Le libéralisme a-t-il une base sociale dans la France de 1985 ? - article ; n°1 ; vol.5, pg 5-17
14 pages
Français

Le libéralisme a-t-il une base sociale dans la France de 1985 ? - article ; n°1 ; vol.5, pg 5-17

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
14 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Autres Temps. Les cahiers du christianisme social - Année 1985 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 5-17
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominique N. Fabre
Le libéralisme a-t-il une base sociale dans la France de 1985 ?
In: Autres Temps. Les cahiers du christianisme social. N°5, 1985. pp. 5-17.
Citer ce document / Cite this document :
Fabre Dominique N. Le libéralisme a-t-il une base sociale dans la France de 1985 ?. In: Autres Temps. Les cahiers du
christianisme social. N°5, 1985. pp. 5-17.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1985_num_5_1_993Fabre Dominique
Le libéralisme, ou plus précisément le libéralisme économique, apparaît
comme une forme d'organisation des échanges historiquement reperable,
puis comme une formulation théorique avancée de cette organisation1.
Vient ensuite une expression idéologique. Mais les glissements de sens
qu'engendre cette dernière incite à une vigilance qui s'exerce sur les écarts
possibles qui pourraient apparaître entre la référence idéologique et le dis
cours théorique, sinon la réalité sociale et économique.
Depuis près de trois ans maintenant la droite française tient un discours
idéologique fortement empreint de référence au libéralisme. Que dire de
ce discours ? N'est-ce qu'un artifice électoral susceptible de flatter l'opi
nion des séductions de l'air du temps ? Ou bien s'agit-il, au contraire,
d'une volonté politique authentique, et dans ce cas, la droite française a-t-
elle les moyens de sa politique ? En d'autres termes, compte-tenu de cer
taines données historiques, économiques ou sociales, y a-t-il place pour
un libéralisme économique dans la France des années 80 ? Les forces qui
composent cette société sont-elles en mesure d'aborder une authentique
confrontation aux lois du marché ?
Le libéralisme : des conditions
Tout d'abord il faut planter la toile de fond de ce problème, à savoir
énoncer les conditions minimales qui permettent de différencier nett
ement une économie de marché digne de ce nom. Qui dit marché, dit deux
fondements :
— un écart minimal par rapport aux conditions du modèle dit de con
currence pure et parfaite,
5 — une expression des modalités de l'échange par un système de prix
explicites et fluctuants.
Sur le rapport au modèle de concurrence pure et parfaite, deux él
éments sont à retenir :
— D'une part la condition d'atomicité du marché selon laquelle aucun
des intervenants dans l'échange ne dispose de la capacité d'influer sur ses
concurrents, tant au plan de la production que de la formation des prix.
Cette condition signifie que tout groupement suffisamment fort à la vente
ou à l'achat pour dicter ses conditions à ses interlocuteurs vient altérer la
pureté du modèle : ainsi, les grosses firmes monopolistiques, les groupes
de pression économique, les groupes sociaux capables d'agir sur certains
modes de mises en marché (ex. les petits commerçants enrayant le
développement de la grande distribution avec la loi Royer de 1973) ou sur
certaines formes d'échanges extérieurs (ex. le lobby agricole protectionn
iste jusqu'en 1957).
— D'autre part, la condition de fluidité des échanges et de transpa
rence de l'information sur les prix. Toutes les difficultés rencontrées en
matière de facturation explicite des actes commerciaux, de déclarations
des services faits, de numerus clausus dont se prévalent certaines profes
sions (pharmaciens, taxis, notaires, etc.) interfèrent sur la fluidité des
échanges et perturbent la vitalité de la concurrence.
On peut d'ores et déjà noter que toutes ces conditions d'économie théo
rique rejaillissent immédiatement sur le plan social et politique. On sait ce
qu'il en a coûté à Pierre Mendès-France de s'attaquer aux bouilleurs de
cru. MM. Chirac et Barre prendront-ils vraiment le risque d'affronter des
professions très souvent organisées de manière archaïque et qui, pour
l'essentiel, constituent leur base sociale ?
Mais continuons. Le modèle libéral suppose l'absence d'intervention de
l'autorité publique. Pour que « la main invisible », chère à Adam Smith,
puisse opérer, il importe que cette « manipulation » ne soit pas perturbée
par l'action de l'État qui, sinon, devient l'empêcheur d'équilibrer en
rond. Or, et depuis longtemps, l'État est un partenaire essentiel de la vie
économique. Il achète des biens pour ses administrations, il vend des pres
tations (sociales, culturelles ou autres), il pèse sur le rythme de la vie éc
onomique par les ponctions fiscales, les modifications des taux d'intérêt,
par la nature de ses orientations budgétaires. Pour illustrer ce constat, il
n'est que d'évoquer deux secteurs d'intervention de l'État qui ne man
quent pas d'avoir des répercussions politiques.
Certains biens et services relèvent de l'économie publique : les trans
ports, la santé, l'éducation obéissent à des mécanismes spécifiques de fo
rmation des prix. En raison de finalités particulières, sociales pour l'essent
iel, les consommateurs qui utilisent ces services n'en paient pas le vérita
ble prix. La différence entre coût de revient et prix à la consommation se
solde par des déficits comblés par des transferts du budget public vers ces
secteurs. Ces transferts sont justifiés par une idéologie solidariste. Mais n'exclut que les Français paient un jour à leur vrai prix le ticket rien
d'autobus, la consultation hospitalière ou le cours de maths de Termin
ale. Même chose dans le domaine de l'enseignement supérieur. A titre de
comparaison l'année d'études dans une université américaine revient en
1985 à 20 000 dollars US, soit en février de cette année (avec le dollar, il
faut dater !) environ 200 000 francs. Ce libéralisme là est conséquent avec
lui-même, mais on peut douter de la place qui pourrait lui être faite en
France.
Par ailleurs les prix agricoles en France, mais plus généralement en
Europe, échappent pour l'essentiel à la loi du libéralisme. Le système de
régulation des marchés agricoles par la politique agricole commune induit
une confrontation biaisée entre offre et demande. Du fait des mécanismes
d'intervention qui garantissent aux producteurs l'écoulement de leurs
produits, le système protège ce secteur des fluctuations de prix négatives
et brutales. Mais ce système déconnecte aussi progressivement l'offre et la
demande. Alors que la seconde évolue lentement ou stagne, la première
caracole sans se soucier de ses exédents structurels (lait, céréales, viande,
certains fruits). Le consommateur n'arbitre plus le marché et le contri
buable paie. La montagne de beurre communautaire lui coûte actuell
ement 700 millions de centimes par jour, à cet honorable contribuable !
Pour régler ce problème économique et budgétaire, les responsables poli
tiques ont le choix entre maîtriser les quantités offertes à l'intervention ou
revenir au libéralisme par une fluctuation des prix à la baisse. Cette
seconde démarche, souvent demandée par les Britanniques et les Néerland
ais (qui ont une tradition libérale autrement solide), n'a pour l'instant
été relayée par aucun responsable français. Voilà pourtant une occasion
inespérée de faire montre de libéralisme authentique ! Bien sûr, modeste
détail, il faudrait pour ce faire prendre à contrepied l'ensemble du monde
paysan français. Voilà un silence particulièrement éloquent. Ne retrouve-
t-on pas là l'épineux problème de la base sociale'?
Ainsi le libéralisme économique dans sa pureté originelle est certaine
ment la chose du monde la moins partagée en France. Tout groupe, toute
collectivité n'hésite jamais à protéger ses intérêts et se soucie alors bien
peu des conditions fondamentales de l'exercice du libéralisme. La diffé
rence entre la France et d'autres pays réside en ce que ces groupes y sont
extrêmement nombreux, qu'ils sollicitent très souvent l'aide de l'État et
qu'ils monnaient leurs attachements politiques.
Le libéralisme : une aptitude
Mais en dehors de toute préoccupation étroitement économique, le
libéralisme suppose des hommes et des entrepreneurs ayant un certain
profil. On peut ainsi parler d'

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents