Mandane pamphlétaire - article ; n°1 ; vol.36, pg 139-153
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1984 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 139-153
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 36
Langue Français

Extrait

Nicole Aronson
Mandane pamphlétaire
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1984, N°36. pp. 139-153.
Citer ce document / Cite this document :
Aronson Nicole. Mandane pamphlétaire. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1984, N°36. pp. 139-
153.
doi : 10.3406/caief.1984.1927
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1984_num_36_1_1927PAMPHLETAIRE MANDANE
Communication de NT* Nicole ARONSON
(East Carolina University)
au XXXVe Congrès de l'Association, le 21 juillet 1983.
Voici le plus haut point où toute l'insolence
D'un esprit insensé puisse jamais monter ;
Trois princes, sans raison, au milieu de la France,
Par un ordre étranger se virent arrêter (1).
Ce quatrain d'une mazarinade anonyme, mais évidemment
inspirée par les Bourbons, monte la scène sur laquelle M™1* de
Longueville, la célèbre Mandane de Cyrus (2), le roman à
la mode, va jouer un des épisodes les plus romanesques de
sa vie. Il se situe durant Tannée 1650, année-charnière de la
Fronde entre le siège de Paris et la révolte de Guyenne. Le
18 janvier, à la suite d'un renversement d'alliances inat
tendu (3), Mazarin fit arrêter Condé, son allié d'hier, en
compagnie de son frère Conti et de son beau-frère Longue-
ville. Le parti des princes se retrouva sans tête à la suite de
ce coup de filet, et Nfe de Longueville, qui s'était enfuie
(1) Tamizey de Laroque, Mazarinades inconnues (Paris, Champion, 1879),
p. 82.
(2) Chacun des dix volumes d'Artamène ou Le Grand Cyrus de M"* de
Scudéry est dédié à Mme de Longueville. Victor Cousin (La Société fran
çaise au XVII' siècle, Paris, Didier, 1873, I, p. 28) écrit: «Le nom de
Mandane en était resté à la belle duchesse et... on la désigne souvent ainsi
dans bien des lettres du temps».
(3) La Rochefoucauld, Mémoires, dans Œuvres complètes (Paris, Galli
mard, 1957), p. 112. 140 NICOLE ARONSON
malgré les ordres de la Régente Anne d'Autriche, saisit l'occa
sion d'occuper le devant de la scène, ainsi laissé libre. Elle
allait jouer le rôle de chef de parti. Cependant, comme le
faisait remarquer J. Denis, « jouer le rôle de chef de parti
peut être fort beau, mais encore faut-il qu'on se remue et
qu'on s'agite pour quelque chose » (4).
C'est précisément afin d'expliquer pourquoi elle s'agitait
que M016 de Longueville se fit pamphlétaire et contribua à
grossir le nombre des mazarinades, « libelles » ayant le
cardinal pour sujet ou pour cible (5). En fait, le néologisme de
Scarron aurait dû être réservé aux pamphlets contre le cardi
nal, mais on a pris l'habitude de grouper sous ce nom géné
rique les quatre ou cinq mille textes le concernant, publiés
entre 1648 et 1652, qu'ils aient été écrits en sa faveur comme
ceux de Naudé ou de Renaudot, ou contre lui comme ceux
qu'a signés Mme de Longueville.
Durant cette période fort confuse de notre histoire, les
personnages jouant un rôle historique semblent avoir été
particulièrement conscients de l'importance de l'opinion pu
blique, qu'ils ont essayé de manipuler, entreprise rendue
assez facile par la complexité des intrigues. Très caractéris
tique à ce sujet est une lettre de M"6 de Scudéry au lendemain
de l'arrestation de Condé, héros qu'elle admirait incondition
nellement, tout en étant une royaliste fervente : « Les choses,
écrivait-elle à Godeau, sont présentement en tel état qu'on ne
sait ce que l'on doit penser » (6). C'est pour pallier cet
inconvénient et suggérer aux gens ce qu'ils devaient penser
que s'activaient les pamphlétaires des deux bords. La circu
lation des textes, une fois imprimés, semble organisée de façon
efficace, comme le montrent, par exemple, les précisions
données par Dubuisson-Aubenay, à propos de la distribution
d'une mazarinade sur « la prison des princes » :
(4) J. Denis, « Littérature politique de la Fronde », Mémoires de l'Aca
démie nationale des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen, 1892, p. 43.
(5) C. Moreau, Bibliographie des Mazarinades, Paris, Renouard, 1850.
(6) Rathery et Boutron, M116 de Scudéry, sa vie et sa correspondance,
Paris, Téchener, 1873, p. 233. PAMPHLÉTAIRE 141 MANDANE
On travaille à une apologie pour lesdits princes prisonniers.
Elle a depuis été secrètement imprimée et distribuée jusques
au nombre de 500 copies, portées aux portes des maisons par
gens inconnus... (7).
Les pamphlets de Mme de Longueville (8) ont été imprimés
secrètement à l'étranger et la chronologie de leur publication
n'est pas parfaitement claire. Le premier, Lettre de Madame
la Duchesse de Longueville au Roi est daté de Rotterdam, le
28 février. Ensuite vient L'Apologie pour Messieurs les
Princes envoyée par M™* de Longueville à Messieurs du Parle
ment de Paris, publiée sans date ni lieu. Sa rédaction se
place entre celle de la Lettre qui la précède et celle du Manif
este de M"10 la Duchesse de Longueville et des Motifs du
traité de M""6 de Longueville et de M. de Turenne avec le Roi
catholique, qui la suivent. Malgré les titres différents du
Manifeste et des Motifs, il s'agit du même texte, simplement
remanié, et concernant le traité signé avec le roi d'Espagne
le 30 avril 1650 (9).
(7) Dubuîsson-Aubenay, Journal des guerres civiles, Paris, Champion,
1883, I, 219.
(8) Lettre de Madame la Duchesse de Longueville au Roi (Rotterdam,
28 février 1650), Moreau, Bibliographie des Mazarinades, N. 1950 ; Apol
ogie pour Messieurs les Princes envoyée par M™* de Longueville à Mess
ieurs du Parlement de Paris (sans lieu, ni date), Moreau, N. 126 ; Manif
este de Mm0 la Duchesse de Longueville (jouxte la copie imprimée à
Bruxelles, 1650), Moreau, N. 2363 ; Motifs du traité de Mme de Longueville
et de M. de Turenne avec le Roi Catholique (jouxte la copie imprimée
à La Haye, 1650), Moreau, N. 2506. A ces textes, on pourrait ajouter les
deux pages de la Requeste de Mme de Longueville au Parlement de Rouen
(Rotterdam, 1650), N. 3473. La Lettre de Ai016 la Duchesse de
Longueville, l'Apologie ainsi que le Manifeste ont été insérés par Festu-
gière dans les Œuvres de Sarasin (Paris, Champion, 1926, II, pp. 284,
309, 434), à qui ils sont attribués. Le Manifeste figure également dans
Moreau, Choix de Mazarinades, Paris, Renouard, 1853, II, 168. Je cite
d'après les textes conservés à la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, où
Madame Robert a beaucoup facilité mes recherches ; qu'elle en soit ici
vivement remerciée.
(9) Festugière signale l'identité des deux textes, et ajoute que Les Motifs
« est une première rédaction de ce Manifeste, presque identique dans la
plupart des phrases, mais un peu plus longue et moins bien composée »
(II, 434, note 1).I1 pourrait être tentant de dire le contraire et de voir
dans Les Motifs une amplification du Manifeste, écrit quelque peu hât
ivement et dont une deuxième rédaction corrige certaines maladresses. 142 NICOLE ARONSON
Alors que, pendant la Fronde, la plupart des pamphlets
demeurent anonymes, il est remarquable de voir ainsi le nom
de la duchesse s'étaler dans les titres ; ceci semble indiquer
une volonté délibérée de profiter de sa popularité. Son nom
était en effet connu de beaucoup depuis son triomphal voyage
à Munster, dont elle rappelle elle-même le souvenir dans les
Motifs (p. 8), et depuis le siège de la capitale en 1649, où
elle était restée aux côtés des Parisiens attaqués par son
frère Condé. D'autre part, il ne faut pas négliger son propre
désir de gloire pour comprendre cette attitude qui sort, comme
elle le dit elle-même, « de la bienséance du sexe ». Sa belle-
fille, M"" de Nemours, écrit dans ses Mémoires qu'on l'avait
convaincue qu'il « était grand et beau à une femme de se voir
dans les grandes affaires » et que cela « la ferait distinguer
et considérer » (10).
Le but officiel de ses pamphlets est d'obtenir la libération
des princes en montrant que leur arrestation est injuste,
« sans raison » et que le cardinal Mazarin, ayant peur de la
famille de Condé, s'est efforc

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