Situation de l'Afghanistan - article ; n°4 ; vol.23, pg 353-364

René Dollot

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Politique étrangère - Année 1958 - Volume 23 - Numéro 4 - Pages 353-364
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: POLITIQUE_ETRANGERE
• Publié le: 01 janvier 1958
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René Dollot
Situation de l'Afghanistan
In: Politique étrangère N°4 - 1958 - 23e année pp. 353-364.
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Dollot René. Situation de l'Afghanistan. In: Politique étrangère N°4 - 1958 - 23e année pp. 353-364.
doi : 10.3406/polit.1958.2438
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1958_num_23_4_2438SITUATION DE L'AFGHANISTAN
L'année 1947 marque un tournant dans l'histoire de l'Afghanist
an. C'est celle de la proclamation de l'indépendance de l'Inde
désormais soustraite à l'autorité anglaise. Evénement qui, pour lui
demeurer extérieur, n'en affecte pas moins directement le royau
me afghan.
Depuis que la domination britannique s'était étendue au
XIXe siècle à l'ensemble de la péninsule hindoustanique et que la
Russie des Tsars, par la lente progression de sa colonisation inté
rieure, avait atteint les rives de l'Amou-Daria, les deux grands
empires se faisaient contrepoids au nord et au sud de l'Indoukouch
y maintenant une sorte d'équilibre. « Grain de blé entre deux meul
es », Etat tampon, l'Afghanistan qui confine à l'ouest avec l'Iran
et par la passe de Wakham dispose à l'est d'une ouverture sur la
Chine apparaît bien alors, ainsi qu'on l'a souvent défini, comme
là Suisse de l'Asie. De même que la Confédération Helvétique est
le carrefour de l'Europe, il se situe à la croisée des chemins du
plus vieux continent de l'ancien monde. Aux façades alpestres
des Cantons regardant l'Allemagne, l'Italie et la France corres^
pondent ses hauts plateaux montagneux qui contemplent les plai
nes sibériennes, l'Inde et la Perse. Tel qu'on l'a vu depuis Alexand
re.
Brisant l'unité de la péninsule, un nouvel Etat islamique, le
Pakistan, rompt l'équilibre des forces et s'interpose, depuis dix
ans, entre l'Afghanistan musulman et l'ancienne domination bri
tannique qui se différenciaient par la civilisation et la religion.
L'objet de la présente étude est de faire le point de la situation 354 RENÉ DOLLOT
actuelle, en tenant compte d'un passé sans lequel elle serait inin
telligible (1).
Rappelons d'abord que l'indépendance de l'Afghanistan, jadis
appelé Aryana, et sa reconnaissance comme Etat souverain r
emontent à une date relativement récente. Elles ont été consacrées
par le traité de Rawalpindi du 8 août 1919. Celui ci clôt une pério
de de l'histoire nationale marquée pendant tout le XiX' siècle
par une suite d'opérations militaires que déclenchaient les Ang
lais en vue d'assurer la sécurité de l'Inde contre les éventuelles
entreprises de la Russie.
La situation s'est modifiée quand, affaibli par la guerre avec
le Japon et la révolution de 1905, le gouvernement tsariste renon
çant à s'opposer à la Grande-Bretagne, recherche l'alliance de
Londres. La convention de St-Petersbourg, du 31 août 1907, sanc
tionne cette nouvelle orientation contemporaine de la Triple Ent
ente. Tandis que l'Angleterre s'engage à respecter l'état politique
de l'Afghanistan et l'intégrité de son territoire, à ne prendre au
cune mesure portant ombrage à Petersbourg, la Russie exclut
l'Emirat de sa zone d'influence. Acceptant de ne négocier avec
Caboul que par l'entremise des agents britanniques, elle recon
naît la prépondérance anglaise.
A l'isolement qui lui est imposé du fait des accords qu'il a pas
sés avec le gouvernement de Sa Majesté depuis le traité de Gan-
demak, véritable traité de protectorat, le 26 mai 1879, l'Afgha
nistan cherche à se soustraire en nouant des relations avec les
puissances étrangères islamiques : Turquie, Perse, voire avec les
provinces de l'Inde septentrionale. Instructeurs militaires, médec
ins, professeurs, font leur apparition dans la capitale. Le monde
(1) Le volume que nous avons publié sur l'Afghanistan chez Pavot a paru en 1937.
On le complétera pour la période postérieure par les deux fascicules de la Document
ation Française (14, rue Lord Byron, Paris VIITe) : L'Afghanistan moderne, n° 1 112
19 avril 1949 et le Développement économique de l'Afghanistan, no 1.332, 24 mai 1ÏÏ59.
On peut y ajouter le livre de Raymond Furon : Iran, Perse et Afghanistan, Payot,
1951.
Il faut encore signaler, en langue anglaise : A study of political developments in
Central Asia (Oxford Univ. Press, 1950) de sir K. Fraser-Tytler ; en langue italienne :
Afghanistan, crocevia dell'Asia paru en 1951 à Milan chez l'éditeur Antonio Vallardi,
par E. Caspani et E. Cagnacci. Le père Caspani était le chapelain de la Légation
d'Italie à Caboul quand nous y représentions la France.
Signalons enfin dans le T. VI du Dictionnaire Diplomatique de l'Académie Inter
nationale paru il y a quelques semaines, un long article d'allure polémique signé du
premier ministre Mohamed Daoud suivi du texte de plusieurs conventions qui, sauf
une seule, concernant l'Inde, intéressent exclusivement les rapports de l'Afghanistan
et de l'U.R.S.S. AFGHANISTAN 355
musulman s'agite. Un nationalisme afghan fait son apparition
dès 1900. Cependant des courants contraires ne tardent pas à
ébranler la structure intime du pays doté depuis le règne de lémir
Abdur-Rhaman (1879-1901) d'un gouvernement centrai stable ap
puyé sur une solide bureaucratie. Novateurs et conservateurs ins
pirés par les Mollahs s'opposent et le 20 février 1919 l'émir
Habiboullah qui a succédé en 1901 au grand souverain dont nous
venons de rappeler l'œuvre constructive est assassiné, à l'inst
igation, semble-t-il, des éléments réactionnaires.
L'avènement de son fils Amanoullah s'opère sans difficultés..
C'est à lui que l'Angleterre, encore qu'il l'ait imprudemment at
taquée, obéissant à des considérations de sagesse politique dont
son histoire offre tant d'exemples, accordera l'indépendance de
l'Afghanistan. Mais Amanoullah ne saura pas comprendre la le
çon de la modération britannique. Proclamé roi en 1923, il s'aban
donne à une dangereuse mégalomanie. Adoptant une attitude dé
sinvolte à l'égard du gouvernement de Londres, il tend à faire
de l'Afghanistan un centre d'attraction pour les Musulmans de
l'Inde, formule des revendications sur la région frontalière. Un
moment l'influence russe paraît devoir se substituer à l'ancienne
entente avec le gouvernement britannique qui avait duré quarant
e ans, mais celle-ci finira par l'emporter de nouveau.
Malheureusement pour Amanoullah, parallèlement à sa poli
tique étrangère aventureuse, il crut devoir entreprendre une série
de réformes aventureuses, destinées à «occidentaliser» le pays.
Elles y provoquèrent une réaction très vive et quand, après un
voyage en Europe (1927-1928), le roi les accentua malgré les cons
eils de Kemal Pacha dont il s'était fait l'imitateur maladroit, il
se vit contraint d'abdiquer, le 10 janvier 1929.
L'Afghanistan traversa alors une période d'anarchie. Un avent
urier, le Batcha~i-Saqqaô s'empara du trône. L'intermède fut
de courte durée. Bientôt l'ordre était rétabli par le Sirdar Moha
med Nadir Shah, ancien ministre d'Afghanistan à Paris, secondé
par ses frères Shah Vali Khan, le vainqueur de Caboul, qui lui
aussi représentera son pays en France et Shah Mahmoud Khan,
plus tard premier ministre. La proclamation de Nadir Shah, le 16
octobre 1929, ne consacra pas l'avènement d'une nouvelle dynastie
mais seulement la substitution d'une autre branche des Yahia-
Khel issue du clan des Mohammedzai à celle de la tribu Pathane
des Duurami qui venait d'être renversée : les Orléans succédaient
aux Bourbons. Excellent souverain, Nadir Shah se fit l'initiateur
d'une politique prudente qu'il avait toujours préconisée. Elle
ne devait pas le mettre à l'abri des coups des fanatiques. Il fut RENÉ DOLLOT 356
assassiné le 8 novembre 1933. Son fils, Mohammed Zaher Shah,
né à Caboul le 27 mai 1914, qui a fait ses études à Paris, notam
ment aux Lycées Janson de Sailly et Michelet, lui succéda sans
opposition.
II y aura bientôt un quart de siècle qu'il est monté sur le trône.