Note de lecture L homophobie Daniel borillo Que Sais Je
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Note de lecture L'homophobie Daniel borillo Que Sais Je

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Note de lectureL’homophobie Daniel Borillo Que Sais Je ? PUF 2001 « Sans nul doute l’ouvrage de Daniel Borrillo doitil contribuer à sceller l’illégitimité de la problématisation de l’homosexualité, au profit de l’interrogation de l’hostilité à l’égard des homosexuel(le)s qu’est l’homophobie. Gardienne normative de la différence des sexualités et des genres, phénomène particulièrement violent, source de répression et d’exclusion de toute une catégorie d’individus, généralement « invisible, quotidienne et partagée », l’homophobie est ici mise en lumière et soumise à un décryptage scientifique. Dans la première partie, l’auteur s’attache tout d’abord à définir les notions d’homophobie et d’hétérosexisme. Cellesci constituent en effet les deux visages d’une même intolérance manifestée à l’encontre des individus qui ne correspondent pas à un modèle de référence, hétérosexuel. Récemment intégré au langage courant, le terme homophobie regroupe en réalité une mosaïque de formes d’hostilités à l’encontre des gays et des lesbiennes. Rappelant la complexité et la multiplicité du phénomène, D. Borrillo revient sur ses principales manifestations, distinguant l’homophobie irrationnelle (personnelle, de type phobique) de l’homophobie cognitive (sociale, prônant la différence sous couvert de la tolérance), l’homophobie générale (fondée sur le respect de l’adéquation entre sexe et genre) de l’homophobie spécifique (lesbophobieetgayphobie). La notion d’hétérosexisme désigne, quant à elle, le système par lequel une société organise la ségrégation de ses membres sur le fondement de l’orientation sexuelle. L’auteur nous montre comment, entre discours normativiste ou différencialiste, ce présupposé de la différenciation et la hiérarchisation élémentaire entre hétérosexualité et homosexualité est construit. Mise en perspective avec les ressorts classiques d’autres idéologies d’exclusions telles que le racisme, le sexisme ou l’antisémitisme, apparaît alors clairement comment l’homophobie participe de cette logique générale d’infériorisation : là encore, une différence essentialisée, naturalisée est fabriquée à propos de l’homosexualité, qui justifie par suite l’inégalité de traitement. Dans le chapitre suivant, l’auteur met à jour ce qu’il désigne comme l’apparition d’une « hostilité réfléchie », à savoir les origines et les éléments précurseurs de la problématisation de l’homosexualité. La misehors naturedes actes homosexuels, puis de ceux qui les commettent, par la pensée judéochrétienne, et essentiellement le christianisme, apparaît comme l’élément capital de l’idéologie homophobe. L’influence de la théologie chrétienne, dont la scolastique de Thomas d’Aquin assimilant les rapports homosexuels aux péchés les plus abjects, sera déterminante dans la mise en place des systèmes de répression des sodomites à partir du XIIIe siècle. Mais il ne s’agit pas seulement d’une lecture du passé, l’« homophobie catholique » demeure afin de justifier des discriminations. Si le ton a changé, l’hostilité est plus subtile, arborant d’un côté une « tolérance compassionnelle » à l’égard de l’homosexuel, mais condamnant fermement de l’autre toute forme d’indifférenciation de l’homosexualité par rapport à l’hétérosexualité, toute revendication égalitaire apparaissant en effet comme une menace à l’ordre naturel divin des sexes (masculin/féminin) et des sexualités (hétérosexuelle/homosexuelle). Si la tradition théologique s’est limitée à condamner des actes, une étape importante fut franchie avec le développement d’une interprétationscientifiquede l’homosexualité. La troisième partie de l’ouvrage étudie et répond à l’ensemble des doctrines hétérosexistes et à l’idéologie homophobe qui ont problématisé cette orientation sexuelle, en faisant une sexualité spécifique, infériorisée, et créant la figure de l’individu homosexuel, motivant et justifiant par suite sa répression. Ce fut tout d’abord l’œuvre d’une homophobie clinique, produit du discours médical et psychiatrique élaboré tout au long du XIXe siècle – la notion même d’homosexualité qui pathologise l’attirance pour les personnes du même sexe en est le fruit. Au début du XXe siècle, la théorie psychanalytique prendra le relais, recherchant les causes de l’homosexualité et l’instituant comme une inversion par rapport à une normalité hétérosexuelle. Bien qu’officiellement abandonnée et alors que c’est au tour de la violence homophobe d’être problématisée, cette idéologie fut récemment encore invoquée par certains contre l’égalité. L’homophobie anthropologique moderne tolère quant à elle l’homosexualité, mais à condition que des revendications égalitaires n’effacent pas la différence des sexes, comprise comme une donnée universelle structurante de l’individu, du couple et de la société. Dans l’homophobie libérale, si l’État ne peut interférer dans la sphère privée en pénalisantle choixde l’homosexualité, cette même vie privée ne peut pour autant prétendre à la reconnaissance de droits égaux : une chose est la tolérance de ce qui demeure caché, une autre est l’égalité dans la sphère publique. À la suite de la condamnation morale de l’homosexualité par les idéologues du communisme comme étant le résultat de la décadence capitaliste, l’homophobie « bureaucratique » instituée par le stalinisme sanctionnera lourdement cette cause du fascisme. Enfin, le paroxysme de l’homophobie sera atteint par le régime nazi et l’« holocauste gay ». Articulant la question homosexuelle à la natalité dans une perspective de survie et d’expansion démographique, ce seront en effet des milliers d’individus qui seront envoyés en camps de concentration et exécutés. Au sujet des causes de l’homophobie, objet du dernier chapitre, si les données historiques et idéologiques précédentes délimitent le contexte dans lequel nos représentations de l’homosexualité ont été élaborées, les racines du phénomène se révèlent plonger dans la construction même de l’identité de l’individu. Celleci est en effet fondée sur l’idéologie de la différence des sexes et la séparation des genres dans laquelle le rejet des homosexuels constitue de fait un élément central ; l’homophobie participe dès lors à la constitution de l’identité masculine en ce qu’elle s’attaque au défaut de conformité du genre au sexe : être un homme, c’est ne pas se comporter « comme une femme ». Par ailleurs, elle joue le rôle de gardienne d’un critiquable différencialisme « naturel » des sexes, en perpétuant la « dimension modélique » du couple hétérosexuel fruit de leur complémentarité. Le phénomène homophobe est encore alimenté par l’assimilation de l’homosexualité à une nouvelle étape – « la plus achevée » –, au fantasme du processus de désintégration de nos sociétés causé par l’affirmation, sur le modèle de la légalisation de la contraception, de l’avortement ou du multipartenariat, d’un individualisme effréné. Bien qu’il subisse les contraintes sociales et culturelles exposées, les spécialistes considèrent la personnalité de l’homophobe comme un facteur important, que ce soit au niveau de sa psychologie (lutte contre ses propres désirs homosexuels, jalousie inconsciente envers
des gays pluslibérés,désir d’appartenir à une norme sociale hétérosexuelle), de son sexe, son âge, son niveau d’étude ou son milieu social. Caractérisé par une structure psychique de type autoritaire, l’homophobe fonctionne alors selon des stéréotypes propres à le rassurer. Paradoxalement, les gays et lesbiennes euxmêmes sont susceptibles d’éprouver de tels sentiments, provoqués par la conscience d’une nonappartenance à un idéal hétérosexuel supérieur et l’expérience quotidienne de la violence homophobe, cette haine de soi conduisant de nombreuses personnes à la dépression, voire au suicide. Enfin, en guise de conclusion, Daniel Borrillo nous soumet différents moyens destinés à lutter en profondeur contre le phénomène homophobe. Dans un premier temps, en contrepied à cette construction sociale séculaire d’une normalité hétérosexuelle et de l’aversion homosexuelle, une vaste action pédagogique est indispensable, déconstruisant l’ordre hétérosexiste et prévenant la menace grave que constitue l’homophobie pour nos sociétés. Pourvue d’un sens, la répression effective des comportements homophobes pourra alors être envisagée, qu’il s’agisse de l’efficacité de la sanction de toutes formes de discriminations en raison de l’homosexualité – y compris celles persistant en droit de la famille – ou des discours de haine. Sur ce dernier point, face aux nombreux dérapages relevés entre autres à l’occasion du PACS, l’incrimination des discours homophobes s’impose de plus en plus comme une nécessité. » Thomas Formond Université Paris X Nanterre Revue Droit et Société N° 48 / 2001
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