Mettre les savoirs en débat ? Expertise biomédicale et mobilisations associatives aux Etats-Unis et en France - article ; n°57 ; vol.15, pg 103-122
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Mettre les savoirs en débat ? Expertise biomédicale et mobilisations associatives aux Etats-Unis et en France - article ; n°57 ; vol.15, pg 103-122

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Politix - Année 2002 - Volume 15 - Numéro 57 - Pages 103-122
To Put Knowledge under Debate ? Biomedical Expertise and Social Mobilizations in United-States and France Jean-Paul Gaudillere During the past twenty years, public debates about scientific knowledge have become more numerous and more critical. The new regime of discussion originates in the development of associations aiming at the definition of a new contract between science and society. This article examines how patient organizations have affected research pratices and expert work in the recent past. It focuses on developments in the United States and in France, taking the exemples of cancer and Aids activism. Rooted in a long history, the cancer field opposes a French configuration dominated by the alliance between state and the medical professions, and an American configuration characterized by the strenght of women's organizations, the politics of identity, and the power of the medical market. This is contrasted by the Aids field. As illustrated by the debates about clinical trials, Aids organizations have followed similar paths on both side of the Atlantic. In both instances, news forms of deliberation and counter-expertise have emerged, particularly a model of « citizen science ».
Mettre les savoirs en débat ? Expertise biomédicale et mobilisation associatives aux Etats-Unis et en France Jean-Paul Gaudillere Au cours des deux dernières décennies, les débats publics sur les savoirs scientifiques se sont multipliés. Cette mise en délibération est souvent le fait d'associations à la recherche d'un nouveau contrat entre sciences et société. Cet article examine comment les mobilisations associatives ont modifié les pratiques de recherche et d'expertise à partir des exemples de la lutte contre le sida et de la lutte contre le cancer aux Etats-Unis et en France. Les interventions des associations cancer montrent ainsi l'existence d'un gradient opposant l'alliance française entre Etat et professions médicales à une configuration américaine marquée par le rôle des associations de femmes, la politique des identités et le poids du marché. A l'inverse, comme le montrent les débats sur les essais thérapeutiques, le champ du sida est caractérisé par les convergences entre les deux pays. Dans les deux cas les pratiques de contre-expertise et de négociation des savoirs ont joué un rôle croissant, illustrant l'émergence de nouveaux modèles d'intervention, en particulier celui dit de « science citoyenne ».
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Paul Gaudillère
Mettre les savoirs en débat ? Expertise biomédicale et
mobilisations associatives aux Etats-Unis et en France
In: Politix. Vol. 15, N°57. Premier trimestre 2002. pp. 103-122.
Citer ce document / Cite this document :
Gaudillère Jean-Paul. Mettre les savoirs en débat ? Expertise biomédicale et mobilisations associatives aux Etats-Unis et en
France. In: Politix. Vol. 15, N°57. Premier trimestre 2002. pp. 103-122.
doi : 10.3406/polix.2002.1209
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2002_num_15_57_1209Résumé
Mettre les savoirs en débat ? Expertise biomédicale et mobilisation associatives aux Etats-Unis et en
France
Jean-Paul Gaudillere
Au cours des deux dernières décennies, les débats publics sur les savoirs scientifiques se sont
multipliés. Cette mise en délibération est souvent le fait d'associations à la recherche d'un nouveau
contrat entre sciences et société. Cet article examine comment les mobilisations associatives ont
modifié les pratiques de recherche et d'expertise à partir des exemples de la lutte contre le sida et de la
lutte contre le cancer aux Etats-Unis et en France. Les interventions des associations cancer montrent
ainsi l'existence d'un gradient opposant l'alliance française entre Etat et professions médicales à une
configuration américaine marquée par le rôle des associations de femmes, la politique des identités et
le poids du marché. A l'inverse, comme le montrent les débats sur les essais thérapeutiques, le champ
du sida est caractérisé par les convergences entre les deux pays. Dans les deux cas les pratiques de
contre-expertise et de négociation des savoirs ont joué un rôle croissant, illustrant l'émergence de
nouveaux modèles d'intervention, en particulier celui dit de « science citoyenne ».
Abstract
To Put Knowledge under Debate ? Biomedical Expertise and Social Mobilizations in United-States and
France
Jean-Paul Gaudillere
During the past twenty years, public debates about scientific knowledge have become more numerous
and more critical. The new regime of discussion originates in the development of associations aiming at
the definition of a new contract between science and society. This article examines how patient
organizations have affected research pratices and expert work in the recent past. It focuses on
developments in the United States and in France, taking the exemples of cancer and Aids activism.
Rooted in a long history, the cancer field opposes a French configuration dominated by the alliance
between state and the medical professions, and an American configuration characterized by the
strenght of women's organizations, the politics of identity, and the power of the medical market. This is
contrasted by the Aids field. As illustrated by the debates about clinical trials, Aids organizations have
followed similar paths on both side of the Atlantic. In both instances, news forms of deliberation and
counter-expertise have emerged, particularly a model of « citizen science ».Mettre les savoirs en débat ?
Expertise biomédicale et mobilisations associatives
aux Etats-Unis et en France
Jean-Paul GAUDILLIERE
En juin 1998, l'Office parlementaire des choix scientifiques et
technologiques était le maître d'oeuvre d'une initiative rare dans le
paysage politique français : une conférence de deux jours durant
laquelle dix citoyens, tirés au sort, discutèrent des organismes
génétiquement modifiés (OGM) en soumettant biologistes, industriels et
représentants des ministères et des associations à un feu roulant de
questions1. Ce débat public avait été préparé par plusieurs ateliers de
formation dont les thèmes avaient été décidés par les membres du jury. En
conclusion des auditions, ceux-ci rédigèrent une série de recommandations
touchant aussi bien à la définition des risques qu'à la réorganisation d'un
système d'expertise jugé faire la part trop belle aux développeurs d'OGM.
L'initiative fut considérée par la plupart des participants comme de grande
qualité. Parlementaires et professionnels s'émerveillèrent notamment de la
capacité dont avaient fait preuve des citoyens « ordinaires » à comprendre
des processus et des enjeux scientifiques complexes.
Quelques mois plus tôt, le Congrès des Etats-Unis discutait des priorités de
la recherche sur le cancer. La consultation de chercheurs, de médecins et
d'officiels de l'administration est depuis la fin de la seconde guerre mondiale
1. Cf. Marris (C), Joly (P.-B.), « La gouvernance technocratique par consultation ? Interrogation
sur la première conférence de citoyens en France », Les cahiers de la sécurité intérieure, 38, 1999.
Politix. Volume 15 - n° 57/2002, pages 103 à 123 Politix n° 57 104
un moment important du débat national sur la santé. Menées par les
commissions du Sénat et de la Chambre, ces auditions préparent le vote des
budgets des instituts nationaux de la santé2 (NIH). Depuis le début des
années 1990, cet exercice démocratique, longtemps symbole des
convergences entre les élites académique, médicale et politique, est devenu
plus dramatique et polémique. En particulier depuis que la National Breast
Cancer Coalition (NBCC), un regroupement d'organisations de patientes, a
fait des pressions sur les parlementaires un de ses objectifs prioritaires de
mobilisation. Organisant campagnes médiatiques, envois de lettres, pétitions
et manifestations, la NBCC a obtenu ainsi quelques succès spectaculaires
dont, en 1993, le triplement des budgets consacrés à la recherche sur le
cancer du sein3.
Ces deux épisodes ne sont que deux exemples parmi les très nombreux
témoignages de l'importance prise depuis une dizaine d'années par la
question de la démocratie scientifique et technique4. Tous deux témoignent
de la multiplication des débats publics sur les savoirs et leurs usages, de la
mise en cause des pratiques traditionnelles d'expertise et de la variété des
modalités par lesquelles les associations dites de la « société civile »
interviennent dans le champ scientifique et technique. Liées aux « affaires »
des dix dernières années, ces discussions traduisent la recherche d'un
nouveau contrat entre sciences et société qui prendrait en compte les
exigences de démocratisation et de mise en débat5. Du moins, si on entend
par délibération démocratique non le recours au vote comme mode de
jugement des connaissances, mais la création de dispositifs de discussion et
de prise de discussion qui aident à sortir du partage classique des rôles entre
professionnels et profanes. L'enjeu de cette nouvelle démocratie technique
n'est rien moins qu'une tentative de redistribution du pouvoir de décider de
quelles sciences nous avons collectivement besoin, et pour faire quoi.
La médecine au cœur des technosciences :
crise de l'expertise et exigence démocratique
Faire entrer les sciences en démocratie ? Débattre des savoirs biologiques ou
médicaux ? Il y a trente ans, ces formulations auraient été inacceptables. En
particulier pour des élites politiques convaincues de l'existence d'une
2. Starr (P.), The Social Transformation of American Medicine, New York, Zone Books, 1982.
3. « Congress Supports Breast Cancer Research by Taking Million from the Military », Nature,
359, 1992, p. 471.
4. Cf. Callon (M.), « Des différentes formes de démocratie technique », Annales des Mines, 9,
1998 ; Lascoumes (P.), « La scène publique, nouveau passage obligé des décisions », Annales des
Mines, 9, 1998 ; Benoit-Joly (P.-B.), « Besoin d'expertise et quête de légitimité nouvelle : quelles
procédures pour réguler l'expertise scientifique ? », Revue française des affaires sociales, 53, 1998.
5. Chateauraynaud (F.), Torny (D.), Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l'alerte
et du risque, Paris, Editions de l'EHESS, 1999. Mettre les savoirs en débat ? 105
équation simple liant sciences, développement des forces productives,
intervention de l'Etat et progrès social. Dans ce cadre, les scientifiques,
hommes de progrès s'il en est, étaient des compagnons courtisés, valorisés et
tenus à leur place. Par leur activité d'expérimentation, d'enquête ou d'essais,
les savants étaient les seuls à même de parler avec autorité des objets de la
nature et de leurs usages techniques. Dans ces conditions, démocratie et

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