Europe : une évaluation théologique des valeurs en jeu - article ; n°1 ; vol.30, pg 46-59
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Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1991 - Volume 30 - Numéro 1 - Pages 46-59
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Adrian Geense
Europe : une évaluation théologique des valeurs en jeu
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°30, 1991. pp. 46-59.
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Geense Adrian. Europe : une évaluation théologique des valeurs en jeu. In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social.
N°30, 1991. pp. 46-59.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1991_num_30_1_1454OUVERTURES
EUROPE :
UNE ÉVALUATION
THÉOLOGIQUE
DES VALEURS EN JEU
Adriaan Geense
Après l'historien, l'économiste, le juriste, c'est maintenant le théolo
gien qui est invité à réfléchir sur l'Europe. Il s'agit d'une réflexion sur
l'endroit où nous nous trouvons et en même temps sur l'endroit où
nous ne sommes pas encore. Pour le peuple de Dieu, il est bon de s'ar
rêter un moment pour réfléchir avant d'entrer dans un pays nouveau.
Ce pays sera-t-il la terre promise? Et si oui, sous quelles conditions?
Je pourrais m'acquitter de ma tâche en vous invitant à une lecture du
livre du Deutéronome, au chapitre 6, qui décrit la situation spirituelle
du peuple de Dieu, en train d'achever ses pérégrinations dans le désert
et s'apprêtant à prendre possession de la terre promise. Il serait pos
sible d'y écouter la voix de Moïse et la voix du Seigneur - tout comme
nous avons écouté la voix de l'historien, de l'économiste et du juriste :
« Quand le SEIGNEUR ton Dieu t'aura fait entrer dans le pays qu'il a
juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de te donner - pays de villes
grandes et bonnes que tu n'as pas bâties, de maisons remplies de
toutes sortes de bonnes choses que tu n'y a pas mises, de citernes prêtes que tu n'as pas creusées, de vignes et d'oliviers que tu
n'as pas plantés - alors, quand tu auras mangé à satiété, garde-toi bien
d'oublier le Seigneur qui t'a fait sortir du pays d'Egypte, de la maison
Adriaan Geense est professeur de dogmatique à l'Université de Genève. Ce texte a
été prononcé à Paris au printemps 90, lors du colloque qui s'est tenu au DÉFAP sur le
thème : « L'Europe : un marché commun des valeurs ».
46 de servitude. C'est le SEIGNEUR que tu craindras, c'est lui que tu ser
viras, c'est par son nom que tu prêteras serment... Vous garderez a
ttentivement les commandements, les édits et les lois du Seigneur votre
Dieu, ce qu'il t'a prescrit. Tu feras ce qui est droit et bien aux yeux du
SEIGNEUR, pour être heureux et entrer prendre possession du bon
pays que le SEIGNEUR a promis par serment à tes pères, en repous
sant loin de toi tous tes ennemis comme le SEIGNEUR l'a promis. Et
demain, quand ton fils te demandera : « Pourquoi ces édits, ces lois et
ces coutumes que le SEIGNEUR notre Dieu vous a prescrites ? » alors,
tu diras à ton fils : « Nous étions esclaves de Pharaon en Egypte, mais,
d'une main forte, le Seigneur nous a fait sortir d'Egypte ». Il s'agit ici relation de l'expérience de l'Exode, de la libération ayant pour
but l'installation dans la Terre Promise, où la liberté qui est à la base
de l'existence du peuple doit servir à la construction de la vie sociale.
Si les premiers chrétiens n'avaient pas attendu le retour imminent de
leur Seigneur, le Nouveau Testament, lui aussi, sans doute, aurait pro
duit de telles exhortations et admonestations avant d'entrer dans la
terre promise de l'histoire de l'Église européenne.
Quelle est la signification du fait que le peuple de Dieu, qui a été
créé et constitué par un acte libérateur du Seigneur, par la Croix et la
Résurrection, va maintenant habiter la terre et constituer un corpus
christianum ? Quelle histoire avons-nous derrière nous ? Quelles espé
rances d'une bonne vie dans la plénitude avons-nous devant nous ? Et
quelles règles de droit seront les conditions sous lesquelles le Seigneur
remplira sa promesse ?
Problèmes d'identité
Après 2000 ans d'histoire, la tâche de la réflexion n'est pas devenue
plus aisée. Le peuple de Dieu ne peut plus parler d'une seule voix pour
exprimer ses expériences et ses espérances. Et le peuple de Dieu (de
toute manière de ce Dieu qu'il croit connaître par la Bible) n'est pas le
seul peuple réfléchissant sur cette question. Il y aura aussi des Canaa-
nites, des Férézites, des Philistins dans la terre promise.
Quoi qu'il en soit, vous m'avez demandé une réflexion dans une
perspective théologique particulière, c'est-à-dire protestante. La lettre
qui m'a invité souligne qu'une telle réflexion sera très importante pour
les protestants français qui ont « quelques petits problèmes d'identité ».
Je ne sais pas si parmi ces « »
vous comptez aussi la question de savoir si le protestantisme va mour
ir (Jean Baubérot) ; peut-être ne va-t-il mourir qu'en France, après
47 avoir accompli sa mission historique, après avoir produit Jean Calvin
et après l'avoir cédé par la suite à Genève.
Car il n'est pas facile, en effet, de distinguer la voix du protestan
tisme parmi les bruits et les cris du marché. Sur ce marché il n'existe
pas pour les protestants un endroit de rencontre, un meeting-point
comme dans les aéroports. Les protestants participent à la Conférence
des Églises Européennes, mais ils sont là avec les Orthodoxes et
même, parfois, comme lors du grand rassemblement de Bâle l'année
passée, avec les catholiques. Et si on parvient à distinguer des voix
protestantes, on découvre rapidement qu'elles n'ont pas toutes la
même sonorité. Un protestant français n'est pas semblable à un protes
tant allemand, et un hollandais est bien différent d'un pro
testant anglais : pour les protestants français, dans leur situation de mi
norité, la question de l'identité se pose autrement que pour les
protestants allemands qui institutionnellement et financièrement sont
une puissance redoutable sur le marché. Les protestants français
n'osent presque plus espérer apporter des individus (ou des paroisses)
sur le marché commun et c'est pour cette raison qu'ils ont mis leurs e
spérances sur les valeurs protestantes. Une fois cette mission historique
accomplie, ils pourraient, comme le patriarche Jacob, «ramener ses
(leurs) pieds dans le lit, expirer et être réuni(s) aux siens (leurs) »,
Gen. 49,33.
Il n'y a pas longtemps, André Duhamel a comparé le problème du
protestantisme français à celui de Pyrrhus. Est-ce qu'il n'est pas en
train de mourir juste au moment où il remporte la victoire? La consol
ation de cette mort serait la « protestantisation » de la société fran
çaise, la reconnaissance générale des valeurs du protestantisme : l'ind
ividualisme, l'esprit d'entreprise, le courage de prendre des risques
dans la compétition commerciale, la démocratie, la laïcité, la forme
républicaine de l'Etat, le respect pour l'état de droit et enfin les droits
civiques des citoyens. Selon André Duhamel ces valeurs ont gagné de
l'importance à la fin des années 80.
Et peut-être que les organisateurs de notre colloque ont voulu sug
gérer que ces valeurs-ci sont celles que l'on doit, pour la France,
mettre au premier plan, sur le marché des valeurs communes. Com
ment la théologie pourrait-elle évaluer ces ? Voici encore une
citation de votre lettre d'invitation : « Ce serait au théologien d'exposer
les valeurs que les églises protestantes européennes ont en commun
(une sorte d'éthique de la conviction, selon l'expression de Max
Weber), face à quoi l'économiste surtout rappellerait les contraintes
qu'une éthique de la responsabilité doit prendre en compte».
48 dois vous avouer que je ne me sentais pas tout à fait à l'aise face Je
à une position où le théologien serait appelé à définir et à défendre
une « éthique de la conviction » contre une « éthique de la responsabil
ité » qui serait représentée par l'économiste. Quelle conviction pourr
ait-on se former qui ne serait pas responsable : responsable aussi pour
les effets de ces convictions ?
Mais quelles sont ces convictions ? Sont-elles identiques aux va
leurs? Des valeurs objectivées

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