L expression du moi dans les religions de l Inde - article ; n°1 ; vol.220, pg 81-105
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Revue de l'histoire des religions - Année 2003 - Volume 220 - Numéro 1 - Pages 81-105
Une évidente préoccupation de l'immobilité caractérise les religions indigènes de l'Inde. Dans certains courants cette préoccupation s'exprime sous forme de pratiques ascétiques ; dans d'autres on accepte l'existence d'une âme inactive, dont la connaissance est une condition nécessaire pour atteindre la libération. Le bouddhisme n'accepte ni ces pratiques ascétiques, ni la voie vers le salut par la connaissance d'une telle âme. Il ne réussit pourtant pas pour longtemps à exclure définitivement de telles pratiques et de telles idées. Quelques réflexions sur la présence de pratiques et d'idées semblables dans d'autres civilisations concluent le présent article.
The expression of the I in the religions of India
The indigenous religions of India are characterised by an obvious preoccupation with immobility. In some currents this preoccupation is expressed in ascetic practices, in others through the acceptance of an inactive soul which has to be known and realised if one wishes to obtain liberation. Buddhism accepts neither these ascetic practices nor knowledge of the self as a means to attain the highest good. It was not however successful in casting such practices and ideas out once and for all. Some thoughts about the presence of similar practices and ideas in different cultures conclude this article.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Johannes Bronkhorst
L'expression du moi dans les religions de l'Inde
In: Revue de l'histoire des religions, tome 220 n°1, 2003. pp. 81-105.
Résumé
Une évidente préoccupation de l'immobilité caractérise les religions indigènes de l'Inde. Dans certains courants cette
préoccupation s'exprime sous forme de pratiques ascétiques ; dans d'autres on accepte l'existence d'une âme inactive, dont la
connaissance est une condition nécessaire pour atteindre la libération. Le bouddhisme n'accepte ni ces pratiques ascétiques, ni
la voie vers le salut par la connaissance d'une telle âme. Il ne réussit pourtant pas pour longtemps à exclure définitivement de
telles pratiques et de telles idées. Quelques réflexions sur la présence de pratiques et d'idées semblables dans d'autres
civilisations concluent le présent article.
Abstract
The expression of the I in the religions of India
The indigenous religions of India are characterised by an obvious preoccupation with immobility. In some currents this
preoccupation is expressed in ascetic practices, in others through the acceptance of an inactive soul which has to be known and
realised if one wishes to obtain liberation. Buddhism accepts neither these ascetic practices nor knowledge of the self as a
means to attain the highest good. It was not however successful in casting such practices and ideas out once and for all. Some
thoughts about the presence of similar practices and ideas in different cultures conclude this article.
Citer ce document / Cite this document :
Bronkhorst Johannes. L'expression du moi dans les religions de l'Inde. In: Revue de l'histoire des religions, tome 220 n°1, 2003.
pp. 81-105.
doi : 10.3406/rhr.2003.944
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_2003_num_220_1_944BRONKHORST JOHANNES
Université de Lausanne
L'expression du moi
dans les religions de l'Inde
Une évidente préoccupation de l'immobilité caractérise les rel
igions indigènes de l'Inde. Dans certains courants cette préoccupation
s'exprime sous forme de pratiques ascétiques; dans d'autres on
accepte l'existence d'une âme inactive, dont la connaissance est une
condition nécessaire pour atteindre la libération. Le bouddhisme
n'accepte ni ces pratiques ascétiques, ni la voie vers le salut par la
connaissance d'une telle âme. Il ne réussit pourtant pas pour long
temps à exclure définitivement de telles pratiques et de telles idées.
Quelques réflexions sur la présence de et d'idées semblables
dans d'autres civilisations concluent le présent article.
The expression of the I in the religions of India
The indigenous religions of India are characterised by an obvious
preoccupation with immobility. In some currents this preoccupation is
expressed in ascetic practices, in others through the acceptance of an
inactive soul which has to be known and realised if one wishes to
obtain liberation. Buddhism accepts neither these ascetic practices nor
knowledge of the self as a means to attain the highest good. It was not
however successful in casting such practices and ideas out once and for
all. Some thoughts about the presence of similar practices and ideas in
different cultures conclude this article.
Revue de l'histoire des religions, 220 - 1/2003, p. 81 à 105 : JOHANNES BRONKHORST 82
1. L'HINDOUISME
L'immobilité
Le respect témoigné aux Indiens par les colonisateurs britan
niques laissait parfois à désirer. En témoigne l'observation sui
vante de Graham ; Sandberg1, qui brosse une caricature des
Indiens pour la projeter ensuite dans leur métaphysique : «... la
seule idée du bonheur suprême qu'ils possèdent est celle de repos;
- repos absolu ;. et immuable. Permettez à un •• Hindou d'être
étendu comme un rondin, et de ; dormir, il sera exquisément, ,
intensément heureux. »2
II n'y a pas de doute que, M. Sandberg n'est pas le meilleur,
témoin des religions indiennes. En dépit de cela, et probablement
sans que M. Sandberg s'en soit rendu compte, son observation
contient un grain de vérité. L'immobilité est un thème récurrent
dans les religions de l'Inde, qui n'exprime pas, bien entendu, une
paresse innée des Indiens, mais qui constitue un - idéal religieux
dont nous parlerons brièvement:
M. Sandberg ne fut pas le premier visiteur étranger à remar
quer le thème de l'immobilité dans les religions de - l'Inde. Plus ■•
de deux mille ans avant lui (au début du*iiie siècle avant notre
ère), l'ambassadeur grec. Megasthènes, envoyé par Séleucos
Nicator. auprès du roi indien Candragupta, avait laissé une des
cription des différents : types d'ascètes qu'il rencontrait • en Inde.
Ces- ascètes, nous dit-il, «pratiquent* l'endurance, de façon
active et passive, de sorte qu'ils peuvent rester. sans mouvements
dans une seule position durant toute la journée »3. Et quand
Cicéron prétend que les sages ; indiens ■; supportent, touti nus, le
froid hivernal sans douleur, et se font brûler vivants sans même
1. Auteur d'un article, « Philosophical Buddhism in Tibet », paru dans
The Contemporary Review, 57 (1890), 256-271.
2. « ... the one . idea • of the highest happiness they possess is of rest
- absolute immovable rest. Let a Hindu lie as a log and sleep, he is then *
deliriously, intensely, happy » (observation citée dans Almond, 1988, 50).
3. Cp. Zysk, 1991, 141, n. 26.. ,
-,

.
:
L'EXPRESSION DU MOI 83
gémir4, il ne fait que résumer ce que d'autres avaient rapporté à
ce , sujet.
Nombreux - sont les » rapports de : visiteurs étrangers concer
nant les prouesses des ascètes indiens justement dans le domaine
de l'immobilité ou, . plutôt, de la non-réaction face à des épreu
ves extrêmes; Ne mentionnons que François Bernier, un médec
in français qui visita l'Inde au xvir siècle. Il rapporte avoir vu
des ascètes « qui, par un vœu particulier, se tenaienHes sept et
huitf jours : debout , sur, leurs jambes, qui * devenaient enflées et
grosses comme leurs cuisses, sans s'asseoir ni sans se coucher, ni \
sans se reposer autrement qu'en se penchant et s'appuyant quel
ques- heures de la. nuit sur une corde tendue devant: eux ;
d'autres qui s se tenaient des heures entières sur leurs mains sans
branler, la tête en bas et les pieds en haut, et ainsi de je ne sais
combien d'autres sortes de postures, tellement contraintes et te
llement difficiles, que nous » n'avons bateleurs qui les puissent
imiter »5. Aujourd'hui encore, un visiteur/ peut rencontrer; en
Inde des fakirs étendus sur un lit de clous ; ou des sages qui se,
tiennent debout pendant des heures dans un fleuve de montagne:
glacé."
Ces pratiques sont aussi abondamment attestées dans la litt
érature religieuse de l'Inde. Innombrables sont les contes de héros
qui, pour obtenir, tel ou tel objet - une arme magique, la faveur
d'un dieu; . om même • le ciel: -, s'abstiennent : de tout mouve
ment . durant des années s entières. Et certains courants religieux ■<
- parmi lesquels t le • jaïnisme est particulièrement remarquable -
préconisent l'immobilisation progressive comme chemin vers? la;
libération;
Les actes
Mais quel; rapport y a-t-il: entre, cette préoccupation de,
l'immobilité et l'idée du moi ? Quel est le lien entre ces pratiques
extrêmes et les concepts du moi en Inde ? Ce lien existe ; pour le
4. Voir Halbfass, 1988, 12-13.
5. Bernier, 1724, 242. ■
>
84 JOHANNES BRONKHORST
découvrir, nous ; devrons d'abord mettre ces pratiques dans : leur
contexte culturel6.
S'immobiliser signifie : s'abstenir, d'actes. Le rôle des • actes
(karman) dans une grande partie des religions de l'Inde est bien
connu, même en Occident aujourd'hui. Les actes déterminent le
sort de celui qui les accomplit.1 .Tout acte évoque une rétribution
qu'on obtient, soit dans la présente vie, soit dans une vie ulté
rieure. Le fait même qu'on renaît dans une vie ultérieure est dû-
aux actes qui • n'ont pas ; encore - été rétribués. - Cette rétribution
est essentiellement d'ordre moral : les bons actes amènent à une
renaissance* agréable ; les1 mauvais: actes,- à- une: renaissance
désagréable.
Comment .. se situent: les' pratiques d'immobilité' dans- ce
complexe d'idées ? Il . n'est pas • difficile de . l

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