Débat avec André Dumas, Paul Guiberteau, Pierre Jacquet, Claude-François Jullien et Thierry de Montbrial - article ; n°1 ; vol.38, pg 85-96
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Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1993 - Volume 38 - Numéro 1 - Pages 85-96
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 28
Langue Français

Extrait

André Dumas
Mgr Paul Guiberteau
Pierre Jacquet
Claude-François Jullien
Thierry De MONTBRIAL
Débat avec André Dumas, Paul Guiberteau, Pierre Jacquet,
Claude-François Jullien et Thierry de Montbrial
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°38, 1993. pp. 85-96.
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Dumas André, Guiberteau Mgr Paul, Jacquet Pierre, Jullien Claude-François, De MONTBRIAL Thierry. Débat avec André
Dumas, Paul Guiberteau, Pierre Jacquet, Claude-François Jullien et Thierry de Montbrial. In: Autres Temps. Les cahiers du
christianisme social. N°38, 1993. pp. 85-96.
doi : 10.3406/chris.1993.1587
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1993_num_38_1_1587DEBAT
Paul Guiberteau
Les Églises, créatrices de valeurs éthiques
Jusqu'à une époque récente, la société reconnaissait explicitement, ou
implicitement, que les religions étaient utiles à l'élaboration d'un mode
de vie individuel, mais aussi au jeu social, et que, par excellence, les
Églises se devaient d'être en mission dans la société. Même l'athéisme
philosophique du XVIIIe siècle a continué à penser que le prêtre était
agent moral. Un certain consensus semblait reconnaître à l'Église ce rôle
de gardienne des valeurs morales et par conséquent lui laisser une
certaine fonction critique dans le jugement porté sur les conduites des
individus — ce qui pouvait s'expliquer clairement lorsqu'il s'agissait de
ses adeptes — mais aussi de jugements sur la société, ses lois, etc. Cet
aspect est demeuré d'une certaine manière ; on le perçoit dans les
interrogations qui parviennent fréquemment aux responsables des Égli
ses, à travers les émissions de télévision auxquelles ils participent ou dans
des discussions sur les faits de société. Moi-même, ayant de temps en
temps été sur ces plateaux, j'ai bien senti peser sur moi non seulement
l'interrogation que l'on portait sur l'homme que je suis, la manière dont
je vois la société, le travail que j'y accomplis, mais aussi sur l'homme de
l'appareil religieux, et c'est à ce dernier que l'on demandait effectiv
ement : « qu'en pense l'Église ? ». Les Églises sont ainsi conçues comme
créatrices de valeurs éthiques. S'expliquant devant la société, les respon
sables religieux expriment l'idée que la foi en Jésus-Christ implique des
attitudes concrètes, commandées par une certaine vision de l'homme,
dans son rapport à autrui, dans son rapport avec la société. Les religions,
en particulier la religion catholique dans laquelle je me situe, semblent
avoir ainsi une certaine fonction de type sapientiel primordiale, même si,
pour l'enseignement théologique le plus orthodoxe, en fidélité à la
parole de Dieu, l'homme grandit, créateur de sa propre liberté et de
celle des autres. Il ne s'agit pas simplement de définir les frontières du
bien et du mal — jusqu'où aller ? jusqu'où ne pas aller ? — mais de
répondre aux besoins d'une vie accomplie, d'une solidarité personnelle,
institutionnelle et communautaire.
85 Quelle place peut avoir cette fonction sapientielle dans la société qui
se construit en Europe ? Elle vise bien sûr les consciences individuelles à
travers la conversion des personnes, l'exemplarité du Christ et la grâce.
Ceci relève du problème du croyant, de son Église, de sa foi ; mais la
fonction sapientielle déborde la conscience individuelle et vise le socle
des convictions éthiques d'un pays ou d'une civilisation. L'Église parle
en son nom et au nom de ce socle de convictions. Nous nous trouvons
ainsi face à une pluralité de convictions éthiques et de comportements
moraux. Quel rôle ont les Églises devant le caractère ambigu de ces
demandes morales ? Elles n'ont pas le monopole de l'éthique, ce n'est
pas leur premier rôle, même si on leur demande de le tenir. La
préoccupation morale surgit d'une réflexion humaine sur l'homme, sur
son devenir, sur ce qu'il est, ce qu'il est capable de faire, sur son action
dans la société. Même si nous croyons que l'héritage judéo-chrétien
contribue à définir un certain type d'homme, et si l'Église chrétienne
parle de sa justification et de sa valeur à partir d'une révélation, je retiens
ce mot d'un théologien français qui affirmait que, « hors de la sphère
proprement cultuelle, tout ce qui se commande au nom de Dieu doit
pouvoir se justifier au seul nom de l'homme ». Ce qui rejoint la pensée
du pape Jean-Paul II disant que la route de l'Église est la route de
l'homme. Le sens de ces affirmations sur le droit de l'homme, sur sa
dignité, doit permettre le dialogue éthique qui se construit forcément
dans une société considérée, à travers ses jugements, ses lois et son
développement scientifique. Le dialogue doit pouvoir s'établir entre
croyants et non-croyants, pour l'élaboration d'une éthique, dans un jeu
social dans lequel la société tout entière est prise, et où son avenir est en
question. C'est dans ce sens qu'il est important pour l'Église de tenir à la
fois une fonction sapientielle et une fonction critique au nom même de
cette conception de l'homme.
Faut-il postuler un rôle des Églises dans la société de débat, et des
Églises en tant que telles, pleinement engagées dans la genèse de
l'Europe ? Comment les Églises peuvent-elles dès aujourd'hui participer
aux responsabilités communes avec, par exemple, l'Europe des savants,
l'Europe des marchands ou des peuples ? C'est le problème du statut
public ou non de la parole des Églises dans une société civile. Monsei
gneur Vilnet, dans un colloque qui eut lieu sur la laïcité, disait que « les
Églises auraient à en attendre d'être reconnues et garanties en tant que
regroupement de croyants, car l'adhésion religieuse qu'elles suscitent et
soutiennent n'est pas purement individuelle et privée. Elles ont une
démarche publique et collective ». Et nous savons que ces questions ne
peuvent pas ne pas se poser dans l'Europe de demain, tellement sont
86 différents les types de relations entre les Églises. Pensons à celles des
Églises orthodoxes par rapport aux sociétés civiles dans les différents
états qui composent cette Europe de l'Est.
Pourtant, le rôle des Églises n'est pas seulement d'ordre éthique,
même si c'est cela que la société leur demande. L'Église est un lieu où se
dit le sens du sens, c'est-à-dire la signification des actes que nous posons,
et qui ne sont pas simplement des actes côte à côte, individuels, dans une
histoire où la vie et la mort ont une signification. La fonction prophétique
des Églises est celle que jouent les mystiques et les saints, qui ont pris au
sérieux dans leur existence individuelle, ou dans leur vie sociale,
l'Évangile, les Béatitudes, leur identité avec Jésus-Christ. Rappelons-
nous Saint Paul : « le langage de la croix est folie, ce qui est folie de Dieu
est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort
que les hommes » (1 Cor 1/25). C'est bien cette sagesse supérieure qu'il
faut demander aux Églises, c'est une valeur religieuse. Qui peut dire que
le monde d'aujourd'hui et que nos sociétés n'ont pas besoin de la
révélation d'un autre type de sagesse, d'un nouveau type de sainteté, des
cris du mystique, pour signifier cet ordre différent qu'illustrait Pascal :
« Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes ne
valent pas le moindre des esprits ; car il connaît tout cela, et soi ; et les
corps, rien. Tous les corps ensemble et tous les esprits ensemble, et
toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de
charité. Cela est d'un ordre infiniment plus élevé. De tous les corps
ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée ; cela est
impossible et d'un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n'en
saurait tirer un mouvement de vraie charité : cela est impossible, et d'un
autre ordre, surnaturel ». Pensons aux révolutions spirituelles dues à des
individualités fortes, à

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