Porphyre et la datation de Moïse - article ; n°2 ; vol.192, pg 137-164
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Description

Revue de l'histoire des religions - Année 1977 - Volume 192 - Numéro 2 - Pages 137-164
Pour prouver l'antiquité de la tradition judéo-chrétienne, Eusèbe de Césarée est heureux de présenter le témoignage de Porphyre qui situait Moïse 850 ans avant la guerre de Troie. Cette datation exagérément haute résulte en fait de l'interprétation tendancieuse par Eusèbe d'un passage du Contra Christianos que nous pouvons identifier. Par contre, une objection antichrétienne anonyme conservée par Makarios Magnès suppose une datation de Moïse plus conforme à l'opinion traditionnelle. Cette objection peut avec vraisemblance être attribuée à Porphyre. Comme cette datation a été apparemment déduite de certains passages du premier Stromate de Clément d'Alexandrie, nous avons peut-être là l'indice d'une utilisation de Clément par l'auteur du Contra Christianos.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Richard Goulet
Porphyre et la datation de Moïse
In: Revue de l'histoire des religions, tome 192 n°2, 1977. pp. 137-164.
Résumé
Pour prouver l'antiquité de la tradition judéo-chrétienne, Eusèbe de Césarée est heureux de présenter le témoignage de
Porphyre qui situait Moïse 850 ans avant la guerre de Troie. Cette datation exagérément haute résulte en fait de l'interprétation
tendancieuse par Eusèbe d'un passage du "Contra Christianos" que nous pouvons identifier. Par contre, une objection
antichrétienne anonyme conservée par Makarios Magnès suppose une datation de Moïse plus conforme à l'opinion traditionnelle.
Cette objection peut avec vraisemblance être attribuée à Porphyre. Comme cette datation a été apparemment déduite de
certains passages du premier "Stromate" de Clément d'Alexandrie, nous avons peut-être là l'indice d'une utilisation de Clément
par l'auteur du "Contra Christianos".
Citer ce document / Cite this document :
Goulet Richard. Porphyre et la datation de Moïse. In: Revue de l'histoire des religions, tome 192 n°2, 1977. pp. 137-164.
doi : 10.3406/rhr.1977.6616
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhr_0035-1423_1977_num_192_2_6616■У-
Porphyre et la datation de Moïse
Pour prouver Г antiquité de la tradition judéo-chrétienne, Eusèbe
de Césarée est heureux de présenter le témoignage de Porphyre qui
situait Moïse 850 ans avant la guerre de Troie. Cette datation exagé
rément haute résulte en fait de V interprétation tendancieuse par Eusèbe
d'un passage du Contra Ghristianos que nous pouvons identifier.
Par contre, une objection anlichrétienne anonyme conservée par
Makarios Magnés suppose une datation de Moïse plus conforme à
Vopinion traditionnelle. Cette objection peut avec vraisemblance être
attribuée à Porphyre. Comme cette datation a été apparemment déduite
de certains passages du premier Stromate de Clément d'Alexandrie,
nous avons peut-être là l'indice d'une utilisation de par V auteur
du Contra Christianos.
Le débat autour de la datation de Moïse dans l'Antiquité
ne relevait pas de la seule curiosité historique. Cette question
était au centre de la polémique entre la tradition judéo-
chrétienne et la tradition grecque1. Parce qu'ils s'enracinaient
dans des événements donnés comme historiques — l'exode
des Juifs, la mort de Jésus —, le Judaïsme et le Christianisme
apparaissaient comme des phénomènes religieux datés dans
un passé récent et localisés dans un espace restreint. Or, le
besoin religieux de l'époque hellénistique faisait espérer d'une
« voie véritablement universelle du salut »2 qu'elle soit libérée
de ces conditionnements du temps et de l'espace. D'autre
part, ces religions s'étaient constituées en dehors de la tra
dition culturelle de l'Hellénisme, si bien qu'on leur reprochait
de ne pas avoir attiré l'attention des historiens et des philo-
1. Sur la portée idéologique de ce débat, voir J. Pépin, Le « challenge »
Homère-Moïse aux premiers siècles chrétiens, Rev. SR (1955), 29, 105-122.
2. Porphyre, De Regressu Animae, fr. 12 Bidez = Augustin, De Civ. Dei,
X, 22, 1.
BEVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 4/77 138 REVUE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
sophes grecs3, ce qui n'empêchait pas de considérer les points
de ressemblance qu'elles présentaient avec la tradition grecque
comme autant de plagiats4.
Prouver que Moïse, le fondateur de la religion juive, était
plus ancien que les origines mêmes de l'Hellénisme, c'était
bouleverser ce rapport de force en donnant au Judaïsme et
par voie de conséquence au Christianisme le droit d'opérer
à l'égard de la tradition hellénique la réduction historique et
philosophique dont ils avaient fait l'objet5. Cette démonst
ration supposait une érudition considérable qui n'était pas
à la portée de tous les historiens qui y ont consacré leur labeur.
Pour mener à bien cette entreprise, les Anciens se sont
engagés sur deux voies différentes. La première méthode
consistait à établir la date relative de l'exode par rapport à
un autre événement de l'histoire juive qui soit celui-là daté
dans la chronologie universelle. On pouvait trouver dans les
livres historiques de la Bible une multitude de chiffres ind
iquant des longévités, des durées de règnes ou le nombre
d'années écoulées entre deux événements. En faisant la
somme de ces durées, on pouvait établir qu'il y avait tant
d'années de l'exode à tel événement daté de la chronologie
universelle, comme par exemple la seconde année du règne de
Darius Ier. Si l'on disposait en plus d'une chronologie couvrant
la période du IIe millénaire avant Jésus-Christ, on pouvait
même retrouver, en reportant le même nombre d'années sur
cette chronologie, à l'époque de quel roi, grec ou barbare,
l'exode s'était déroulé.
La seconde méthode était plus directe. Il suffisait d'ident
ifier le Pharaon égyptien sous lequel s'était déroulé l'exode
3. Flavius Josèphe, Contre Apion, I, 2 ; Josèphe écrit contre des advers
aires qui allèguent « pour preuve de l'origine assez récente de notre race que les
historiens grecs célèbres ne l'ont jugée digne d'aucune mention ». Pour le Contre
Apion, dont nous aurons souvent à reparler, voir l'édition de Th. Reinach et
L. Blum, Paris, puf, 1930 ; réimpr., 1972.
4. Que de deux documents exprimant les mêmes idées, le plus ancien soit la
source du plus récent a pour toute l'Antiquité valeur d'axiome. Voir Celse,
apud Origène, Contre Celse, IV, 21 ; IV, 36 ; IV, 41, etc.
5. Ainsi Moïse devenait-il la « source » d'Homère : Justin, / Apol., 44.
Cf. aussi Tatien, Discours aux Grecs, 40. ET LA DATATION DE MOÏSE 139 PORPHYRE
des Juifs. Il fallait pour cela recourir au témoignage des histo
riens profanes comme celui de l'Egyptien Manéthon6, car
YExode ne donne pas le nom de ce Pharaon ; on arrivait
ainsi à une date précise, pour peu que la chronologie dont on
disposait fournît le synchronisme des règnes égyptiens et
des règnes des cités grecques.
Dans la pratique, rien n'était aussi simple. Pour com
mencer, la première méthode supposait une histoire d'Israël
dont on ait eu toutes les données chronologiques, sans omiss
ion, sans doublet et sans contradiction. Telle n'était pas la
situation et on voit les historiens anciens proposer des durées
fort différentes entre l'exode et la construction du Temple de
6. Flavius Josèphe (С. Ap., I, 75-90, 93-102) croyait trouver dans un
passage du livre II des Aigyptiaka de l'Egyptien Manéthon (ou Manéthôs)
(FGrH 609 F 8-9 a) un récit profane, fondé sur les Chroniques égyptiennes, de
l'exode des Juifs. Manéthon raconte l'invasion soudaine et l'occupation de
l'Egypte par un peuple qui, venu de l'Orient, devait opprimer les Egyptiens
pendant 511 ans (I, 84). Ce peuple cruel dont la capitale était Avaris (I, 78)
au nord-est de l'Egypte s'appelait Hycsos (I, 82), ce que Manéthon traduit :
« Rois-Pasteurs ». A la suite d'un soulèvement mené par le Pharaon Misphrag-
mouthôsis (I, 86), les Pasteurs se retirèrent à Avaris. Le fils de Misphragmou-
thôsis, Thoummôsis, ne put prendre la ville et dut traiter avec les Pasteurs qui
acceptèrent de quitter l'Egypte et s'installèrent en Judée où ils construisirent
Jérusalem (I, 90). Manéthon donnait ensuite le nom et la durée du règne des
Pharaons successeurs de Thoummôsis (I, 94-98), puis racontait la querelle
ayant opposé le Pharaon Séthôs et son frère Harmaïs qui s'appelait aussi Danaos
(I, 98-102). Alors que menait campagne en Orient, Harmaïs s'empara
du pouvoir, mais dut se soumettre au retour de Séthôs. Grâce à la mention des
règnes qui avaient séparé Thoummôsis et Séthôs, on pouvait établir que l'expul
sion des Pasteurs s'était produite 333 ans (ou 393 ans, si l'on compte, comme le
fait Josèphe, les 59 ans du règne de Séthôs

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