Vingt ans de développement : les avatars du néo-libéralisme - article ; n°3 ; vol.64, pg 627-643
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Politique étrangère - Année 1999 - Volume 64 - Numéro 3 - Pages 627-643
Le bilan de l'évolution des pays en voie de développement depuis vingt ans fait apparaître des disparités croissantes. Si de nombreux pays d'Afrique subsaharienne, dont notamment les pays francophones, ont enregistré un recul sensible, les économies d'Asie de l'Est ont connu une progression non moins notable tandis que les pays d'Amérique latine ont su rebondir après une première décennie difficile. Françoise Nicolas s'interroge ici sur l'origine de cette dissemblance tout en portant un regard critique sur l'évolution de la réflexion théorique en la matière et sur le rôle des institutions financières.
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Nicolas
Vingt ans de développement : les avatars du néo-libéralisme
In: Politique étrangère N°3 - 1999 - 64e année pp. 627-643.
Résumé
Le bilan de l'évolution des pays en voie de développement depuis vingt ans fait apparaître des disparités croissantes. Si de
nombreux pays d'Afrique subsaharienne, dont notamment les pays francophones, ont enregistré un recul sensible, les
économies d'Asie de l'Est ont connu une progression non moins notable tandis que les pays d'Amérique latine ont su rebondir
après une première décennie difficile. Françoise Nicolas s'interroge ici sur l'origine de cette dissemblance tout en portant un
regard critique sur l'évolution de la réflexion théorique en la matière et sur le rôle des institutions financières.
Citer ce document / Cite this document :
Nicolas Françoise. Vingt ans de développement : les avatars du néo-libéralisme. In: Politique étrangère N°3 - 1999 - 64e année
pp. 627-643.
doi : 10.3406/polit.1999.4887
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1999_num_64_3_4887POLITIQUE ÉTRANGÈRE 3/99
Vingt ans de développement :
Françoise NICOLAS
les avatars du néo-libéralisme
Le bilan de l'évolution des pays en voie de développement depuis vingt ans fait
apparaître des disparités croissantes. Si de nombreux pays d'Afrique subsahar
ienne, dont notamment les pays francophones, ont enregistré un recul sensible,
les économies d'Asie de l'Est ont connu une progression non moins notable tandis
que les pays d'Amérique latine ont su rebondir après une première décennie diff
icile. Françoise Nicolas s'interroge ici sur l'origine de cette dissemblance tout en
portant un regard critique sur l'évolution de la réflexion théorique en la matière
et sur le rôle des institutions financières.
Politique étrangère
Du point de vue des pays en développement (PED), les vingt
dernières années ont été riches en espoirs mais aussi en
déconvenues. Alors que l'apparition des économies dites
émergentes a pu laisser croire un temps que l'on avait trouvé la recette
pour sortir du sous-développement, la succession des crises qui ont
récemment secoué ces économies est venue ébranler les certitudes. En
outre, la persistance de situations de sous-développement ou de mal
développement dans certaines régions du monde incite à l'humilité en
rappelant que nombre de questions demeurent sans réponse.
L'objet de cet article est précisément de retracer le cheminement des
économies en développement au cours des vingt dernières années,
mais aussi l'évolution de la pensée sur le développement ainsi que celle
des stratégies de préconisées par les institutions finan
cières internationales chargées de ces questions, en particulier la
Banque mondiale.
Françoise Nicolas est chargée de recherche à l'Ifri et maître de conférences associée à l'université de Marne-
la-Vallée. .
628 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
L'émergence économique :
de la décennie perdue au miracle asiatique
Un monde en développement toujours plus hétérogène
Au cours des deux dernières décennies, le poids des économies en
développement dans le PIB mondial a globalement diminué, mais
l'évolution a été inégale, conduisant à des disparités toujours plus
importantes. Le fait le plus marquant a été l'augmentation de la part
de richesse détenue par les pays intermédiaires, puisque les 20 % les
plus pauvres détiennent une part encore plus faible de la richesse
mondiale que par le passé, alors que les 20 % les plus riches ont vu
leur part stagner. Du fait du rythme inégal de la croissance dans les
différentes régions du monde en développement au cours de cette
période, le groupe des PED est devenu toujours plus hétérogène (voir
tableau 1). Cette évolution a été consacrée par l'apparition d'une
catégorie nouvelle, celle des économies émergentes, essentiellement
concentrées en Asie de l'Est et en Amérique latine1.
Tableau 1
Taux de croissance annuel moyen du PIB
dans les différentes régions en développement (1980-1997) (en %)
1980-1990 1990-1997
Asie de l'Est 7,5 9,4
Illustration non autorisée à la diffusion Amérique latine et centrale 1,6 3,8
Moyen-Orient et Afrique du Nord 2,1 2,9
Asie du Sud 5,6 5,6
Afrique subsaharienne 1,8 2,0
Pour mémoire : pays à revenus élevés 3,2 2,2
Source : Banque mondiale, World Development Indicators 1999.
Si l'on adopte une approche géographique2, les vingt dernières années
ont vu le recul de nombre de pays d'Afrique subsaharienne qui sont
passés du statut d'économies à revenu intermédiaire à celui d'économies
à faible revenu ; c'est notamment le cas de l'ensemble de l'Afrique fran-
1 Cette catégorie n'est pas définie de manière claire ; elle regroupe des économies en développement qui
ont connu une forte croissance depuis le début des années 90.
2. Cette vision peut paraître un peu simplificatrice, mais de fait le regroupement par grandes régions s'avère
pertinent, à de rares exceptions près. Les trajectoires des économies classées par sont
assez nettement différentes, même s'il est vrai que des exceptions existent dans chacune des régions. Ainsi
le Chili et l'île Maurice se démarquent-ils des autres économies appartenant à la même région du fait de
leurs bonnes performances, alors qu'à l'inverse, les Philippines sont à la traîne par rapport au reste de la
région de l'Asie du Sud-Est. VINGT ANS DE DÉVELOPPEMENT : LES AVATARS DU NÉO-LIBÉRALISME / 629
cophone. On a assisté parallèlement à l'enrichissement et à l'essor des
économies d'Asie de l'Est. Dans cette région, la progression la plus
spectaculaire demeure celle de la Corée du Sud, et dans une moindre
mesure de la Malaisie. Le Sri Lanka est la seule économie d'Asie du
Sud à avoir connu une évolution positive. Enfin, après une première
décennie difficile, les économies latino-américaines ont retrouvé le
chemin de la croissance et sont venues gonfler les rangs des économies
dites émergentes. L'accession du Mexique et de la Corée du Sud à
l'OCDE est emblématique des succès économiques enregistrés depuis
plus de dix ans dans ces deux régions du monde en développement.
En dehors d'une croissance économique soutenue, le propre des écono
mies émergentes est de prendre une part active au mouvement de mond
ialisation de l'économie, en accueillant des investissements directs
étrangers (IDE), en exportant des produits manufacturés, et non plus
exclusivement des matières premières ou agricoles. En d'autres termes, ces
économies se sont insérées dans la division internationale du travail, fon
dée sur la décomposition internationale des processus productifs.
L'intégration économique est plus ou moins rapide selon les
régions. Ainsi, la croissance du volume des échanges a été inférieure à celle
du PIB dans 44 des 93 PED sur la période 1985-1994 par exemple, les pays
les plus pauvres étant parmi les plus lents à s'intégrer à la dynamique.
C'est probablement dans le domaine de la finance que les changements
ont été les plus remarquables. Avec la globalisation financière, les flux
nets de capitaux privés à destination des PED ont littéralement
explosé au cours de la décennie 90. En 1996, ces flux excédaient
240 milliards de dollars, soit 6 fois plus qu'au début de la décennie et
4 fois plus que le niveau record atteint à la fin des années 70. Les PED
ont reçu en 1998 près de 40 % du total des flux d'IDE dans le monde,
contre 15 % en 1990 ; l'envolée des flux de portefeuille est encore plus
spectaculaire puisque les PED en attirent près de 30 %, contre 2 % en
1990. L'insertion de certaines économies en développement dans le
mouvement de globalisation financière a été en partie le résultat du
développement de marchés boursiers dans ces pays. Toutefois, sur ce
plan-là encore, la concentration de ces flux est très marqué

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