Problème kurde - article ; n°3 ; vol.11, pg 251-262
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Description

Politique étrangère - Année 1946 - Volume 11 - Numéro 3 - Pages 251-262
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1946
Nombre de lectures 84
Langue Français

Extrait

B. Nikitine
Problème kurde
In: Politique étrangère N°3 - 1946 - 11e année pp. 251-262.
Citer ce document / Cite this document :
Nikitine B. Problème kurde. In: Politique étrangère N°3 - 1946 - 11e année pp. 251-262.
doi : 10.3406/polit.1946.5459
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1946_num_11_3_5459PROBLÈME KURDE
Comme au lendemain de l'autre guerre, on parle à nouveau des Kurdes.
Le problème se pose à l'ordre du jour international, et il n'est pas sans inté
rêt d'en résumer brièvement les données. II me semble que, jusqu'ici, «m
cherchant surtout à y découvrir des influences étrangères, on ne l'a pas situé
sur son véritable terrain.
En effet, les aspirations d'indépendance kurdes plongent leurs racines
profondes dans les origines et la structure sociale de ce peuple et sont le
résultat d'une longue évolution historique.
Les Kurdes sont une des plus anciennes populations de l'Asie antérieure.
Selon une thèse, celle du professeur N. Marr, membre de l'Académie des
sciences de l'U. R. S. S., ils seraient apparentés aux peuplades asianiques
dont les survivances se trouvent actuellement au Caucase et qui ont connu
leur essor vers les VIe et VIIe siècles avant notre ère, quand elles rivalisaient
avec la puissance assyrienne. Si l'on admet cette thèse, on doit en même
temps supposer que les Kurdes de nos jours ne parlent plus la même langue
que leurs ancêtres. Leur cas ne serait pas exceptionnel dans l'histoire (proto-
Bulgares touraniens et Bulgares slaves, par exemple). On se rallie, cepen
dant, plutôt à une autre thèse, celle de l'origine iranienne des Kurdes,' qui,
venus avec les autres Aryens sur le plateau de l'Iran, auraient essaimé de
là à l'ouest, vers la région de Bohtan (Bohtan-Sou, affluent de l'Euphrate)
et du Taurus, où leur présence est attestée dans les auteurs classiques qui
mentionnent des Cyrtioï et connaissent la Gorduène ainsi qu'une chaîne
de ce nom. ■
I
252 B. NIKITINE [
La controverse sur le nom des Kurdes ne peut intéresser que les spécia- i
listes : qu'ils soient ou non les descendants des Kardoukhoï dont nous parle \
YAnabase de Xénophon, ou que leur nom, sous sa forme de Kourmandj,
reflète, comme le croit le professeur Minorsky, le mélange ethnique des ^
Cyrtioï avec les Mèdes (Manda, Mada), ce qu'il nous faut retenir, c'est, en ;
tout état de cause, une incontestable ancienneté du peuple kurde.
Sa langue actuelle est de la famille iranienne, se rapproche sensiblement
du persan, mais a sa grammaire et son vocabulaire propres, qui diffèrent
d'après les dialectes et qui offrent quelques « résidus » non indo-européens,
trait particulier qui viendrait à l'appui de la thèse asianique.
L'habitat kurde s'étend sur la partie montagneuse de l'Asie antérieure.
Si l'on prend l'Ararat comme point de repère, le peuplement kurde sera
cerné vers l'ouest par la chaîne Pontique, descendant de là au sud, en pas
sant à l'est de Sivas, jusqu'à Kurd-Dagh (sandjak d'Alexandrette) ; il
revient de ce point vers l'est, suit la frontière turco-syrienne, contourne le
Djebel Sindjar, se dirige vers Mossoul, rejoint la chaîne de Zagros et s'arrête
à la ligne Bagdad- Kermanchah, à la «route des conquérants » de Darius et
d'Alexandre. En Iran, les Kurdes peuplent le versant oriental du Zagros,
entre Kermanchah et le lac d'Ourmiah, d'où, à l'ouest de ce lac, ils s'éten
dent le long de la chaîne frontière jusqu'à l'Ararat, avec, en plus, quelques
éléments dispersés en Arménie et en Azerbaïdjan soviétiques, ainsi que dans
la région de Kars.
Nous ne prétendons pas, en esquissant les grands traits de l'aire ethnique
kurde, à dresser ici une carte précise. Il nous suffit de pouvoir affirmer que
les Kurdes sont des montagnards par excellence, ce qui détermine pour une
grande part leur tempérament, leur mode de vie et leurs destinées natio
nales.
Combien sont-ils ? Nous sommes portés à fixer leur chiffre entre quatre
et cinq millions, dont une moitié environ en Turquie et le reste partagé entre
l'Iran et l'Iraq, alors que la Syrie et la Transcaucasie n'y interviennent que
pour quelques centaines de mille. Nos amis kurdes évaluent leur nombre au
double, de huit à neuf millions. Ils se basent pour ces calculs sur la compar
aison de la surface habitée par leur peuple avec celle des États qui se le
partagent et sur les statistiques turques et irakiennes non publiées. Il est
certain que les chiffres précis nous manquent et que la vérité doit se trouver
quelque part entre les deux totaux également hypothétiques. Mais, en tout
cas, nous ne croyons pas pouvoir englober dans la masse kurde les Lors et les
Bakhtiares, qui sont aussi iraniens, mais ont leur physionomie propre.
Notre argumentation tendant à définir la place des Kurdes en Asie anté
rieure par rapport à leurs voisins ne s'appuie pas sur leur valeur exclusive- PROBLÈME KURDE 253
ment numérique. Et, d'ailleurs, les Afghans, qui comptent environ sept
millions, ne nous offrent-ils pas l'exemple d*un petit peuple qui a su créer
et maintenir un État ?
Quant à leur religion, les Kurdes appartiennent à la grande famille musul
mane, mais T Islam ne recouvre certes pas l'ensemble de leurs croyances.
C'est dans ce sens, probablement, qu'il faut interpréter le proverbe turc
selon lequel « le Kurde n'est musulman qu'en comparaison avec l'infidèle ».
D'une part, en effet, les ordres mystiques de l'Islam, notamment celui des
Kadiriyé, exercent une influence certaine parmi les Kurdes à l'aide de tout
un réseau des représentants {Khalife), mais, de l'autre, lé sentiment tri
bal est encore si fort que les tribus peuvent se combattre entre elles pour la
prépondérance de tel chef spirituel. En outre, les doctrines hétérodoxes,
celles des yèzidis (adorateurs du diable) ou des ahl-è-hakk (hommes de
la vérité), qui se rattachent au dualisme et syncrétisent peut-être d'autres
survivances religieuses, comptent des adhérents kurdes, alors que certaines
autres tribus gardent encore des souvenirs de leur origine chrétienne. Ce
qu'il faut souligner, c'est que la vie religieuse kurde est très riche et prouve
que ce peuple a un esprit vif et porté à la recherche du Divin.
Le facteur déterminant pour la compréhension des Kurdes doit, d'ail"
leurs, être cherché dans leur structure sociale. Ils se divisent encore en
majorité en tribus, dont chacune représente un petit monde à part, hors
duquel on se sent perdu et dépaysé et vers lequel on s'efforce à tout prix de
revenir si l'on en a été éloigné par les circonstances. C'est à l'intérieur de
cette cellule, en effet, que le Kurde prend conscience de sa valeur, rattachée
au patrimoine commun des traditions et des faits guerriers. L'horizon en est
étroitement limité à la vallée natale qui, surtout en hiver, reste entièrement
coupée du monde extérieur. Une pareille existence contribue à la naissance
et au maintien d'esprit particulariste, qui ne s'atténue que difficilement,
d'autant plus qu'il évolue dans une économie naturelle fermée, se suffi
sant à elle-même, n'ayant que rarement recours aux échanges.
Ce schéma n'est peut-être plus applicable pourtant dans les régions
kurdes qui, peu à peu, au cours des dernières décades, aussi bien en Turq
uie qu'en Iran et qu'en Iraq, ont vu se modifier leurs conditions d'existence
par la pénétration des routes carrossables et du rail. Mais, dans l'ensemble,
nous ne croyons pas nous tromper en disant que la vie en tribu pendant des
siècles, conditionnée par le caractère géographique du pays et par son éloi-
gnement des grandes artères de communication, a laissé une très forte
empreinte sur le tempérament kurde; alors que, dans d'autres circonstances,
l'association, l'esprit de solidarité auraient dû trouver un terrain favorable
chez les Kurdes, par contre, dans leurs montagnes peu accessibles avec T
F
254 B. NIKITINE
les cols obstrués par la neige pendant six mois environ, c'est V esprit de dis
sociation qui jouait et exerçait son influence. ,
L'unité de la tribu n'exclut

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