QUELLES CHANCES POUR LA FRANCE DANS UN MONDE GLOBALISÉ? par ...
13 pages
Français

QUELLES CHANCES POUR LA FRANCE DANS UN MONDE GLOBALISÉ? par ...

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
13 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

QUELLES CHANCES POUR LA FRANCE DANS UN MONDE GLOBALISÉ? par ...

Informations

Publié par
Nombre de lectures 143
Langue Français

Extrait

 
 QUELLES CHANCES POUR LA FRANCE DANS UN MONDE GLOBALISÉ? par François Nicoullaud  L'exposé que je vais vous présenter doit être vu comme une introduction au sujet, pas comme un essai de réponse. Les réponses surgiront peut-être du débat que nous aurons ensuite, où nous nous efforcerons de confronter nos vécus respectifs. Je souhaite donc que ce débat soit aussi libre, aussi vif, aussi étendu que possible. Les Français sont quand même de drôles de gens. Depuis deux siècles une question les taraude "sommes-nous à la hauteur?","avons-nous été à la hauteur?","serons-nous à la hauteur?" Dans la tourmente actuelle de la mondialisation, ils se torturent plus que jamais. Pourquoi deux siècles? En gros parce qu'en 1815, après Waterloo, la France se retrouve diminuée, entourée d'une coalition de vainqueurs. La très visible ascension démographique et économique de l'Angleterre et du monde germanique, désormais en route vers l'unité, oblige les Français à comprendre qu'ils ne seront plus jamais la puissance hégémonique qui a dominé l'Europe depuis 1650, l'époque des Traités de Westphalie. Au XVIIème et au XVIIIème siècle, la France est vraiment sur tous les plans, démographique, économique, culturel, militaire... à son zénith en Europe. En 1815, le reflux s'amorce. C'est alors que s'épanouit ce sentiment de déclin qui n'abandonnera plus les Français jusqu'à nos jours. Le thème se retrouve dans le pessimisme romantique. Il reprend vigueur au lendemain de défaite de 1870 et à nouveau après la défaite de 1940. Plus tard, l''on se souvient du "mal français" d'Alain Peyrefitte paru en 1976. Il y a eu en 2003 "la France qui tombe" de Nicolas Baverez. Le thème du déclin parcourt aussi toute la production d'Alain Minc, pour parler d'un autre essayiste à la mode. Les ouvrages consacrés à ce thème
remportent à coup sûr un grand succès critique et de librairie. Ce courant de pensée a donné naissance récemment à un nouveau mot, le "déclinisme", lancé d'ailleurs par Dominique de Villepin, qui dit assez plaisamment ce qu'il veut dire. Entrons un peu dans le raisonnement des "déclinistes", tentons d'y discerner la part de réalité et de fantasmes, avant de voir si la France a une chance de s'en sortir, et comment, dans la nouvelle compétition qui s'est ouverte entre nations et continents sous le nom de mondialisation, ou globalisation. Quels sont les handicaps les plus souvent cités lorsqu'on veut expliquer le recul, au moins relatif, de la France? Ils s'articulent en fait autour de deux visions, l'une qui regrette que la France n'ait pas su rester fidèle à elle-même, l'autre au contraire qu'elle ne parvienne pas à se réformer. L'une des critiques est donc d'essence conservatrice, l'autre d'essence moderniste. Elles ne recoupent d’ailleurs pas le clivage droite-gauche, car tout dépend de ce que l'on veut conserver et de ce que l'on veut faire bouger. Premier handicap, le handicap démographique. Assez mystérieusement, les Français ont commencé à pratiquer le contrôle des naissances un siècle à un siècle et demi avant tout le monde, c'est-à-dire dès la fin du XVIIIème siècle. Et ils ont été les moins féconds du monde, jusqu'à la veille de la deuxième guerre mondiale. Mais surtout ils ont sacrifié sur les champs de bataille européens, avec la Révolution et l'empire napoléonien, leur dernière génération d'avant la diffusion des pratiques contraceptives. Près d'un million de jeunes Français dans une France de 30 millions d'habitants meurent pour leur patrie et pour la gloire au lieu d'émigrer hors d'Europe. Si une partie de ces Français et à peu près autant de jeunes femmes, étaient partis, par exemple, pour la Louisiane française, l'histoire de l'Amérique du Nord, peut-être l'histoire du monde, et certainement le rang de la francophonie dans le monde en auraient été changés. Rappelons que de 1800 à 1940, 50 millions d'Européens ont quitté leur pays pour aller ailleurs. Parmi eux 17 millions d'Anglais et d'Irlandais, 10 millions d'Italiens, 6,5 d'Espagnols et de Portugais, 6 millions d'Allemands... et 500.000 Français. Cette baisse prématurée de la natalité peut être vue comme le résultat de l'avance de la France en matière de civilisation, comme l'effet de la philosophie des Lumières. Du côté du
monde conservateur, l'on y a vu surtout le résultat de la perte des valeurs morales, de la recherche du plaisir sans risque, de la déchristianisation des villes puis des campagnes. Pour le monde conservateur un autre facteur de déclin a été l'importance des querelles intestines, des soubresauts politiques et sociaux que la France a connus depuis la Révolution française, destructrice de la cohésion traditionnelle de la société : longue série de crises, qui vont jusqu'à Mai 1968. Les conservateurs les plus radicaux dénoncent l'impuissance générée par le jeu des partis, par l'expression désordonnée des libertés démocratiques. Le camp moderniste a aussi intégré cette notion de handicap, mais en transférant la responsabilité du retard français sur notre classe dirigeante. Au XIXème siècle, les Républicains critiquent les prêtres et les nobles qui se sont toujours efforcé de maintenir la population dans un état d'arriération. L'on explique alors volontiers le retard français au fait qu'il s'agit d'une nation catholique, et que les nations protestantes ont fait mieux que les autres le saut vers la modernité. Après la deuxième guerre mondiale, Jean-Paul Sartre condamnait le malthusianisme des capitalistes français opposés à la croissance pour mieux protéger leurs privilèges, alors que le marxisme-léninisme préparait une société d'abondance. Notre président de la République, dont le volontarisme puise à la source de la tradition bonapartiste, est bien dans cette école de pensée qui explique le retard français par la difficulté de la société française à se réformer. Trop de fonctionnaires, trop de protection sociale, trop de syndicats, trop de laisser-aller, trop d'oisiveté minent notre compétitivité. Et à partir de ce constat, il développe la rhétorique du sursaut. Il est vrai que la mondialisation représente pour la société française qui nous paraît si fragile, un vrai défi. Mettons quand même les choses en perspective, il ne paraît pas plus dramatique que le défi du nazisme et du fascisme, ou le défi du bloc communiste. Et cette mondialisation n'est pas la première. L'histoire moderne a vu alterner à trois reprises phases de repli et phases d'expansion. Des deux premières phases, la France s'est, disons, moyennement bien sortie.
La première mondialisation moderne a été liée à la découverte des Amériques. La France est passée largement à côté, ne conquérant guère que quelques îles et comptoirs deci delà, les arpents glacés du Canada, pour citer Voltaire, et les territoires sans or, sans argent, et sans population exploitable de la Louisiane. Les Rois de France sont en effet trop occupés ailleurs. Deux ans après l'arrivée de Christophe Colomb aux Caraïbes, ils se lancent dans soixante ans de guerres d'Italie, sans résultat aucun. Et ensuite, ce seront les guerres de religion. Avec le XIXème siècle, arrive la seconde expansion coloniale, appuyée sur l'industrialisation. La France, même si elle fait nettement moins bien que la Grande-Bretagne, fait preuve alors d'un peu plus d'esprit de suite, notamment dans la conquête opiniâtre du Maghreb, son plus beau succès si l'on se replace dans l'esprit du temps. Mais dès la fin du XIXème siècle, les nations européennes dominantes voient la montée en puissance des Etats-continents, Etats-Unis d'abord, puis Russie, qui vont les ramener à la taille de nains. Deuxième repli sur soi de l'Europe, avec les deux guerres mondiales, puis les décennies de la reconstruction et de l'expansion économique, accompagnées symptomatiquement d'une décolonisation à grande vitesse. L'effondrement de l'empire soviétique délivre évidemment l'Occident d'un gros souci. Souvenons-nous que des conservateurs bon teint comme Georges Pompidou étaient encore persuadés dans les années 1960 qu'il fallait, bien sûr, se battre contre le communisme, mais un peu comme la chèvre de M.Seguin. A la fin des fins, le communisme finirait par triompher. La chute du rideau de fer et du mur de Berlin aurait donc dû ouvrir une longue période d'euphorie. On l'a vu poindre dans la théorie de la fin de l’Histoire. Mais avec la troisième mondialisation qui s'est alors amorcée, c’est plutôt à une remise en marche de l’Histoire qu’on assiste. Ecoutez ceci "La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux... Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes... Par l'exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la
production et à la consommation de tous les pays. Au grand désespoir des réactionnaires, elle a enlevé à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont supplantées par de nouvelles industries, dont l'adoption devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui n'emploient plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions les plus lointaines, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du globe. A la place des anciens besoins, satisfaits par les produits nationaux, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. A la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations " . Cela a l’air d’avoir été écrit hier, non ? Et pourtant c’est extrait du « Manifeste communiste » de Karl Marx et Friedrich Engels, paru en 1847… Certes, nous ne sommes pas les seuls visés, nous les Français, par cette troisième vague de mondialisation. C'est toute l'Europe et même l'Occident qui s'interroge : voir la thèse à succès d'Huntington sur "le choc des civilisations". Mais fragilisés par tous les handicaps que nous avons relevés, conservant néanmoins l'ambition de jouer un rôle sur la scène mondiale, nous nous sentons particulièrement menacés, nous Français, dans notre identité, et dans notre capacité à maintenir à la fois notre cohésion interne et notre influence externe. - défi démographique, économique, technologique des nouveaux géants, Chine, Inde, Etats-mondes, car ils ont chacun plus d'habitants que n'en avait le monde entier il y a deux siècles. Ils s'apprêtent donc à dépasser les deux Etats continents du XXème siècle, Etats-Unis et Russie. Et il y a le défi des pays émergents, qui veulent désormais leur place au soleil, - contestation du modèle occidental de société fondé sur la libération des potentialités de l'individu au travers des libertés politiques, du libre marché, de la libération des moeurs. L'on pense en particulier ici au défi lancé, non par l'Islam comme on le dit un peu facilement, mais par l'idéologie islamiste, - défi culturel qui semble nous viser tout particulièrement, nous Français, en submergeant
notre langue, notre culture, et aussi les valeurs qu'elles véhiculent, notamment les valeurs contenues dans notre modèle républicain : égalité des chances, sélection rigoureuse des meilleurs, refus du communautarisme, solidarité inter-classes et inter-générations. On ne pourra pas tout traiter. J'ai dit que cette conférence était une introduction au sujet. Passons quand même en revue les principaux terrains où la compétition est engagée. J'en choisirai six : la démographie, qui est au départ de tout, la capacité productive, c'est poser notamment la question des délocalisations, l'acquisition des savoirs, c'est poser la question de l'éducation, de l'université, de la recherche, la créativité culturelle et artistique, ce qui nous fera parler de la langue française, la cohésion sociale, enfin la capacité à agir sur le plan politique, militaire, stratégique. Démographie Au 18ème siècle, l'Europe (Russie comprise) avec 150 millions d'habitants représente un quart de l'humanité, elle a alors la même population que la Chine. Elle représente 10% de la population mondiale aujourd'hui, ce pourcentage baissera encore fortement jusqu'à la moitié de ce siècle. La France au 18ème siècle représente 12% de la population européenne, Russie comprise, elle en représente 9% aujourd'hui. Elle représentait 2,5% de la population mondiale, elle en représente 1% aujourd'hui, et en représentera probablement 0,7% vers 2050. Nous sommes aujourd'hui au 19ème rang des nations, entre l'Iran et la Thaïlande. L'on ne peut pas dire que notre position dans le monde et dans l'Europe ait dramatiquement changé d'échelle. Mais il est vrai, pour les raisons déjà expliquées, que nous avons très peu participé à la vague de migrations européennes des XIXème et XXème siècles. Ce déficit migratoire relatif se paye clairement aujourd'hui et se paiera encore longtemps. Raison d'espérer aujourd'hui : la fécondité française qui a assez mystérieusement redémarré autour de 1938, est depuis deux générations en tête des taux de fécondité européens. Elle atteint et même dépasse deux enfants par femme, ce qui permet d'assurer à peu près le renouvellement de générations, et même une croissance démographique modérée, avec l'apport migratoire. Cet apport migratoire est à la fois une chance et un défi. La France a bien réussi les intégrations de populations migrantes jusqu'aux années 1960, l'intégration en cours est clairement plus difficile. Il y a une course de vitesse entre la communautarisation
de notre société, la création de ghettos à l'américaine, et la mise en oeuvre d'un modèle républicain intégrateur. Rien n'est perdu, n'est n'est gagné à cette heure. Capacité productive Ce qui va bien : la France a pleinement participé aux trente Glorieuses, la fameuse croissance allant en gros de 1947 à 1973, et maintenu un taux de croissance comparable à celui de ses principaux concurrents occidentaux dans les trente années suivantes. Contrairement à une croyance répandue, dans notre région du monde les Français travaillent plus que les autres, le travail à temps partiel étant moins répandu chez nous que chez nos voisins, et leur taux de productivité est très élevé. Pour la production par habitant, parmi les pays de plus de 50 millions d'habitants nous étions en 2005 dans le peloton des pays qui suivent immédiatement les Etats-Unis : Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie. Le dernier rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement –le développement humain est un indice composite qui combine éléments qualitatifs et quantitatifs du niveau de vie– nous classe en 10ème position, et en deuxième position parmi les pays de plus de 50 millions d'habitants, juste derrière le Japon. Il y a donc clairement un modèle français de vie en société qui tient la route. Mais quid de la compétitivité? Sommes-nous condamnés à terme par la faiblesse d'un certain nombre de monnaies face à l'euro, qui rend nos produits trop chers, par la faiblesse des rémunérations et des protections sociales dans le monde en développement, par le dumping fiscal de pays même proches de nous? Pour mettre les choses en perspective, rappelons que 70% de nos échanges se font avec la zone euro, donc à monnaie égale, et notre déficit commercial se situe aussi principalement avec les pays de la zone euro. Il y a clairement un phénomène de rétraction de l'emploi industriel dans notre pays, nous avons perdu 1,5 million d'emplois dans le secteur industriel en 25 ans, surtout d'ailleurs entre 1980 et 1995, principalement sous l'effet du progrès technologique. Mais tous les pays industrialisés ont connu le même phénomène, et souvent plus accentué. Quelle est la part dans cette fonte des emplois industriels du phénomène de délocalisation vers les pays en développement? les statisticiens sont unanimes à considérer que les délocalisations représentent autour de 5% du total des emplois industriels disparus dans les vieux pays industriels, France comprise. Quel que soit l'impact psychologique du phénomène, il n'est
donc pas déterminant. Notons que malgré cette fonte des emplois, l'industrie française produit plus qu'il y a 25 ans. Mais pour les travailleurs concernés, c'est une maigre consolation. Ce qui est préoccupant pour les vieux pays industriels comme le nôtre, c'est que l'investissement dans l'industrie a tendance à aller, ce qui est compréhensible, vers les zones en forte croissance et à faible coût du travail. La France reste néanmoins un pays attirant pour l'investissement étranger : population qualifiée, bon positionnement géographique en Europe. Points faibles de l'industrie française aussi : faible production de machines-outils, faiblesse des petites et moyennes entreprises industrielles L'acquisition et la diffusion des savoirs On nous explique que c'est l'inventivité scientifique et technologique qui est le gage de notre survie comme pôle mondial de production. On nous dit que notre système éducatif et de recherche est à la traîne, on nous montre les statistiques de l'université de Shanghaï qui place la première université française, en l'occurrence Paris 6, en 46ème position. Et il n'y a que quatre universités françaises dans les 100 premières, contre neuf universités britanniques, la part du lion revenant aux universités américaines. A noter qu'il n'y a d'ailleurs que quatre universités allemandes, et une seule université italienne dans les cent premières. Au-delà de ce classement célèbre mais qui a toutes les allures d'un classement biaisé, ce qui est vrai c'est que la France a toujours eu un problème avec ses universités. François Ier a créé le Collège de France parc qu'il trouvait la Sorbonne trop sclérosée. La Révolution française a fermé les Universités parce qu'elle s'en méfiait. Napoléon, qui s'en méfiait aussi, ne les a pas rouvertes. Nous avons fait alors le pari d'un enseignement beaucoup plus pragmatique et encadré, avec les Lycées et les grandes Ecoles. Ce choix nous poursuit encore, puisqu'un lycéen coûte encore aujourd'hui nettement plus cher à la collectivité qu'un étudiant d'université. Il y a certainement une prise de conscience du gouvernement sur la nécessité de réinvestir sur les universités, mais il est encore trop tôt pour dire si l'effort en cours sera un succès. Autre point préoccupant, la faiblesse, au moins jusque récemment, de la recherche en université. Mais cette faiblesse est historique, c'est ce qui a conduit Jean Zay, ministre du
Front populaire à lancer la création du Centre national de la recherche scientifique, créé finalement en 1939. Depuis quarante ans, le CNRS s'est quand même rapproché des universités avec la création des Unités mixtes de recherche. Un bon critère de la vitalité de notre recherche et de notre capacité d'innovation est la masse de dépôts de brevets. En 2007, avec 6.000 brevets déposés nous sommes seconds en Europe derrière l'Allemagne. La Grande-Bretagne est encore derrière nous. Nous pourrions trouver cela honorable, mais l'Allemagne, première en Europe, a déposé, elle 18.000 brevets, soit trois fois plus que nous. Et la Chine nous talonne, la Corée du Sud nous dépasse, le Japon dépose six fois plus de brevets que nous, les Etats-Unis près de 10 fois plus. Il y a donc clairement de la marge... Un point de faiblesse chez nous est en particulier le passage de l'invention scientifique à l'innovation industrielle. Une réforme du dispositif passe-t-elle par un démantèlement du CNRS? Le gouvernement, et en tous cas le ministère des finances, semblent le penser. La créativité culturelle et artistique En novembre 2007 un correspondant de Time Magazine à Paris, Donald Morrison, publie un article intitulé "la mort de la culture française", qui soulève aussitôt un tollé. Sa thèse est ultra-classique : la France a perdu son rayonnement culturel et artistique depuis la mort des Piaf, Trénet, Ravel, Sartre, Matisse, Picasso etc. Personne n'a remplacé ces géants. Selon l'auteur, le déclin de la culture française est largement dû au fait que la culture en France est une affaire d'Etat, qu'elle est fortement subventionnée, nourrissant ainsi beaucoup de médiocres, tuant la compétitivité et la créativité. Cette thèse est évidemment excessive. Car du temps de Piaf, Trénet, Ravel, Sartre, Matisse et Picasso, l'on se plaignait déjà du déclin de la culture française et de la concurrence déloyale d'une Amérique trop riche et trop puissante. Les arts plastiques, et notamment la peinture, qui produit des oeuvres facilement transformées en marchandises, sont propices à la création d'un marché de l'art, où excellent les grands centres financiers : New York, Londres, mais rien ne dit que les artistes les plus cotés aujourd'hui apparaîtront demain comme les géants de notre époque. En matière d'arts de la scène, ou de musique contemporaine, la prééminence anglo-saxonne est loin d'être démontrée. Et tout dépend aussi de ce que l'on met dans la culture : les musiques populaires? le cinéma commercial,
voire ultra-commercial? Un atout très important pour nous, que Donald Morrison reconnait d'ailleurs à la fin de son article : le public français est l'un des plus curieux, des plus ouverts aux artistes étrangers. Or toute culture, pour ne pas se transformer en folkore, doit aussi être le miroir des cultures qui l'entourent. En ce sens, la France, très ouverte sur les cultures du monde, a plutôt bien pris le tournant de la mondialisation. Le maintien de la cohésion sociale Cette cohésion sociale, interclasses, et intergénérations, indissociable de notre modèle républicain, a été évidemment mise à mal par le libre marché triomphant, et la crise ne va rien arranger. Les écarts de revenus et de conditions se sont creusés entre les plus pauvres et les plus riches, la classe moyenne, qui est le socle de toute société démocratique moderne, tend à se fragmenter entre ceux qui glissent à nouveau vers la pauvreté et ceux qui parviennent au contraire à rejoindre le peloton de tête. La compétition mondiale ouverte par la globalisation a pesé sur les plus bas salaires et ouvert l'éventail des revenus. Mais j'estime pour ma part, et ce pourrait être un élément du débat, que la disparition du contre-modèle communiste a libéré des appétits qui étaient jusque là contenus. J'aimerais citer ici un ami à moi, Marc Bressant, auteur de la "dernière conférence", prix de l'Académie française qui place les mots qui suivent dans la bouche d'un diplomate d'Europe de l'est, en 1989 : "Une chose au moins est incontestable : de par notre existence et de par celle de nos chevaux de Troie comme vous avez si longtemps appelé les partis communistes qui existaient chez vous, nous avons été un paratonnerre contre la logique folle de votre système capitaliste. A cause de nous, vos gouvernements ont été obligés de mettre de plus en plus d'eau dans leur vin. Ils ont fini par donner des droits et du pouvoir d'achat aux travailleurs, et par imposer des limites aux exigences des entrepreneurs. Ce serait un peu exagéré de dire que vous nous devez vos " Trente Glorieuses ", mais nous n'y sommes pas tout à fait pour rien...Bon, très vite sans doute nous allons devenir vos clones... il n'y aura plus désormais de statue du commandeur pour obliger vos capitalistes à faire la part du feu. Le monde va entrer de nouveau dans l'ère des Krupp, Wendel et autres Bata avec toutes les tribulations qui en résulteront, les crises genre 1930 et, comme l'a montré Lénine avec une clairvoyance qu'on ne saurait lui refuser, leurs inévitables corollaires, les guerres coloniales, européennes et autres."
Le grand enjeu de la société française, dans les années très difficiles qui s'ouvrent, va donc être de trouver en elle-même la force de protéger, et dans une certaine mesure, de restaurer, cette cohésion sociale, ce "vouloir vivre ensemble" qui prend en ce moment tant de coups. Pour cela, il faut certainement des réformes institutionnelles et sociales, mais celles-ci, pour être acceptées, doivent émaner d’un projet global, que seule l’action politique, au meilleur sens du terme, peut élaborer et convaincre le plus grand nombre d’adopter. Voit-on actuellement un tel projet? Transparaît-il dans l’action de notre gouvernement et de notre président ? Sinon, où, comment le faire naître? C’este un beau sujet de débat. La capacité diplomatique, militaire, stratégique Raymond Aron, à la fin de ses mémoires, écrivait : "Ce n'est pas la diplomatie française qui donne à la France sa place dans le monde. Ce sont les Français eux-mêmes, la qualité de leur travail et de leur culture". C'est évidemment un peu dur à entendre pour un ancien diplomate, mais il y a du vrai. Je me suis à plusieurs reprises occupé dans ma carrière de diffusion culturelle, et disais moi-même : "Qu'on nous donne de bons produits culturels, qui puissent éveiller l'intérêt, la curiosité des autres, et nous ferons de la bonne diffusion culturelle." Le volontarisme a donc ses limites. Il en faut néanmoins. Hubert Védrine, à la question classique : "la France est-elle encore une grande puissance? est-elle au moins une puissance moyenne? est-elle une sorte de mini-puissance?" répondait justement : mis à part les Etats-Unis, qui sont en quelque sorte hors concours – il avait alors lancé le terme d'hyper-puissance –, la France fait partie de ce groupe assez restreint de pays qui se sentent concernés par tout ce qui se passe dans le monde, qui conservent la prétention d'influer sur l'avenir du monde. En ce sens, elle demeure une puissance mondiale." Notre passé nous oblige. Notre siège de membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, dont nous savons bien que nous le détenons pour des raisons historiques, il faut aujourd'hui continuer à le mériter. Et il ne suffit pas de faire voter des textes. Il faut ensuite les appliquer, c'est-à-dire être en mesure de projeter des troupes vers tel ou tel foyer de crise, être déterminé à appliquer des sanctions à l'effet négatif pour nos intérêts économiques, être prêt à verser telle ou telle contribution, à apporter telle ou telle aide d'urgence. Et puis nous sommes l'une des cinq puissances nucléaires militaires reconnues par la
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents