• Langue: Français
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Extrait

Guy De Carmoy
Les Etats-Unis face au défi de l'énergie
In: Politique étrangère N°5 - 1977 - 42e année pp. 487-516.
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De Carmoy Guy. Les Etats-Unis face au défi de l'énergie. In: Politique étrangère N°5 - 1977 - 42e année pp. 487-516.
doi : 10.3406/polit.1977.1654
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1977_num_42_5_1654LES ETATS-UNIS
FACE AU DÉFI DE L'ÉNERGIE
par Guy de CARMOY
L'énergie, que la technologie américaine a su maîtriser sous toutes
ses formes, qu'elle produit et consomme en quantités inégalées, pourr
ait devenir le talon d'Achille de la puissance des Etats-Unis.
Cette assertion peut surprendre. Le but du présent article est d'en
apporter la démonstration en considérant successivement les données
internes et les données internationales du problème énergétique amér
icain.
L'énergie est le nerf de la société industrielle. Elle substitue le
travail de la matière au travail de l'homme. Le développement in
dustriel et la croissance des revenus sont liés à l'utilisation en quant
ités toujours plus grandes de sources et de formes d'énergie qui pour
la plupart sont fossiles, c'est-à-dire consommées par le premier
usage.
La quantité d'énergies fossiles disponibles, son coût, sa localisation
et la maîtrise des technologies d'extraction, de traitement et d'ach
eminement pour la mise à la disposition des utilisateurs sont des fac
teurs de puissance et de richesse dont on mesure l'importance lorsque
des pénuries locales apparaissent ou que des pénuries globales sont
prévisibles à terme.
Les Etats-Unis ont une économie gaspilleuse d'énergie, s'avèrent
incapables d'optimiser l'exploitation de leurs ressources propres et
se trouvent placés dans une situation de dépendance croissante à
l'égard des approvisionnements extérieurs en pétrole. Cette situation GUY DE CARMOY 488
de dépendance, que l'Europe Occidentale et le Japon connaissent
à un plus fort degré, se double d'une perspective d'insuffisance de
l'offre de pétrole par rapport à la demande mondiale d'ici dix à
vingt ans et menace tout le système de la « république impériale ».
Pour cerner les relations de la puissance américaine avec la
contrainte de l'énergie, il faut examiner tout d'abord l'équilibre des
besoins et des ressources des Etats-Unis puis analyser les politiques
mises en œuvre depuis que les sont devenus importateurs
nets d'énergie, enfin étudier la position des Etats-Unis dans la
géostratégie de l'énergie.
I. — L'EQUILIBRE DES BESOINS ET DES RESSOURCES
La consommation
La d'énergie aux Etats-Unis est colossale. Elle
croît à un rythme exponentiel. Il en résulte une dépendance exté
rieure accrue.
Avec 6 % de la population mondiale, les Etats-Unis consomment
31 % de l'énergie produite dans le monde. La consommation par
tête est 2,7 fois plus élevée que dans la Communauté Européenne,
3 fois plus élevée qu'au Japon. En 1974, la totale
d'énergie aux Etats-Unis atteignait 1 713,7 mtep (tonnes d'équiva
lent pétrole) soit la moitié de la consommation totale d'énergie
des pays de l'O.C.D.E. Au cours des vingt dernières années, la crois
sance de la consommation d'énergie était de 3,6 % par an.
La dépendance extérieure globale était de 5 % en 1960. Elle
atteignait 16,3 % en 1974. Elle était bien moindre que celle de
l'Europe O.C.D.E. (64,9 %) et que celle du Japon (95,3 %). Cepen
dant les quantités importées étaient déjà considérables : 279,6 m tep
contre 752,7 m tep pour l'Europe et 319,0 m tep pour le Japon (1).
Les trois zones importaient essentiellement du pétrole, auquel s'ajou
taient un peu de charbon pour l'Europe et le Japon, un peu de gaz
naturel pour les Etats-Unis.
(1) Perspectives énergétiques mondiales, O.C.D.E., Paris, 1977, tableaux A 3,
A 4 et A 6. ET ÉNERGIE 489 U.S.A.
La consommation d'énergie primaire se répartit à peu près par
quart entre le secteur domestique et commercial, le secteur électri
que, et les transports. Le taux — beaucoup plus élevé qu'en Europe
— dans le secteur des transports résulte de l'utilisation intensive
d'automobiles et d'avions à travers un immense territoire, du déclin
prononcé des transports ferroviaires et de la difficulté d'adapter le
système des en commun à la dispersion des habitations
dans les banlieues des villes.
Le prix de l'essence est beaucoup moins élevé qu'en Europe, la
taxation plus faible et la consommation de carburant par kilomètre
passager beaucoup plus élevée. Une étude comparative sur l'utilisa
tion de l'énergie aux Etats-Unis et en Suède fait apparaître que les
Suédois consomment par tête moins des deux tiers de l'énergie dé
pensée aux Etats-Unis pour un même niveau de vie (2).
Les réserves
L'écart entre la production et la consommation n'est pas dû essen
tiellement, comme en Europe et au Japon, au manque de réserves
de combustibles fossiles. Les Etats-Unis détiennent 6,1 % des ré
serves mondiales de pétrole, 11,1 % de celles de gaz naturel, 32 %
de celles de charbon. En ce qui concerne l'uranium, les Etats-Unis
totalisent 29 % des réserves du monde libre (3). Aux réserves recens
ées s'ajoutent d'importantes réserves potentielles, notamment de
pétrole et de gaz au large des côtes, exploitables aux conditions
technologiques et économiques actuelles, et les schistes bitumeux
dans plusieurs Etats proches des Montagnes Rocheuses qui ne sont
pas exploitables aux mêmes conditions.
Le pétrole
La demande de pétrole destinée principalement aux transports a
augmenté plus rapidement que la demande globale d'énergie et les
importations représentaient 37 % de la consommation en 1974
pour une valeur de $ 27 milliards.
(2) Lee Schipper and Allan L. Lichtenberg, Efficient Energy Use and Well-
being : The Swedish Example, Science, 3 December 1976, vol. 194, n° 4269,
p. 1001.
(3) National Energy Outlook, Federal Energy Administration, Washington
D.C., 1976, p. 16. 490 GUY DE CARMOY
La production, en légère diminution par rapport à 1 970, a atteint
10,4 mbj (millions barils jour en 1974). Selon l'O.C.D.E., elle pourr
ait atteindre 11,6 mbj (millions de barils jour) en 1985 malgré la
diminution de rendement escomptée des puits actuellement en exploi
tation et grâce à une meilleure récupération et à la production atten
due de l'Alaska et de nouvelles concessions que l'administration
pourrait accorder dans le golfe du Mexique. Ce supplément de pro
duction est très inférieur à l'augmentation prévisible de la consom
mation qui dans le « cas de référence » de l'O.C.D.E., atteindrait
21,0 mbj, les importations nettes passant de 5,8 mbj à 9,7 mbj soit
45 % de la consommation.
Le gaz naturel
La demande de gaz naturel, destinée aux besoins autres que ceux
des transports, a augmenté elle aussi plus rapidement que la demande
globale pendant les années soixante. La production a culminé en
1973. Les importations représentent en 1974 3,7 % de la consom
mation. Selon l'O.C.D.E., la production tendrait à diminuer lég
èrement en 1985 malgré l'apport de l'Alaska et des gisements off
shore de sorte que les importations nettes représenteraient en 1985
8 % de la consommation.
Le charbon
La production de charbon s'est graduellement déplacée des Appa-
laches à l'Est vers les Etats à l'Ouest du Mississipi. Les réserves de
l'Est ont une teneur élevée en soufre, celles de l'Ouest, pauvres en
soufre, sont à ciel ouvert de sorte que des contraintes écologiques
différentes jouent dans les deux cas. Le débouché principal est la
production d'électricité, à concurrence de 70 % de l'extraction de
charbon en 1974. La production est restée stationnaire depuis 1970.
Le charbon à haute teneur de soufre est proche des centres indust
riels, mais les moyens de récupération du soufre sont très coûteux.
Le délabrement du réseau ferré et l'éloignement des centres de
consommation sont un obstacle au développement de la production
à l'Ouest.