Aux origines du 16 mai 1877 : Mgr de Ladoue et Lucien Gueneau - article ; n°166 ; vol.61, pg 37-59
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Description

Revue d'histoire de l'Église de France - Année 1975 - Volume 61 - Numéro 166 - Pages 37-59
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

André Thuillier
Aux origines du 16 mai 1877 : Mgr de Ladoue et Lucien
Gueneau
In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 61. N°166, 1975. pp. 37-59.
Citer ce document / Cite this document :
Thuillier André. Aux origines du 16 mai 1877 : Mgr de Ladoue et Lucien Gueneau. In: Revue d'histoire de l'Église de France.
Tome 61. N°166, 1975. pp. 37-59.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_0300-9505_1975_num_61_166_1540AUX ORIGINES DU 16 MAI1877 :
Mgr de LADOUE et Lucien GUENEAU
« II faut qu'il y ait une raison pour que dans le pays de saint Louis
et de Jeanne d'Arc, dans la ville de sainte Geneviève, quand on se met
à parler du christianisme, tout le monde comprend qu'il s'agit de Mac
Mahon, et quand on se prépare à parler de l'Ordre chrétien, pour que
tout le monde comprend qu'il s'agit du Seize Mai » : cette petite phrase
de Péguy 1 n'est peut-être pas sans fondement. La crise du Seize Mai
a été un révélateur des tensions multiples d'une société en pleine mutat
ion. Dans la Nièvre, un prélat zélé, courageux, aux tendances mysti
ques, fervent ultramontain, semble avoir, par ses initiatives imprudentes,
joué un certain rôle dans le déclenchement de la crise du Seize Mai.
Certes, faute de correspondances privées, il nous manque bien des
éléments dans ce dossier : mais on ne peut qu'être frappé par cet enchaî
nement de faits mineurs, de maladresses, d'imprudences, de malentendus
qui, comme l'a bien montré M. Gadille a, ont suscité l'ordre du jour
du 4 mai 1877 et la chute de Jules Simon : les crises politiques — hier
comme aujourd'hui — sont souvent provoquées par des querelles
locales imprévisibles 8. Nous voudrions analyser ici brièvement quelques
éléments de ce dossier complexe, qui permet de mieux comprendre
les quelques semaines qui précédèrent le Seize Mai4.
1. L'argent, p. 33, cité par E. Dennery, dans sa préface au catalogue de l'Expos
ition Charles Péguy, 1974, p. vu.
2. La pensée et l'action politiques de Vépiscopat français 1870-1883, 1967 (notam
ment t. II, p. 59-63).
3. L'étude mériterait d'être reprise en détail avec le secours des archives du
Vatican (infra, note 23) et des archives — jusqu'à présent inaccessibles — de l'évêché
de Nevers.
4. L'affaire de Mgr de Ladoue est exposée très brièvement dans D. Halevy,
La république des ducs, rééd. 1972 (qui parle de Mgr Lanoue), et surtout dans
Gabriel Hanotaux, Histoire de la France contemporaine (1871-1900), t. III, la
présidence du Maréchal de Mac Mahon, p. 691-711, qui donne le meilleur exposé
sur les prodromes de la crise du 16 mai. On trouvera les documents rassemblés
dans le Répertoire politique, Année 1877, de Ch. Valframbert (1878, notamment
p. 22-24), et l'Année politique de Daniel (1878, p. 125-127). • 38 ANDRÉ THUILLIER
L'évêque de Nevers, Mgr de Ladoue, a 59 ans en 1877 5. Né en juillet
1817 dans une famille très légitimiste 6, élève de l'école de marine d'An-
goulême supprimée en 1830, il entre en 1831 au collège de Juilly et
suit l'abbé Gerbet dans la maison des hautes études de Thieux 7. En
1838 il entre à Saint- Sulpice. Ordonné en 1840, professeur de philoso
phie au grand séminaire de Dax, il devient en 1849 vicaire général de
Mgr de Salinis, évêque d'Amiens, qu'il accompagnera en 1856 à Auch.
Son ultramontanisme lui ôte l'espoir d'avoir tout évêché sous l'Empire 8.
Il vit dans la retraite à partir de 1861, publie une Vie de Mgr de Salinis,
une Vie de Mgr Gerbet. En 1871 Thiers s'oppose à sa nomination comme
évêque • : « Ses opinions ultramontaines et son intimité avec M. Veuillot »,
déclare le préfet du Gers, « sont très connues. Il est, comme adminis
trateur, de relations difficiles, d'un caractère entier et passionné, et
je sais que pendant le temps où il a administré le diocèse sous la direction
de M. de Salinis il a causé de fréquentes et de réelles difficultés à mes
prédécesseurs. Je craindrais enfin que la nomination de M. de Ladoue
ne fût pas heureuse dans le temps agité que nous traversons » 10. C'est
« un bon prêtre, un homme intelligent, mais il est violent et d'un carac
tère très difficile ».
A la chute de Thiers, il est nommé à Nevers, que vient de quitter
Mgr Forcade u. C'est un évêque passionné, militant, efficace, bon théolo-
5. Sur Mgr de Ladoue, on se reportera à J. Tolra de Bordas, Mgr de Ladoue.
Esquisse biographique... suivie du résumé des conférences centrales de Nevers sur le
libéralisme catholique (1878, 186 pages), et à l'article nécrologique de Bonnety
dans les Annales de philosophie chrétienne (août 1877, p. 108-134).
6. Le préfet des Landes note, en 1855 : « Cette famille est à Saint-Sever la personni
fication du légitimisme le plus exalté. Sous la Restauration, M. de Ladoue père poussa
jusqu'au ridicule, et parfois peut-être l'impertinence, son dévouement à la branche
aînée des Bourbons. Il était un peu ce qu'on appelait alors un jacobin blanc. Le
Drapeau blanc, la Quotidienne étaient les interprètes de ses pensées. Ses enfants furent
élevés dans ces principes et comme ils n'étaient pas d'âge à figurer dans le monde
quand survint la révolution de 1830, la famille entière se montra toujours prête
à protester contre la dynastie que ce -mouvement plaça sur le Trône » (dossier de
Mgr de Ladoue, Arch. Nat., F 19 2547).
7. Ladoue n'a que 14 ans à cette date.
8. On lui reprochait d'être l'instigateur des entreprises ultramontaines de Salinis
(cf. Tolra de Bordas, ouv. cité, p. 17-18, p. 21). Rouland lui aurait dit : « Monsieur
l'abbé, sachez que vous ne serez jamais évêque ».
9. Ibid., p. 40-41. Rome et la nonciature poussaient sa candidature et Jules
Simon avait cédé.
10. Lettre du 19 mai 1871 (Arch. Nat., F 19 2547). L'évêque d'Amiens, consulté,
se montra extrêmement réservé.
11. Louis Veuillot écrit au comte de Guitaut, ami de Ladoue au début de juin
1873 : « Je n'ai cessé d'avoir les yeux sur M. de Ladoue. Je l'ai demandé pour Amiens,
je le demanderai volontiers pour tout, et la nonciature tout autant. Malgré son
soin de se cacher, il est plus visible que personne » [Correspondance de Veuillot,
t. XI, p. 204). Le ministre Batbie, « étranger aux dissidences intérieures entre catho
liques », avait nommé Ladoue « pour faire honneur au clergé du pays qu'il représent
ait » et « Broglie, alors chef du gouvernement, n'avait point fait obstacle à cette ORIGINES DU 16 MAI 1877 39
gien plus qu'homme politique, grand légitimiste — il écrira au comte
de Chambord en prenant possession du siège 12 — , assez aimé dans son
diocèse. « M. de Ladoue, malgré l'exaltation de ses opinions religieuses,
avait le caractère doux et bienveillant, il était plutôt mystique que
violent et il s'était fait aimer de son clergé, sur lequel avait pesé si
longtemps l'autorité hautaine et despotique de Mgr Forcade » u. Mais
c'est un doctrinaire, fermement antilibéral 14, intransigeant, fidèle à
Rome et aux doctrines de Y Univers, un « néo-ultramontain » des plus
actifs et très pénétré de ses devoirs de pasteur15.
En décembre 1876, il fait une visite ad limina et en revient convaincu
de la nécessité de défendre la liberté religieuse par tous les moyens.
Quand Pie IX, dans son allocution consistoriale du 12 mars 1877,
réclame l'appui de tous les catholiques, Ladoue obéit en quelque sorte
militairement et, le 3 avril, il adresse une lettre pastorale communiquant
l'allocution du pape :
« Nous accomplirons de notre mieux », déclare-t-il, « cette difficile mission
qui nous est confiée ; nous mettrons sous les yeux de celui qui est la tête de
notre gouvernement les prières et les sollicitations du chef de notre Église ;
nous lui exposerons la gêne et la contrainte qu'il éprouve pour exécuter les
fonctions de sa charge divine ; et nous le conjurerons de bien vouloir user
de sa haute influence pour que le Souverain Pontife soit respecté dans ses
droits essentiels, et que la liberté de son ministère ne

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