Question prioritaire de constitutionnalité
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Question prioritaire de constitutionnalité A Mesdames et Messieurs les Président et Membres du Conseil Constitutionnel Affaire n° : 2014-401 QPC MEMOIRE N°1 POUR : David van der Vlist Adresse Ville DEMANDEUR CONTRE : Bio Philippe Auguste SARL 114, Avenue Philippe Auguste 75011 Paris DEFENDEUR. DISPOSITION ATTAQUEE : Le 2° de l’article L. 1243-10 du code du travail qui dispose : « L'indemnité de fin de contrat [à durée déterminée] n'est pas due : [… ] 2° Lorsque le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires ; » I. Faits et procédure M. David VAN DER VLIST, étudiant à l’université Paris 1, Panthéon-Sorbonne a été embauché par la SARL BIO PHILIPPE AUGUSTE du 21 au 24 décembre 2010 par contrat à durée déterminée, s’exécutant durant ses vacances universitaires. A l’issue de son contrat, en application du 2° de l’article L. 1243-10 du code du travail, l’indemnité de précarité prévue à l’article L. 1243-8 du même code ne lui a pas été versée. Il a donc saisi le Conseil de prud’hommes de Paris afin d’en obtenir le versement. Dans un premier temps, M. VAN DER VLIST a demandé la transmission d’une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne, estimant cette disposition contraire au principe de non- discrimination en fonction de l’âge.

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Publié le 29 avril 2014
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Question prioritaire de constitutionnalité
A Mesdames et Messieurs les Président et Membres du Conseil ConstitutionnelAffaire n° : 2014401 QPCMEMOIRE N°1POUR : David van der Vlist Adresse  Ville DEMANDEUR CONTRE : Bio Philippe Auguste SARL 114, Avenue Philippe Auguste 75011 Paris DEFENDEUR. DISPOSITION ATTAQUEE : Le 2° de l’article L.1243-10 du code du travail qui dispose : « L'indemnité de fin de contrat [à durée déterminée] n'est pas due :[…]2° Lorsque le contrat est conclu avec un jeune pour une période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires ; »
I.Faits et procédure M. David VAN DER VLIST, étudiant àl’université Paris 1, PanthéonSorbonne a été embauché par la SARL BIO PHILIPPE AUGUSTE du21 au 24 décembre 2010contrat à durée déterminée, par s’exécutant durantses vacances universitaires. A l’issue de son contrat, en application du2° de l’article L. 124310 du code du travail, l’indemnité de précarité prévue à l’articleL. 12438 du même codene lui a pas été versée. Il a donc saisi le Conseil de prud’hommes de Paris afin d’en obtenir le versement. Dans un premier temps, M. VAN DER VLIST a demandé la transmission d’une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne, estimant cette disposition contraire au principe de non discrimination en fonction de l’âge.Dans un second temps, il a posé une question prioritaire de constitutionnalitépar un mémoire distinct.En vue de l’audience du Conseil de prud’hommesdu6 décembre 2013à la question relative prioritaire de constitutionnalité, il a pris des conclusions en vue d’obtenir la transmission conjointe de la question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne. Par un jugement n° F 12/02587 du10 janvier 2014, le Conseil de Prud’hommes a transmis la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation, en transmettant matériellement ces conclusions visant à la transmission conjointe des deux questions, en se réservant la possibilité de transmettre ultérieurement la question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne. Par un arrêt n° U 1440.001 du9 avril 2014, la Chambre sociale de la Cour de Cassation, a renvoyé la question prioritaire de constitutionnalité devant votre Conseil conformément à l’avis de son Rapporteur et de son Avocat Général.
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II.Sur la recevabilité er Aux termes du 1alinéa de l’article 235 de l’ordonnancen° 581067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionneldans sa rédaction issue de laorganique loi n°20091523 du 10 décembre 2009 : « Devantles juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. » 1. a.Votre Conseil jugera quela circonstance qu’une question prioritaire de constitutionnalité porte également sur la transmission d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne ne saurait être interprétée commecontraire à l’exigence d’un mémoire distinct.En effet, comme le relèventtout à la fois l’Avocat général devant la Cour de Cassation et votre ème Conseil dans le 8considérant de sa décision n° 2009595 DC du 03 décembre 2009,« en exigeant que le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soit présenté dans un écrit distinct et motivé, le législateur organique a entendu faciliter le traitement de la question prioritaire de constitutionnalité et permettre que la juridiction saisie puisse juger, dans le plus bref délai afin de ne pas retarder la procédure, si cette question doit être transmise au Conseil d'État ou à la Cour de cassation ». La demande conjointe d’une transmission d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne n’a pas pour effet d’entraver une telle transmission.Elle n’est donc pas contraire à la disposition susvisée interprétée à la lumière de sa finalité.b.Votre Conseil notera, en outre, que la faculté de demander à la fois aux juridictions du fond et aux Cours supérieures, latransmission d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne conjointement à une question prioritaire de constitutionnalité est expressément consacrée par votre jurisprudence (CC, 12 mai 2010,Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, n°2010605 DC, cons. 15), suivie par la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat et la Cour de justice de l’Union Européenne (Cass, Ass., 29 juin 2010,Melki, n° 1040.001 ; CE, 14 mai 2010,M.Senad B, n°312305 ; CJUE, 22 juin 2010,Melki, C 188/10). 3
Interdire aux demandeurs à la question prioritaire de constitutionnalité de prendre des conclusions en vue d’une transmission conjointe d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne priverait cette faculté de toute effectivité. er Le 1alinéa de l’article 235 de l’ordonnancen° 581067 du 7 novembre 1958 susvisé ne saurait donc être interprété comme s’opposant à ce qu’un mémoire porte à la fois sur une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité et d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union Européenne. 2.Au demeurant, si le Conseil de prud’hommes a commis une erreur matérielle au stade de la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité en transmettant les« conclusions récapitulatives »,Conseil constatera votreque cette dernière a été faite dans le cadre d’un mémoire autonome (envoi renouvelé en format électroniqueau sortir de l’audience à la demande de la magistrate départitrice ;pièce 1). La question prioritaire de constitutionnalité est donc recevable III.A titre liminaire, surl’origine de la disposition législative contestée Le2° de l’article L. 124310 du code du travailest issu de la recodification de sonarticle L. 1223 4dans sa rédaction issue del’article 8 de laloi n° 90613 du 12 juillet 1990 favorisant la stabilité de l'emploi par l'adaptation du régime des contrats précaires.Antérieurement à cette loi, les jeunes travaillant pendant leurs vacances universitaires ou scolaires avaient le droit au bénéfice de l’indemnité de précarité dans les mêmesconditions que les autres salariés. L’élaboration de cette loi est particulièrement instructive.Fin 1989, une proposition de loi portant sur les formes précaires d’emploi était déposée à l’Assemblée Nationale et un projet de loi portant sur le même sujet étaitrédigé avant d’être présentéen Conseil des Ministresle 6 décembre 1989.Alors que le processus législatif était engagé,le 15 novembre 1989, le CNPF initiait une négociation 4
nationale interprofessionnelle sur la question. Le 24 mars 1990,un accord national interprofessionnel était conclu en dépit de l’opposition de deux des principales organisations syndicales représentatives au niveau national (la Confédération générale du travail et la Confédération générale du travailForce ouvrière). Ainsi que le soulignait le Rapporteur du texte à l’Assemblée nationale« il est manifeste que la négociation entre les partenaires sociaux a abouti à un assouplissement des mesures législatives retenues aussi bien par la proposition de loi que dans le projet initial du Gouvernement, avec pour compensation une amélioration de la situation des salariés en contrat à durée déterminée ou en 1 intérim, notammenten matière de formation et d'assurancechômage ».C’est dans ce contexte que l’article 14 de l’accord national interprofessionnel excluait les jeunes travaillant pendant leurs vacances universitaires ouscolaires du bénéfice de l’indemnité de précarité, à laquelle ils avaient droit auparavant. L’article 47 de l’accord national interprofessionnelprévoyait :« La validité du présent accord est subordonnée à l’adoption de l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à son application,à l’exclusion de toutes autres modifications du régime du contrat de travail à durée déterminée et du travail temporaireactuellement en vigueur que les parties signataires considèrent comme faisant partie intégrante de leur accord ». Le Rapporteur du projet de loi à l’Assemblée Nationale, Alain VIDALIES, dénonçait alors avec véhémence« une immixtion des partenaires sociaux sans précédent dans les prérogatives naturelles 2 du législateur ».Le Ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, JeanPierre SOISSON ajoutait que« Cetteclause, de nature résolutoire, a pu être perçue comme visant à paralyser l'initiative du Parlement et à lier sa compétence. Qu'elle n'ait pas et ne puisse avoir en réalité une telle portée sur le plan juridique ne diminue en rien sa nocivité. C'est dire que je la réprouve sans hésitation et sans 3 ambiguïté ».En dépit de cette dénonciation sans équivoque, le législateur reprenaitpour l’essentiel le contenu de l’accord national interprofessionnel tout en l’amendant à la marge.1 erème JOAN du 1juin 1990, 2séance, p. 1931 2 erème JOAN du 1juin 1990, 2séance, p. 1929 3 erème JOAN du 1juin 1990, 2séance, p. 1934 5
Ainsi, l’article 8 de la loi n°90613 du 12 juillet 1990susvisée reprend quasiment littéralement l’article 14 de l’accord national interprofessionnel.Le b) de l’articledu code du travailL. 12234 devenu2° de l’article L.124310 estune reprise littérale de l’accord.Il est paradoxal qu’ayant tenté de se substituer au législateur, les partenaires sociaux, à l’initiative du CNPF n’aient pas été vigilants au respect des exigences constitutionnelles s’attachant notamment à la rédaction de la loi. IV.Sur le fond A.Sur l’incompétencenégative et la méconnaissance de l’objectif de clarté et d’intelligibilité de la loi combinées au principe d’égalité et à la liberté d’entreprendre4 1.De longue date, votre Conseilsanctionne l’incompétence négative du législateur , c’estàdire le fait pour le législateur dene pas épuiser la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution.Cela recoupe deux hypothèses : la délégation expresse par le législateurdu pouvoir qu’il tient de l’article 34 de la Constitution (voir pour une délégation à l’administration: CC n° 6731 DC du 26 janvier 1967,Loi organique modifiant et complétant l’ordonnance n°581270du 22 décembre 1958; CC n° 2014393 QPC du 25 avril 2014,M. Angelo R.; pour une délégation à l’institution judiciaire: CC n° 7556 DC du 23 juillet1975 Loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 3981 du code de procédure pénale; pour une délégation aux partenaires sociaux CC n° 2014388 QPC du 11 avril 2014Confédération générale du travailforce ouvrière et autre) ; la délégation implicite résultant del’imprécision du texteopérant une délégation de fait de ce 4  Voirnotamment CC n° 6731 DC du 26 janvier 1967,Loi organique modifiant et complétant l’ordonnance n°581270 du 22 décembre 1958; CC n°7146 DC du 20 janvier 1972,Loi organique modifiant certaines dispositions du Titre II de l’ordonnance n°58998 du 24 octobre 1958portant loi organique relative aux conditions d’éligibilité et aux incompatibilités parlementaires6
pouvoir au stade de sa mise en œuvre (voir par exemple CC n° 99423 DC du 13 janvier 2000 Loi relative à la réduction négociée du temps de travail), ce qui peut notamment résulter de l’absence de garanties poséesdans le cadre d’un renvoiau pouvoir réglementaire en principe conforme à la Constitution (voir par exemple CC n° 93322 DC du 28 juillet 1993,Loi relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel).2.Si l’incompétence négative du législateur n’est pas, en soi, constitutive d’un droit ou d’une liberté que la Constitution garantit au sens de sonarticle 611, celleci peut avoir poureffet d’engendrer une atteinte à un droit ou une liberté fondamentale, ainsi que le relève le Rapporteur public Paul Bouchet dans ses conclusions rendues sur l’arrêt du Conseil d’EtatSNC KimberlyClark(CE, 23 avril 2010, 5 n°327166):« Si le législateur doit, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, exercer pleinement sa compétence, c'est parce qu'en restant au milieu du gué, il ouvre en réalité la voie à une violation, au stade de l'application de la loi, des droits et libertés garantis par la Constitution. On trouve cette idée exprimée dans de nombreuses décisions du Conseil constitutionnel qui censurent des incompétences négatives : ainsi, une décision n° 85198 DC du 13 décembre 1985 relève que les interventions sur des propriétés publiques et privées prévues par la loi déférée « pourraient,faute de précisions suffisantes, entraîner une atteinte à des droits et libertés constitutionnellement garantis qu'il appartient à la loi de sauvegarder », et « que, si la mise enœuvred'une telle sauvegarde relève d'un décret d'application, il revenait au législateur de déterminer luimême la nature des garanties nécessaires »Ceci revient à dire, selon une autre formule consacrée par la jurisprudence, que, au moins dans certains cas, la carence du législateur, qui ouvre la porte à l'arbitraire, conduit à priver de « garanties légales » des droits ou libertés garantis par la Constitution. Il pourrait paraître logique, dès lors, d'admettre l'invocation de l'incompétence négative du législateur à l'appui d'une QPC toutes les fois qu'il apparaît, en bref, que, eu égard notamment à l'objet de la loi critiquée, la carence alléguée serait de nature à mettre en cause des droits et libertés garantis par la Constitution ».Votre jurisprudence reconnaît par conséquentla possibilité d’invoquer l’incompétence négative du législateurcombinéeà l’objectifde clarté et d’intelligibilité de la loilors que celleci porte dès atteinte à un droit ou une liberté constitutionnellement garanti en jugeant : « qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ;que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter desdispositions suffisamment précises et des formules non équivoques;qu'il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles 5  PaulBouchet,L'incompétence négative du législateur ;Conclusions sur Conseil d'État, 23 avril 2010,SNC KimberlyClark, req. n° 327166 ; RFDA 2010 p.704 7
le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;» CC n° 2013336 QPC du 01 août 2013,Société Natixis Asset Management,cons. 17 3.Dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité, votre Conseil a notamment eu l’occasionde censurer des situations d’incompétence négative affectant: Le droit à la propriété intellectuelle, la liberté de communication (CC n° 201045 QPC du 6 octobre 2010,M. Mathieu P., cons. 5) ; Le droit à un recours juridictionnel effectif (CC n° 2012298 QPC du 28 mars 2013,SARL Majestic Champagne, cons. 6) ; Le droit de propriété (CC n°2013343 QPC du 17 septembre 2013,Epoux L., cons 7) ; La liberté d’entreprendre et les droits collectifs des travailleurs (CC n° 2014388 QPC du 11 avril 2014,Confédération Générale du Travail Force Ouvrière et autre,cons. 7) ; Les droits et libertés constitutionnellement garantis dont bénéficient les détenus dans les limites inhérentes à la détention (CC n° 2014393 QPC du 25 avril 2014,M. Angelo R., cons. 6 et 7). Si votre Conseiln’a –sembletilpas été saisi pour l’instant d’hypothèses d’incompétence négative affectant le principe constitutionnel d’égalité,cette situation ne devrait pas poser de difficulté. Votre Conseil a eu l’occasion de juger que le principe d'égalité est au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit, au sens del’article 611 de la Constitution. CC n° 20101 QPC du 28 mai 2010,Consorts L.CC n° 20103 QPC du 28 mai 2010,Union des familles en EuropeCC n° 201013 QPC du 09 juillet 2010,M. Orient O. et autreEn outre, dans le cadre de son contrôle a priori, votre Conseil a à plusieurs reprises fait une application combinée des griefs tirés de l’incompétence négative et de la violation duprincipe d’égalité, que ce 6 7 soit implicitementou explicitementen jugeant«que ces dispositions, tant par leur ampleur quepar 6  CCn° 7556 DC du 23 juillet 1975,Loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 3981 du code de procédure pénale, cons. 4 à 6) 7 CC n° 2001452 DC du 06 décembre 2001,Loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, cons.7 8
leur imprécision,portent au principe d'égalité devant la loi une atteinte disproportionnée». 4.En l’espèce, l’incompétence négativeet la méconnaissancede l’objectifde clarté et d’accessibilité de la loi sont patentes. Le 2° de l’article L. 124310 du code du travaildispose en effet : « L'indemnité de fin de contrat [à durée déterminée] n'est pas due :[…]2° Lorsque le contrat est conclu avecun jeune pourune période comprise dans ses vacances scolaires ou universitaires ; » Le législateur, alors même qu’il institue une différence de traitementà son détriment, ne prend pas la peine de définir avec précision la catégorie de salarié visée au travers de la notion de« jeune ». Il n’existepourtant pas de définition homogène du« jeune » dansle code du travail susceptible de combler cette carence: le jeune est tantôt le salarié de moins de 18 ans (L. 31611du code du travail), tantôt le salarié de 25 ans ou moins (L. 62221 du code du travail), tantôt le salarié de moins de 26 ans ou de moins de 30 anss’il esthandicapé (L. 512117 du code du travail), tantôt le salarié de moins de 30 ans handicapé ou non (L. 552222 du code du travail),L’absence de définition de la notion de jeuneentraîne un total arbitraire, aussi bien dans la mise en œuvre de cette dispositionpar les employeurs, que dans le contrôle opéré par les juridictions, quasiment exclusivement en première et dernière instance, compte tenu des montants en cause. 8 L’Avocat:général devant la Cour de Cassation notait ainsi «Si l’on peut être étudiant à 18, 20 ou 25 ans, on peut l’être tout autant à 30, 40 ou 50 ans, voire audelà. Même d’âge mûr, un étudiant, surtout s’il est chômeur de longue durée, peut fort bien êtreamené à conclure un contrat à durée déterminée pendant les vacances universitaires. Quelle frontière retenir ? Estce à 25 ans, 26 ans, 30 ou 35 ansque l’on cesse d’être «jeune » au sens de la loi ? Qui en décidera? […]Les propos du ministre du travail ont pour effet de consacrer une inégalité entre les étudiants selon qu’ils sont considérés comme «jeunes »ou comme «nonjeunes »par leurs employeurs ou, le cas échéant, par le juge prud’homal et qui de ce fait,en vertu de l’appréciation purement arbitraire de ces derniers, se verront ou non privés de l’indemnité de fin de contrat».L’absence de définition de la notion de« jeune »,le cadre de cette disposition créant une dans différence de traitement,est intrinsèquement contraire au principe constitutionnel d’égalité.8 Conclusions de l’Avocat Général de la Cour de Cassation page 79
En outre, cette situation engendre une rupture d’égalité au stade de sa mise en œuvre en fonction de l’appréciation de la notion de« jeune »par les employeurs des étudiants concernés et, le cas échéant, les jugescontrôlant la mise en œuvre de cette disposition.9 C’est notamment ce qu’a relevé le Conseil de Prud’hommesen précisant que : « la notion de « jeune» apparaît particulièrement floue en l’absence de définition plus précise sur la tranche d’âge concernéeet est susceptible de ce fait de générer des inégalités entre étudiants».Réciproquement, cette situation ne permet pas aux employeurs embauchant des étudiants pendant leurs vacances universitaires ou scolaires d’anticiper la rémunération globale qui leur est due en violation de la liberté contractuelle et de la liberté d’entreprendre.5.Votre Conseil notera de surcroît qu’il est matériellement impossible de justifier une différence de traitement sans avoir défini lacatégorie de personnes qui en fait l’objet. L’appréciation d’une différence de situation ou de l’existence d’un motif d’intérêt généraljustifiant la différence de traitement opérée pourrait être différente, si était défini comme jeune le salarié de moins de 18 ans ou le salarié de moins de 35 ans. Pour la même raison, il n’estpas d’avantage possible d’exercerun véritable contrôle de la différence de traitement opérée. Cette situation n’est pas sans rappeler les hypothèses où dans le cadre de sonactivité en matière électorale, votre Conseil estime être dans l’incapacité d’exercer sa mission de contrôle ce qui le conduit à annuler l’ensemble des opérations électorales(voir par exemple : CC n° 2007139 PDR du 25 avril 2007 cons 7 ; CC n° 200538 REF du 1 juin 2005 cons. 3). * * * Votre Conseil jugera donc que le 2° de l’article L.124310 du code du travail est entaché d’incompétence négative et d’une violation de l’objectifde clarté et d’intelligibilité de la loi dans des conditions portant atteinte au principe constitutionnel d’égalité et à la liberté d’entreprendre.Il sera donc abrogé.
9 Décision du Conseil de prud’hommes page 6
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B.Sur la violation directe du principe constitutionnel d’égalitéer Aux termes del’article 1de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dont la valeur constitutionnelle a été consacrée (CC 16 juillet 1971,Liberté d’Association, n°7144 DC) : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » L’article 6 du même texteprécise : « La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.[…]»L’article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958dispose : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. » VotreConseil Constitutionnel a élevé le principe d’égalité au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République dans sa décision n°79107 DC, du 12 juillet 1979,Ponts à péages, Rec. 31et régulièrement fait application de ce principe dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité (voir par exemple : CC n° 20101 QPC du 28 mai 2010,Consorts L.; CC n° 20103 QPC du 28 mai 2010,Union des familles en Europe; CC n° 201013 QPC du 09 juillet 2010,M. Orient O. et autre). A titre liminaire,votre Conseil constatera que si la disposition attaquée est une transposition fidèle de l’accord national interprofessionnel susvisé, le législateur ne semble pas avoir compris la raison d’être de cette différence de traitement. Au cours de l’examen del’article 6 projet de loi, unamendement était déposé pour supprimer cette disposition. Le Rapporteur et le Ministre ont donné des justifications radicalement différentes etéminemment
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